propriété (droit de), (suite)
Un droit contrôlé.
• Dans la première perspective, doctrine et jurisprudence s'allient pour faire triompher, au début du XXe siècle, la théorie de l'abus des droits. Celle-ci reconnaît que le propriétaire, bien que titulaire d'un droit légitime, peut, dans l'exercice de celui-ci, commettre une faute engageant sa responsabilité. Plus tard, sans prétendre sanctionner le moindre abus mais afin de protéger les intérêts du corps social, le législateur, dans maintes circonstances, restreint encore les prérogatives du propriétaire. Les exemples foisonnent : en droit rural, avec l'organisation par la loi du 13 avril 1946 du droit de préemption et du maintien dans les lieux au profit du preneur ; en matière de logement urbain où, pour faire face à la crise survenue au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la loi édicte un véritable code des loyers avec fixation impérative des prix et des conditions du bail. Depuis, les textes renforçant les droits du locataire au détriment de ceux du propriétaire n'ont fait que se multiplier.
Parallèlement, et pour les mêmes motifs, on a jour après jour reconsidéré l'objet du droit. Si la propriété est une fonction sociale, certains biens, en effet, par nature, doivent être exclus de l'appropriation individuelle. Aussi, la Constitution de 1946 stipule-t-elle dans son préambule - repris par la Constitution de 1958 - que « tout bien, toute entreprise dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité ». Au nom de ces principes, houillères, entreprises de gaz, d'électricité, régie Renault, sont nationalisées. À partir de 1981, les mêmes principes produisent les mêmes effets, jusqu'à ce qu'en 1986 le libéralisme redevienne à la mode et justifie, dès 1993, une vague de privatisations : flux et reflux du mouvement attestent la liaison - toujours intime - entre propriété et idéologie.
Un droit sans cesse renouvelé.
• Que reste-t-il du droit de propriété ? De son absolutisme, peu de chose. En effet, outre sa limitation par l'abus, le droit de propriété s'est morcelé : le monarque d'antan est devenu copropriétaire (10 juillet 1965) puis multipropriétaire (3 janvier 1986) ; son droit absolu est devenu jouissance ... un peu comme autrefois. De son exclusivisme, il reste également peu de chose. Les réglementations publiques, toujours plus minutieuses (urbanisme, environnement...), amputent régulièrement les prérogatives et la liberté du propriétaire. Quant à la perpétuité de la propriété, elle est aussi remise en cause par le caractère consomptible de plus en plus accusé des biens qui en sont l'objet. Mais, tandis que les attributs du droit s'amenuisent, tandis que certains biens sont exclus de l'appropriation privée, d'autres les remplacent. Biens incorporels pour l'essentiel : fonds de commerce, droits d'auteur, brevets d'invention, dessins et modèles..., sans oublier les biens mobiliers, dont le développement a contraint le législateur à renforcer la protection.
Aujourd'hui, la propriété n'est plus seulement foncière, elle est aussi mobilière ; elle n'est plus surface, elle est également espace ; elle n'est pas exclusivement bourgeoise, elle a éclaté pour se démocratiser. Elle est diffusée partout, et son histoire est loin d'être achevée.