Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Habsbourg (lutte contre les),

rivalité qui, du XVIe au XVIIIe siècle, a opposé la France à la maison austro-espagnole des Habsbourg (dite aussi « maison d'Autriche »).

Les origines.

• Cet antagonisme séculaire débute au XVe siècle avec la question de Bourgogne : en 1477, par le mariage de Marie de Bourgogne avec Maximilien d'Autriche, les Habsbourg héritent des États bourguignons (Pays-Bas, Franche-Comté) amputés du duché de Bourgogne, que Louis XI a occupé à la mort de Charles le Téméraire. Et ils n'entendent pas renoncer à cette terre que Charles Quint considérera comme sa « patrie ».

Le contentieux s'étend lors des guerres d'Italie. En effet, en tant qu'empereur, Maximilien est suzerain du Milanais ; comme successeur des Rois Catholiques, son petit-fils Charles devient en 1516 roi de Naples et de Sicile. Ils ne peuvent donc considérer sans inquiétude les efforts des Français pour disputer à l'Espagne l'hégémonie sur la Péninsule.

Mais c'est en 1519 que la rivalité entre Valois et Habsbourg prend toute sa dimension, lorsque Charles Quint ajoute à ses héritages bourguignon et espagnol les terres héréditaires des Habsbourg et la couronne élective du Saint Empire, convoitée aussi par François Ier. Cette formidable « collection de couronnes », qui prend le royaume des Valois en étau, ressuscite le vieux contentieux entre un roi de France qui se veut « empereur en son royaume » et un empereur qui aspire à la « monarchie universelle ». Dès lors commence une lutte qui va dominer pour près de deux siècles les affaires européennes.

Le grand duel (1519-1659).

• Le premier acte oppose François Ier, puis Henri II, à Charles Quint. Pendant quarante ans (1519-1559), Valois et Habsbourg se livrent six guerres aux résultats indécis. L'affrontement a d'abord lieu en Italie et tourne plutôt à l'avantage de Charles Quint (bataille de Pavie, 1525) ; puis il se déplace après 1530 vers les confins de la France et de l'Empire, autour du camino español. Cet espace médian qui, du Milanais à la Flandre, relie les possessions italiennes et nordiques des Habsbourg va constituer désormais le terrain d'affrontement privilégié. Pour tenir en échec les ambitions impériales, les Rois Très-Chrétiens n'hésitent pas, au grand scandale de l'opinion catholique, à s'entendre avec les Ottomans (capitulations de Constantinople, 1536) et les protestants allemands (traité de Chambord, 1552), inaugurant ainsi une politique d'alliances de revers avec tous les adversaires potentiels des Habsbourg, qui restera l'une des constantes de la diplomatie française. L'abdication de Charles Quint en 1556 et le partage de ses États entre une branche espagnole et une branche austro-impériale sanctionnent le demi-échec de l'Empereur. En 1559, la paix blanche du Cateau-Cambrésis, dictée par l'épuisement financier des deux adversaires, vient clore ce premier cycle de guerres.

Cela ne met pas pour autant fin à l'antagonisme qui oppose désormais la France à une Espagne libérée du fardeau des affaires allemandes mais toujours maîtresse des Pays-Bas, et qui reprend à son compte la politique impériale des Habsbourg. Cependant, pendant plus d'un demi-siècle, l'Espagne aux prises avec la révolte des Pays-Bas et la France déchirée par les guerres de Religion n'ont guère les moyens d'un affrontement direct, si ce n'est une brève intervention espagnole pour soutenir la Ligue contre Henri IV (1595-1598).

Le second acte, décisif, va se jouer pendant la guerre de Trente Ans (1618-1648). Malgré l'action à la cour d'un parti dévot favorable à une politique de détente avec l'Espagne, et bien que luttant à l'intérieur contre le parti protestant, les Bourbons, sous l'impulsion de Richelieu, puis de Mazarin, poursuivent la politique antihabsbourgeoise des Valois. Sans abandonner complètement le terrain italien, ils s'intéressent davantage à l'Empire, et concentrent leurs efforts sur le renforcement des frontières nord et est du royaume. Sous couvert de défendre les « libertés germaniques », il s'agit, selon Richelieu, « de ne pas permettre que ceux de la maison d'Autriche soient maîtres absolus de la Germanie » et d'« acquérir une entrée en Allemagne » en s'installant en Lorraine ou en Alsace.

D'abord « couverte », passant par un soutien diplomatique et financier aux protestants allemands et à la Suède, la guerre devient ouverte en 1635. Malgré ses échecs initiaux (Corbie, 1636), au prix d'une « crue fiscale » sans précédent et d'une répression impitoyable des oppositions internes, la France finit par l'emporter « sur la redoutable infanterie de l'armée d'Espagne » (Rocroi, 1643). Si la paix de Westphalie (1648) met fin à la guerre dans l'Empire, le conflit franco-espagnol s'éternise entre deux adversaires également épuisés. L'alliance avec l'Angleterre de Cromwell fait pencher la balance du côté français, et permet à Mazarin d'imposer à l'Espagne la paix des Pyrénées (1659).

La double paix de Westphalie et des Pyrénées, outre les gains territoriaux qu'elle procure à la France (Haute-Alsace, Roussillon, Artois), consacre l'échec des tentatives hégémoniques des Habsbourg : échec dans l'Empire, où la France entretient désormais une clientèle (Ligue du Rhin, 1658) ; échec de l'Espagne, qui n'a plus les moyens d'assumer une politique impériale.

La succession d'Espagne (1659-1715).

• Lorsqu'il « prend le pouvoir » en 1661, Louis XIV hérite d'une France en position de force face à des Habsbourg affaiblis. Privé d'autorité en Allemagne, menacé à l'Est par le retour offensif des Turcs, l'empereur ne constitue plus un danger. Quant à l'Espagne, épuisée, elle est la proie toute désignée des rêves de gloire d'un jeune roi qui, malgré son mariage espagnol, considère que « l'état des deux couronnes de France et d'Espagne est tel... qu'on ne peut élever l'une sans abaisser l'autre ».

La succession d'Espagne va lui en offrir l'occasion. La mort de Philippe IV (1665) laissant le trône à un enfant malade, Charles II, ouvre la perspective d'une extinction de la lignée des Habsbourg de Madrid. Anticipant sur la mort sans héritier du jeune roi, ses deux beaux-frères, Louis XIV et l'empereur Léopold Ier, échafaudent des projets de partage de l'empire espagnol. À défaut de l'Espagne, Louis XIV convoite les Pays-Bas. Et, sans attendre l'ouverture de la succession, il met à profit l'effacement des Habsbourg pour consolider son « pré carré » au détriment de l'Espagne (Flandre, 1668 ; Franche-Comté, 1678) et de l'Empire (Strasbourg, 1681). Mais sa politique agressive inquiète les alliés d'hier, Hollandais ou Anglais. Prisonnier d'une « obsession de l'Espagne » (Pierre Goubert) qu'il tient de ses prédécesseurs, Louis XIV évalue mal l'ascension de la puissance anglo-hollandaise, réunie sous Guillaume III, ou le redressement, après sa victoire décisive sur les Turcs (1683), d'un Empire qu'il méprise.