Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Tours (congrès de), (suite)

En réalité, le vote majoritaire au congrés de Tours reposait sur une équivoque. Les partisans de l'adhésion à la IIIe- internationale, en n'évaluant pas la portée réelle des « 21 conditions », avaient commis une grave erreur d'appréciation sur la véritable nature du projet bolchevique, dont ils ne percevaient pas le caractère radical. Au cours des années suivantes, le nouveau parti est épuré, puis « bolchevisé » : la formation dont Maurice Thorez prend la direction en 1930 n'a plus qu'un lointain rapport avec le parti né à Tours en décembre 1920.

Tourville (Anne Hilarion de Cotentin, comte de),

maréchal de France (château de Tourville, Manche, 1642 - Paris 1701).

Destiné dès l'enfance à l'état militaire, il commence sa carrière dans la marine au service de l'ordre de Malte, remportant victoire sur victoire, en Méditerranée, contre les Turcs et les corsaires barbaresques. Entré dans la marine royale en 1661, capitaine de vaisseau à 24 ans, il se couvre de gloire en participant avec succès à de multiples campagnes, notamment pour défendre le commerce français en Méditerranée. Placé longtemps sous les ordres de Duquesne, il est nommé chef d'escadre (1676), lieutenant général des armées navales (1682), vice-amiral des mers du Levant (1689), et prend une part active à l'organisation de la marine militaire et commerciale du royaume. Durant la guerre de la Ligue d'Augsbourg, il défait la flotte anglo-hollandaise lors de la bataille du cap Béveziers, au sud de l'Angleterre (1690), mais subit un cuisant échec à la bataille de La Hougue (1692). Il est néanmoins fait maréchal de France l'année suivante, eu égard au courage dont il a fait preuve, et remporte une dernière victoire importante, au large du cap Saint-Vincent. Il abandonne la mer en 1697, au lendemain de la paix de Ryswick.

Toussaint Louverture (François Dominique Toussaint, dit),

homme politique haïtien (Le Cap, Saint-Domingue, 1743 - fort de Joux, Doubs, 1803).

Esclave né dans une plantation, près du Cap, affranchi en 1776, Toussaint Louverture mène jusqu'à la Révolution une vie de petit exploitant agricole dans la partie française de Saint-Domingue, l'actuel Haïti. Espérant obtenir l'égalité des droits avec les Blancs, il est déçu par les revirements de l'Assemblée nationale à Paris, dus à l'obstruction des colons blancs. Aussi rejoint-il la grande insurrection des esclaves noirs de l'île, qui a éclaté en août 1791. Ses capacités politiques et militaires - il doit son surnom à son talent à ouvrir des brèches dans les rangs ennemis - le portent bientôt à la tête de l'armée insurgée. Visant davantage l'indépendance de Saint-Domingue et le pouvoir noir que l'abolition de l'esclavage, il s'allie tour à tour avec les Français, les Espagnols ou les Anglais, en fonction de ses objectifs, et au gré des événements. Lorsque la guerre éclate entre la France et l'Espagne (1793), il s'engage dans l'armée espagnole, et ce malgré l'abolition de l'esclavage à Saint-Domingue décrétée par le commissaire français Sonthonax le 29 août 1793. Nommé général, il remporte quelques succès contre l'armée française. Puis, devant l'avancée des Anglais qui rétablissent l'esclavage dans les villes conquises, il se rallie, en mai 1794, à la République française, qui a officiellement aboli l'esclavage dans toutes ses colonies quatre mois plus tôt. Dès lors, Toussaint s'empare progressivement du pouvoir. Entre 1794 et 1797, il réorganise le pays dévasté par la guerre, écrase les révoltes métisses, chasse les Espagnols, maintient les grandes exploitations dont il refuse le morcellement, distribue les plantations à l'abandon à ses officiers - créant ainsi une véritable élite noire -, et institue un travail forcé pour les paysans proche de l'esclavage. Après avoir expulsé Sonthonax et vaincu les Anglais, qui quittent le territoire en 1798, il devient maître de Saint-Domingue. La Constitution promulguée en 1801 lui donne tous les pouvoirs et le titre de « gouverneur général à vie ». En réaction à la quasi-indépendance de l'île, Bonaparte envoie en 1802 une armée qui contraint Toussaint à se rendre. Déporté en France, il est incarcéré au fort de Joux, dans le Jura, jusqu'à sa mort.

Personnage ambigu, ayant maintenu une certaine forme d'esclavage au profit d'une élite qui lui était acquise, Toussaint Louverture n'en demeure pas moins un grand politique et une figure légendaire de l'émancipation des Noirs. Il a jeté les bases de l'indépendance d'Haïti, proclamée en 1804.

Touvier (procès),

procès qui s'est déroulé en 1994 pour juger un ancien membre de la Milice pendant l'Occupation, premier Français jugé pour « complicité de crimes contre l'humanité ».

Paul Touvier, né en 1915, à Saint-Vincent-sur-Jabron (Alpes-de-Haute-Provence), ancien chef du service de renseignements de la Milice à Lyon, est condamné deux fois à mort par contumace pour intelligences avec l'ennemi (1946, 1947) ; ses condamnations criminelles sont prescrites après un délai de vingt ans (1967). En 1971, il obtient la grâce du président Pompidou, qui annule deux peines accessoires (interdiction de séjour et confiscation des biens), tout en maintenant la suppression des droits civiques. Plusieurs plaintes ayant été déposées contre lui à partir de 1973, Touvier est finalement arrêté en 1989. En avril 1992, il bénéficie d'un arrêt de non-lieu, que la Cour de cassation casse dès novembre, mais, sur onze inculpations initiales, seule sa participation au massacre de sept otages juifs à Rillieux-la-Pape (Rhône), en juin 1944, fait alors l'objet d'une poursuite dans le cadre juridique d'une procédure pour complicité de crimes contre l'humanité. L'instruction de ce procès tardif, qui, pour la première fois, porte sur la participation d'un Français, sous le régime de Vichy, à un crime contre l'humanité, met aussi en lumière les lenteurs et les hésitations de l'appareil judiciaire, ainsi que le rôle d'un certain nombre de gens d'Église, qui ont longtemps protégé et aidé Touvier dans sa fuite pour échapper à la justice. Le 20 avril 1994, Touvier est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Il meurt deux ans plus tard, à l'hôpital pénitentiaire de Fresnes.