catholicisme. (suite)
La fidélité de la France à l'ancienne foi repose sur l'attachement inébranlable d'une majorité de fidèles à ses croyances et à son clergé, au sacrement de l'eucharistie, au culte de la Vierge et des saints. Le réflexe traditionaliste de populations choquées par la violence « sacrilège » de l'iconoclasme huguenot nourrit à son tour le rejet de la Réforme, les violences et les passions de la Ligue, jusqu'à l'assassinat du roi Henri III par le moine Jacques Clément en 1589.
Le catholicisme du Grand Siècle
Au tournant des XVIe et XVIIe siècles, la Réforme catholique marque durablement le nouveau visage de l'Église en France. La mise en place des séminaires élève la formation doctrinale et intellectuelle des prêtres séculiers. Les structures paroissiales sont consolidées par le système bénéficial et la fiscalité ecclésiastique. Des congrégations nouvelles apparaissent : les Jésuites, Oratoriens, Minimes, Capucins, Ursulines, Visitandines, les Frères des écoles chrétiennes, de Jean-Baptiste de La Salle, les Filles de la Charité, de Vincent de Paul. La pastorale tridentine est centrée sur l'instruction des fidèles par le catéchisme et la prédication, la fréquentation des sacrements, l'assistance à la messe dominicale, les exercices de piété, le culte de la Vierge et des saints, la participation aux processions, l'appartenance aux confréries, les pèlerinages et le culte des reliques. L'Introduction à la vie dévote de François de Sales, le Traité de l'amour de Dieu du cardinal Pierre de Bérulle, alimentent une piété fervente et sacramentelle.
Mais la France du premier XVIIe siècle fait aussi figure d'exception dans l'Europe du cujus regio ejus religio (« à chacun la religion de son roi ») et de scandale aux yeux de Rome : Henri IV n'a-t-il pas accordé par l'édit de Nantes (1598) privilèges et garanties à la minorité réformée, que Louis XIII et Richelieu s'efforcent avec succès de restreindre sans toutefois les supprimer ? L'Église gallicane n'est, pour sa part, pas épargnée par les tensions internes. La répression sanglante de la sorcellerie par les tribunaux ecclésiastiques et civils déplace les limites entre religion enseignée et croyances populaires, et semble un instant menacer l'équilibre rationnel de la foi chrétienne. Le jansénisme, fruit d'une réflexion tragique sur la misère de l'homme pécheur et la toute-puissance de la grâce divine, rejette les absolutions faciles et la communion fréquente. La doctrine des maîtres de Port-Royal (Saint-Cyran, Arnauld, Nicole, Lemaître de Sacy) et de leurs disciples fidèles (Pascal) ou dévoyés (Racine) influence en profondeur le Grand Siècle dans sa spiritualité et dans sa morale. Mais elle est tour à tour frappée par la monarchie (qui fait raser l'abbaye de Port-Royal des Champs) et le Saint-Siège (qui promulgue en 1713 la bulle Unigenitus). L'absolutisme de Louis XIV, que célèbre Bossuet dans sa Politique tirée de l'Écriture sainte, conduit ainsi à un raidissement ecclésiologique que traduit en 1685 la révocation de l'édit de Nantes, qui voue des centaines de milliers de réformés à l'exil ou aux galères et les « nouveaux convertis » au culte clandestin. Enfin, l'élan mystique du XVIIe siècle est brisé par la condamnation du quiétisme et de Fénelon.
Le temps des contestations
Le siècle des Lumières marque pour le catholicisme en France l'aube des temps difficiles. À la « crise de conscience européenne » succède le combat de Voltaire contre l'« infâme ». L'inspiration et l'autorité de l'Écriture, les dogmes du péché originel et du salut éternel, la morale et la conduite des clercs sont en butte aux sarcasmes des Philosophes. Miracles et reliques, pèlerinages et dévotions sont rangés sous la rubrique du fanatisme et de la superstition. Dans le même temps, l'État monarchique s'instaure en « évêque du dehors », supprime l'ordre des jésuites (1762), institue une Commission des réguliers. C'est une Église affaiblie qui aborde en 1789 la convocation des états généraux : elle sera la première et principale victime de la disparition de l'Ancien Régime. Tandis que protestants et juifs accèdent à la pleine citoyenneté et que la liberté des « opinions religieuses » est inscrite dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les biens ecclésiastiques sont mis, dès 1789, à la disposition de la nation, puis les ordres religieux, supprimés. En 1790, la Constitution civile du clergé institue une Église nationale, insérée dans les structures de la France nouvelle, soumise au principe démocratique de l'élection et indépendante du Saint-Siège : environ la moitié du clergé s'y rallie, se heurtant à l'intransigeance des réfractaires, fidèles à l'unité catholique et à l'ancienne discipline. En 1792, ces derniers, suspects aux yeux des révolutionnaires, sont expulsés hors de France et 230 d'entre eux, massacrés dans les prisons de Paris. En 1793, le Roi Très-Chrétien Louis XVI est guillotiné et le saint chrême, brisé devant la cathédrale de Reims ; l'insurrection paysanne de l'Ouest catholique plonge la France dans une sanglante guerre civile. La déchristianisation révolutionnaire de l'an II entraîne la fermeture des églises, transformées en « temples de la Raison » ou « de l'Être suprême », la « déprêtrisation » de gré ou de force des curés et l'envoi à la fonte des statues des saints et des reliquaires. Plus d'un millier de prêtres et de religieuses sont exécutés : l'Église sanctifiera le sacrifice héroïque des carmélites de Compiègne. En 1795, pour des raisons essentiellement financières, la Convention opère une première séparation de l'Église et de l'État. Le Directoire reprend en 1797 une politique de persécution, s'empare en 1798 des États pontificaux et ramène en France le pape Pie VI, qui reçoit à sa mort, à Valence en 1799, des obsèques civiles. Jamais encore une nation chrétienne n'avait rompu aussi radicalement avec ses anciennes croyances.
Du Concordat à la séparation
La reconstruction de l'Église catholique est l'œuvre de Bonaparte, qui signe directement avec le pape Pie VII le concordat de 1801. Rejetant à la fois l'ancienne Église gallicane et l'Église constitutionnelle, il restaure les principes du concordat de Bologne sur la nomination des évêques, restitue les églises au culte, salarie le clergé et garantit la possession des biens ecclésiastiques aliénés. Assorti d'articles organiques qui limitent étroitement la liberté de l'Église, le système concordataire permet un « été de la saint Martin du catholicisme tridentin », la reconstitution du réseau paroissial et des effectifs d'un clergé majoritairement rural et paysan, la renaissance des ordres religieux, notamment des congrégations féminines, la reconstruction des églises, le renouveau de l'enseignement religieux par la catéchèse et la prédication, et la sacramentalisation accrue des fidèles. Un catholicisme intransigeant, issu de l'expérience réfractaire, viscéralement hostile à la Révolution (Joseph de Maistre, Louis de Bonald, le premier Lamennais) et passionnellement dévoué au Saint-Siège, œuvre à une tentative de reconquête religieuse. Aux missions intérieures de la Restauration succèdent les entreprises missionnaires outre-mer. Un enseignement catholique primaire, secondaire et supérieur (loi Falloux de 1850) et une presse catholique (l'Avenir de Lamennais, Lacordaire et Montalembert, l'Univers de Louis Veuillot, la Croix des assomptionnistes) voient le jour, tandis que s'élaborent des formes nouvelles de catholicisme social (encyclique Rerum novarum, 1891) ou de démocratie chrétienne. Cultes anciens (Rosaire, Sacré-Cœur, saint Joseph, Anges gardiens) et nouveaux (sainte Philomène), apparitions mariales (La Salette en 1846, Lourdes en 1858, Pontmain en 1871), alimentent la ferveur religieuse des fidèles et le renouveau des pèlerinages (Ars, Paray, Lourdes) ; ils nourrissent une spiritualité intense (Jean-Marie Vianney, Thérèse de Lisieux), parcourue parfois d'un souffle apocalyptique. Néanmoins, l'épiscopat se révèle impuissant face à l'ampleur des processus de détachement religieux, la montée de l'anticléricalisme et l'affirmation des valeurs laïques. Arc-boutés à d'illusoires espérances de restauration monarchique et religieuse, un Dupanloup, un Pie IX, un Freppel, ne peuvent éviter ni la rupture avec Napoléon III à propos de la défense des États pontificaux en 1859, ni la défaite de l'Ordre moral en 1877, ni l'avènement des lois laïques des années 1880. Le ralliement que préconise le pape Léon XIII au régime républicain (encyclique Au milieu des sollicitudes, 1892) est par trop tardif : en 1904, le ministère Combes interdit les congrégations religieuses et rompt les relations diplomatiques avec le Saint-Siège ; Briand fait voter en 1905 la loi sur la séparation des Églises et de l'État, aussitôt condamnée par le pape Pie IX dans sa principale disposition : la formation d'associations cultuelles indépendantes des évêques. Il faudra un « second ralliement » pour qu'au début des années vingt une solution de compromis institue des associations diocésaines pour la gestion des lieux de culte - Alsace et Moselle demeurant après 1918 sous le régime concordataire.