Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
T

tripartisme,

terme qui désigne la coalition au pouvoir entre janvier 1946 et mai 1947, regroupant le Parti communiste français (PCF), la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO) et le Mouvement républicain populaire (MRP).

À la suite de la démission du général de Gaulle de la présidence du Gouvernement provisoire (20 janvier 1946), seule une coalition des principaux partis vainqueurs des élections de 1945 est en mesure d'exercer le pouvoir. Après le refus des socialistes (23,4 % des voix aux élections d'octobre 1945) de rejoindre les communistes (premier parti de France, avec 26,2 % des voix) au sein d'un gouvernement de gauche, c'est la formule d'une union tripartite incluant le MRP (23,9 % des voix) qui finit par s'imposer.

Cette combinaison politique est moins l'expression d'une volonté délibérée et unanime de ses participants qu'un mariage de raison résultant de l'impossibilité momentanée de présenter une autre formule politique. La charte signée le 23 janvier 1946 par les trois partis fait figure de « pacte de non-agression », et le gouvernement du socialiste Félix Gouin relève d'un jeu d'équilibres instables. Le rejet par les électeurs d'un premier projet constitutionnel, en mai 1946, renforce les tensions, le MRP, favorable au bicamérisme et à un exécutif plus fort, ayant appelé au vote négatif. Son président, Georges Bidault, prend alors la tête du gouvernement (23 juin-12 décembre 1946).

Ce ne sont pas pourtant des problèmes d'ordre institutionnel, mais plutôt de politique extérieure qui vont venir à bout du tripartisme. Après un éphémère gouvernement socialiste homogène conduit par Léon Blum, le socialiste Paul Ramadier forme un gouvernement « d'accord général » (janvier 1947), comprenant, au-delà des trois partis principaux, des représentants de petites formations. Au mois de mars, les députés communistes refusent de voter les crédits militaires destinés à financer la guerre d'Indochine. L'aggravation de la guerre froide rend la situation intenable. Au moment où la France est amenée à se ranger derrière les États-Unis, dans le camp des démocraties occidentales, le maintien de ministres communistes au gouvernement semble condamné. Le 4 mai 1947, rompant ouvertement avec la solidarité gouvernementale, les députés communistes refusent de voter la confiance demandée par Ramadier à propos de la politique économique et salariale. C'est l'occasion de la rupture. Les ministres communistes sont renvoyés du gouvernement le 5 mai, et le PCF se trouve marginalisé.

À l'automne 1947, la recomposition politique autour des partis hostiles à la fois aux gaullistes et aux communistes aboutit à une formule de gouvernement qui unit socialistes, MRP, radicaux et ceux qu'on appellera bientôt les « indépendants » : ces formations, « condamnées à vivre ensemble » (Henri Queuille), composent la « troisième force ».

Triple-Entente,

système d'alliance non formelle entre la France, la Russie et le Royaume-Uni (1907).

Reposant sur l'Alliance franco-russe de 1891 et sur l'Entente cordiale franco-britannique de 1904, la Triple-Entente est complétée par le rapprochement anglo-russe, qu'encourage vivement la France. L'inquiétude britannique face aux ambitions allemandes et l'affaiblissement de la Russie (1905 : défaite face au Japon et révolution) permettent, malgré les réticences de l'opinion anglaise à l'égard du régime tsariste, la signature d'une convention, le 30 août 1907, qui règle les principaux litiges (Tibet, Afghanistan, Perse). Cette entente est cependant fragile : Londres n'a aucun engagement précis et n'est pas entièrement insensible aux ouvertures de Berlin, qui cherche à briser son encerclement (crises bosniaque et d'Agadir). Toutefois, de 1912 à 1914, les liens militaires et diplomatiques se resserrent entre les trois pays ; si bien que l'opposition entre la Triple-Entente et la Triple-Alliance - qu'elle équilibre efficacement (maîtrise des mers, réserves d'hommes) - peut engendrer un conflit généralisé. L'entrée en guerre des Britanniques, le 5 août 1914, transforme l'Entente en une véritable alliance. Même si les trois États poursuivent des buts différents, ils rejettent ensemble toute paix séparée (septembre 1914), cosignent le traité de Londres (26 avril 1915, entrée en guerre de l'Italie), et se concertent lors de conférences interalliées. Pour conforter l'alliance avec la Russie, Londres et Paris acceptent même en 1915 d'éventuelles annexions (Constantinople, les Détroits) ; mais, quand les bolcheviks engagent unilatéralement des négociations avec les Empires centraux, la Triple-Entente disparaît (décembre 1917).

Tristan (Flore Tristan Moscoso, dite Flora),

femme de lettres et féministe (Paris 1803 - Bordeaux 1844).

Née d'un père péruvien, officier en Espagne, et d'une mère française, Flora Tristan passe sa jeunesse à Paris et s'y marie en 1821. Dès 1825, pourtant, elle quitte le domicile conjugal pour échapper à une union désastreuse, séjourne en Angleterre, puis s'embarque pour le Pérou (1833), où elle espère faire valoir ses droits à l'héritage paternel. À son retour en France (1835), elle publie une brochure intitulée Nécessité de faire bon accueil aux femmes étrangères, puis un récit de son voyage au Pérou, significativement intitulé Pérégrinations d'une paria (1837), dans lequel elle laisse éclater son indignation face au sort réservé aux femmes de toutes conditions en Amérique latine. Elle-même entend illustrer par sa vie privée la liberté dont la femme est statutairement et moralement privée dans la société. Ayant obtenu la séparation de corps d'avec son mari (1837), qui n'a cessé de la poursuivre, elle est sauvagement agressée par lui et quitte de nouveau la France pour l'Angleterre, après une longue convalescence. Dès lors, son action de militante itinérante et son œuvre littéraire sont influencées par le socialisme utopique. Ses Promenades dans Londres (1840), avec une édition « populaire » remaniée en 1842, où est dénoncée l'aristocratie insolente, comme le Journal inédit de son tour de France effectué de 1843 à 1844, qui fustige la bourgeoisie provinciale, mettent au premier plan le rôle de la coopération, la fameuse « union ouvrière » à laquelle elle consacre un ouvrage (publié en 1843), pour lutter contre l'exploitation du prolétariat. La place qu'elle réserve aux femmes dans la résolution de la « question sociale » – par l'associationnisme éducatif et philanthropique – fait de Flora Tristan l'une des figures pionnières du féminisme socialiste pré-marxiste.