Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Malet (Claude François de),

général (Dole, Jura, 1754 - Paris 1812).

De petite noblesse mais républicain, ce militaire rallié à la Révolution doit sa notoriété à la conspiration de 1812, qu'il fomente contre l'Empire et qui porte son nom. Général en 1799, gouverneur de Rome en 1806, destitué pour malversation (1807), il met sur pied, avec d'anciens jacobins et des généraux disgraciés, un premier complot visant à renverser la dictature ; mais, découvert, il est arrêté en juin 1808, puis interné dans une maison de santé (1810). Si les mobiles de cet officier impulsif sont certainement d'ordre personnel, le coup d'État qu'il tente en 1812 revêt une grave signification.

Dans la nuit du 22 au 23 octobre 1812, profitant de l'absence de l'Empereur, qui mène alors la désastreuse campagne de Russie, Malet et quelques comparses républicains et royalistes se rendent maîtres de la capitale en annonçant la mort de Napoléon et en se présentant comme les membres d'un gouvernement provisoire. Les conjurés parviennent à convaincre le commandant de la caserne Popincourt et le préfet de la Seine, libèrent divers officiers opposants, et font arrêter et remplacer Savary, ministre de la Police, ainsi que le préfet de police. Mais ils ne réussissent pas à persuader le général Hulin, gouverneur de la place de Paris, de la mort de l'Empereur, et sont arrêtés à l'état-major. Bientôt jugés, Malet et ses complices sont fusillés le 29 octobre. Cette affaire révèle la précarité de la dynastie - personne n'a songé à proclamer le roi de Rome empereur et Marie-Louise régente - et la fragilité de l'État napoléonien.

malgré-nous (les),

Alsaciens-Lorrains incorporés de force dans la Wehrmacht au cours de la Seconde Guerre mondiale.

Près de 130 000 hommes sont concernés. Livrée à l'Allemagne par l'armistice de juin 1940, l'Alsace-Lorraine est réticente à la germanisation imposée par le Gauleiter nazi, qui souhaite, en outre, la faire participer à l'effort de guerre. L'appel à l'engagement volontaire rencontrant peu d'écho, un décret pris le 25 août 1942 ordonne la mobilisation de tous les jeunes Alsaciens-Lorrains dans la Wehrmacht. Cette décision, qui ne suscite aucune réaction de la part du gouvernement de Vichy, encourage la désertion et provoque une multitude d'actes de résistance. Les nazis emploient alors la répression, déplaçant les familles des réfractaires, internant les réticents au camp de Schirmeck, exécutant les déserteurs. Considérés comme peu sûrs, les bataillons d'Alsaciens-Lorrains sont généralement envoyés sur le front de l'Est, où les combats sont très durs. Mal accueillis lors de leur démobilisation, les « malgré-nous » - qui comptent 25 000 morts, 22 000 disparus et 10 000 blessés - supportent mal les accusations de collaboration qui leur sont portées, alors qu'ils s'estiment victimes de l'histoire. L'incompréhension culmine au moment du procès d'Oradour, où 12 d'entre eux sont condamnés. L'Alsace-Lorraine est alors unanime à réclamer leur amnistie comme un symbole du retour fraternel des « provinces » dans la nation. Plus d'une génération d'Alsaciens-Lorrains, suspectée d'infamie, a vécu un traumatisme qui l'a amenée à nourrir un certain ressentiment à l'égard du reste du pays.

Malon (Benoît),

militant et théoricien socialiste (Prétieux, Loire, 1841 - Paris 1893).

Issu d'une famille très pau-vre du centre de la France, il est berger, avant d'être accueilli par son frère aîné, instituteur, à l'âge de l'adolescence. Il prend goût à l'étude et se dote alors, en autodidacte, d'une solide culture. Venu à Paris en 1863, il est embauché comme ouvrier teinturier et commence son éducation politique.

Il est d'abord attiré par la version mutualiste du socialisme français, et rallie les rangs de l'Association internationale des travailleurs (AIT, Ire Internationale), dont il devient un membre important. Durant la guerre de 1870, il fait preuve d'un certain patriotisme, puis participe à la Commune, au sein de la Commission du travail et de l'échange.

L'écrasement de la Commune le contraint à l'exil, en Suisse et en Italie. Il est alors très engagé dans les polémiques, qui achèvent de ruiner l'Internationale. Son tempérament politique, marqué par l'influence de Proudhon, le conduit à s'opposer à Marx et à rejoindre la fédération jurassienne, qui rassemble la fraction libertaire de l'AIT. De retour en France après l'amnistie (1880), Malon se lance dans une activité plus théorique, notamment grâce à la Revue socialiste, dont il est le directeur. Ami de Jules Guesde, il s'en sépare pour défendre une doctrine socialiste qui prétend fédérer les différentes traditions du socialisme : le « socialisme intégral ». Peu reconnu comme théoricien, Benoît Malon n'en représente pas moins l'une des figures du socialisme français non marxiste d'avant 1914.

Malraux (André),

écrivain et homme politique (Paris 1901 - Créteil 1976).

Celui qui, le 3 février 1959, devient le premier ministre d'État chargé des Affaires culturelles est déjà riche de vies antérieures aussi fertiles que variées : né dans un milieu modeste et de parents séparés, André Malraux avoue à plusieurs reprises détester cette enfance que tant d'écrivains chérissent. Il l'occulte puissamment, préférant mettre en scène une naissance selon son cœur, entre 1919 et 1921, lorsqu'en autodidacte impatient, il se lance avec ardeur et succès dans l'édition d'art et l'écriture - Lunes en papier fut sa première œuvre, une « gloire de café », dira-t-il -, peaufinant progressivement son personnage, mi-dandy à la mèche rebelle, mi-rat de bibliothèque.

De l'aventure au combat politique.

• C'est en 1923 qu'André Malraux et sa compagne Clara s'embarquent pour l'Indochine avec pour mission de repérer des statues khmères entre Dangrek et Angkor. Cette entreprise, scientifique de façade, artistique de goût et mercantile de fait, fit beaucoup gloser. L'arrestation de Malraux à Phnom Penh, son emprisonnement pour vol d'objets d'art, tandis que circulent à Paris des pétitions en sa faveur, l'obtention d'un sursis en 1924, son retour en Indochine l'année suivante afin de lutter aux côtés des intellectuels annamites contre le colonialisme, autant d'éléments d'une aventure embrouillée. Celle-ci recèle cependant le matériau humain du cycle révolutionnaire asiatique entamé par Malraux avec la Tentation de l'Occident (1926), poursuivi avec les Conquérants (1928), la Voie royale (1930), et la Condition humaine (1933), qui reçoit le prix Goncourt et le consacre comme homme de lettres.