Provence, (suite)
À l'accumulation de ces facteurs d'ébranlement, il faut ajouter la francisation accélérée des groupes dirigeants depuis le XVIe siècle : plus spontanée qu'imposée jusqu'à la généralisation de l'enseignement primaire, elle finit par provoquer un réveil culturel incontestable, quoique limité, autour du félibrige (1854). De moindre conséquence, puisqu'il n'y a jamais eu d'art provençal à proprement parler, se révèle l'intensité de la vie artistique en Provence depuis le XVIe siècle. Elle associe un flot ininterrompu de visiteurs de tous horizons à une création locale abondante et honorable, dans tous les domaines. Mais les artistes provençaux de renom font carrière à l'extérieur (Puget, Fragonard...), ou n'utilisent les ressources régionales que comme matériau d'inspiration (Cézanne, Milhaud), tout comme les écrivains francophones d'origine provençale. Et, depuis un siècle, la Provence est devenue un haut lieu de l'art international.
La région s'est éveillée à la modernité après la Première et surtout la Seconde Guerre mondiale. Le pays a été transformé en profondeur par les grands travaux, les industries nouvelles, le tourisme, l'explosion des activités culturelles, qui ont entraîné son quadrillage serré par les voies de communication et l'effondrement des activités traditionnelles. Parallèlement, l'afflux d'une main-d'œuvre et de nombreux cadres étrangers, ajouté à l'élévation du niveau de vie, a provoqué une urbanisation accélérée et suscité une demande de consommation culturelle standardisée. Les vitrines de l'ancienne province sont maintenant son littoral (secondairement, les montagnes orientales et la Camargue), devenu le secteur le plus actif, au détriment des vieux centres urbains de l'intérieur (qui, jusqu'à la fin du XIXe siècle ont été, avec Marseille, les moteurs de la vie provençale) et d'une agriculture de plus en plus menacée malgré son dynamisme.
L'histoire politique traduit cette évolution. Jusqu'à la Révolution, la Provence a été (comme le Comtat) pays d'états - administré par des assemblées représentatives, moins soumises qu'on ne l'a dit -, ressort de cours souveraines ombrageuses, terre de juristes fameux, voisine d'une communauté marseillaise rétive : la vie politique y a donc été assez originale. Depuis 1789, elle n'est plus que le reflet des grandes évolutions françaises, avec des balancements qui ne sont pas sans rappeler ceux du Languedoc voisin. À l'instar de ce dernier, la Provence tend à ne plus être qu'un cadre naturel pour un certain style de vie.