Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
S

Succession d'Espagne (guerre de la), (suite)

Le règlement du conflit.

• Commencées dès 1711, les négociations entre l'Angleterre et les Provinces-Unies, d'une part, et les Bourbons de France et d'Espagne, d'autre part, aboutissent au traité d'Utrecht (11 avril 1713). Charles VI est dès lors isolé, et ses armées sont battues à plusieurs reprises par Villars (prise de Fribourg-en-Brisgau, le 1er novembre 1713). Aussi se résout-il à la paix : le traité est signé à Rastadt, le 6 mars 1714. Philippe V est reconnu roi d'Espagne et renonce à ses droits sur le trône de France ; ses possessions en Italie et aux Pays-Bas passent à l'Autriche. La France cède à l'Angleterre Terre-Neuve, l'Acadie et la baie d'Hudson, mais Louis XIV a scellé une alliance espagnole qui change la géopolitique de l'Europe.

Succession de Pologne (guerre de la),

conflit qui oppose, principalement, la France à l'Autriche, de 1733 à 1738.

Le caractère électif de la couronne polonaise suscitait, lors de chaque succession, l'immixtion des puissances voisines (Suède, Autriche, Prusse, Russie). Auguste II de Saxe, élu en 1697, détrôné en 1704 par les Suédois au profit de Stanislas Leszczynski, puis rétabli en 1709, avait vainement tenté de rendre sa couronne héréditaire. À sa mort (1733), la Diète polonaise préfère l'ancien roi Stanislas, devenu entre-temps beau-père de Louis XV, au fils d'Auguste II, candidat du parti austro-russe, qui est néanmoins proclamé roi par ses partisans sous le nom d'Auguste III (octobre 1733). Renouant, malgré la prudence du cardinal Fleury, avec le vieux réflexe anti-autrichien, la France déclare la guerre à l'empereur Charles VI, et obtient l'alliance de la Savoie et de l'Espagne.

À vrai dire, l'enjeu polonais s'efface assez vite derrière l'affrontement séculaire entre la France et les Habsbourg. Délaissant le terrain polonais, les armées françaises interviennent contre les Impériaux en Italie et sur le Rhin, où les opérations, d'ampleur limitée, leur sont plutôt favorables. Dès 1734, des négociations sont engagées, qui aboutissent en 1735 à un arrêt des combats et à des préliminaires de paix, ratifiés au traité de Vienne (2 mai 1738) : Auguste III est reconnu en Pologne ; Stanislas Leszczynski, à nouveau détrôné, reçoit la Lorraine, qui, à sa mort, reviendra à la France ; le duc de Lorraine, François III, gendre de l'empereur, obtient en compensation la Toscane, tandis que Naples et la Sicile reviennent à un Bourbon d'Espagne, don Carlos, fils de Philippe V.

Aussi, cette guerre en trompe l'œil confirme-t-elle la mainmise du parti austro-russe sur la Pologne, prélude à son démembrement ultérieur. Mais la France, poursuivant ses objectifs traditionnels, en a profité pour consolider sa frontière du Nord-Est, et l'Espagne pour récupérer une partie de ses anciennes possessions italiennes. Cette redistribution limitée des cartes n'a pas remis en cause l'équilibre issu des traités de 1713-1714, illustrant la politique du « juste milieu » poursuivie par Louis XV et Fleury.

sucre.

D'origine indienne (en sanskrit çarkâra), le mot a été transmis par le double intermédiaire de la civilisation arabe (sukkar) et de l'Italie (zucchero).

On le trouve, pour la première fois, au XIIe siècle, sous la plume de Chrétien de Troyes. L'apparition tardive de ses dérivés traduit la rareté du produit : « sucrer » ne date que du XVe siècle, « sucrier » apparaît en 1555, « sucrerie » entre en usage à partir de 1658. L'essor de la production et de la consommation de sucre est lié à la naissance de l'économie-monde et à l'urbanité.

Le miel : le sucre avant le sucre.

• Jusqu'au Xe siècle, le sucre est connu par sa présence dans le lait, les agrumes et les fruits. Mais le miel est le seul produit qui contient une forte valeur de glucose et de lactose. L'apiculture et la récolte du miel sauvage sont en usage depuis l'Antiquité et, malgré une production limitée et dispersée, les ruraux n'ont jamais manqué de miel. Ils en consomment dans les médicaments, les fruits confits et les boissons, l'hydromel notamment (breuvage constitué d'eau et de miel fermenté durant plusieurs jours, auquel on mêle du vin ou des liqueurs). Dans sa Physiologie du goût (1825), Brillat-Savarin ironise sur le sucre qui est entré dans le monde par l'officine des apothicaires : ce préjugé résulte de l'opposition entre le miel, produit naturel, et le sucre, soumis à une transformation industrielle. La production du miel perdure en dépit de l'essor de la production de sucre colonial.

De la canne à la betterave : le sucre industriel.

• Originaire de la côte du Bengale, la canne à sucre se répand d'abord dans tout le Bassin méditerranéen. Puis, à la fin du XVe siècle, le déclin du commerce levantin et sa découverte des Amériques déplacent sa production outre-Atlantique, notamment au Brésil. Les Portugais et les Hollandais dominent alors le marché ; après 1670 leur succèdent les Français et les Anglais. En Guadeloupe, en Martinique et à Saint-Domingue, Colbert réserve le monopole antillais aux sujets de Sa Majesté. Le trafic d'esclaves doit être dirigé vers les exploitations sucrières, mais les raffineries sont localisées dans la métropole car il est plus sûr de transporter du sucre brut que raffiné. En 1735, quinze raffineries sont établies à Bordeaux et, en 1789, la France, première exportatrice d'Europe, produit 140 000 tonnes de sucre. Cette production repose sur de vastes exploitations et une importante main-d'œuvre. Elle est fondée sur le système de l'esclavage et l'afflux des capitaux des négociants. Des moulins transforment la plante par une série de presses, de cuissons et de lavages. La moscouade, sucre brut, est extraite de la canne écrasée ; elle est bouillie, puis coulée dans des pots de terre et mélangée à une terre blanche. Il en résulte le sucre terré, ou cassonnade, qui fait l'objet d'un raffinage final.

En 1747, le chimiste prussien Marggraf invente un procédé à base de betterave à sucre, qui est repris en France par Delessert (1811), afin de pallier les effets du Blocus continental, mais les résultats sont peu concluants. C'est sous le Second Empire que les grands céréaliers du Bassin parisien assurent le succès du sucre de betterave, bien que son coût reste supérieur à celui du sucre des îles ; au début du XXe siècle, la production du premier dépasse, de manière éphémère, celle de son concurrent.