Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

Carnac, (suite)

Enfin, les célèbres « alignements » appartiennent à une phase moyenne ou récente du mégalithisme (certains des menhirs étant implantés sur des monuments plus anciens). Ils se prolongent à leurs deux extrémités sur les communes d'Erdeven et de La Trinité-sur-Mer, et s'étendent à Carnac même sur 4 kilomètres, en une dizaine de rangées. Ils comprennent quelque 3 000 menhirs, répartis en trois groupements principaux : au nord-ouest, celui du Menec, avec les menhirs les plus hauts, qui s'achève sur un cercle de 70 pierres, ou cromlech ; au centre, celui de Kermario ; au nord-est, celui de Kerlescan. Leur orientation générale suggère qu'ils devaient être en relation avec des cérémonies liées aux solstices. L'afflux de visiteurs a contraint à fermer l'accès direct aux menhirs, qui restent visibles depuis le pourtour. Cependant, un musée privé présentant un spectacle audiovisuel a été aménagé sur une partie du site.

carnaval,

fête populaire marquant un temps de réjouissance et de défoulement avant les privations du carême.

Il est probable que l'histoire du carnaval puise son origine dans les fêtes païennes qui, pendant la morte saison, entre février et mars, devaient hâter le renouveau de la nature et faire appel aux ancêtres. Mais on sait comment l'Église a réussi à surimposer au calendrier agricole ses temps liturgiques.

C'est au IXe siècle que l'obligation du carême devient plus contraignante, prenant la forme d'un jeûne pendant les quarante jours qui précèdent Pâques. L'opposition entre les deux périodes du cycle, la grasse et la maigre, devient alors plus tranchée : au temps des beuveries, de la liberté et des mascarades carnavalesques succède celui de l'abstinence, de la pénitence et de l'ordre social du carême. Les prêtres utilisent parfois les cendres du grand bûcher du Mardi gras, dernier jour des réjouissances carnavalesques, pour marquer au front des fidèles la croix du mercredi des Cendres, premier jour du carême.

Le thème du combat entre Carnaval et Carême, magnifiquement illustré par le tableau de Bruegel le Vieux (1559), existe en réalité dès le XIIIe siècle ; on y a vu parfois l'opposition entre une culture populaire truculente et la morale de l'Église, ennemie de toutes les joies du corps. Il est vrai que les processions parodiques du carnaval présentent une satire souvent virulente des réalités sociales et religieuses. Toutefois, on estime aujourd'hui que l'« inversion carnavalesque » (le temps d'une fête, les puissants sont raillés et les humbles, couronnés), parce qu'elle est temporaire et maîtrisée, contribue paradoxalement à renforcer l'ordre social. Même si, à l'occasion, la pantomime peut se faire menaçante : ainsi à Romans, en 1580, où le carnaval tourne à l'émeute populaire.

Organisé par des confréries de métier et de quartier ou par des associations de jeunesse elles-mêmes contrôlées par les corps de ville, le carnaval échappe partiellement à la répression des formes de culture populaire des XVe et XVIe siècles. Mais la discipline imposée, au village comme en ville, par la Contre-Réforme catholique au XVIIe siècle contribue à vider le carnaval de sa charge subversive. S'il se maintient à l'époque contemporaine, c'est confiné au monde de l'enfance ou bien, comme dans les villes du nord de la France aujourd'hui, porté par un renouveau folklorique sans doute nostalgique des sociabilités d'antan.

Carnot (Lazare Nicolas Marguerite),

homme politique, mathématicien et ingénieur militaire (Nolay, Côte-d'Or, 1753 - Magdebourg, Allemagne, 1823).

Lazare Carnot appartient à la mythologie révolutionnaire et à l'imagerie héraldique de la République victorieuse. Le marbre officiel ne doit pas pour autant faire oublier le savant rigoureux qui a contribué à l'émergence d'un nouveau pouvoir : celui de la communauté scientifique.

« L'organisateur de la victoire ».

• Fils d'un notaire bourguignon, Carnot est admis à l'École royale du génie de Mézières en 1771. Malgré son intelligence et les soutiens dont il dispose, il connaît une ascension difficile, en raison de sa naissance : lieutenant en 1773, il n'a que le grade de capitaine en 1789. En pleine période de réaction nobiliaire, il cherche dans la réflexion un dérivatif aux entraves de sa carrière militaire. En 1783, il publie un Essai sur les machines en général ; l'année suivante, il reçoit le premier prix de l'Académie de Dijon pour son Éloge de Vauban. Ce texte, qui dénonce le despotisme, l'oisiveté et l'inégalité sociale, lui vaut quelques déboires avec sa hiérarchie. Homme des Lumières pris dans le carcan de l'Ancien Régime, Carnot accueille favorablement la Révolution.

En 1791, il est élu député du Pas-de-Calais à l'Assemblée législative, et il se spécialise dans les affaires militaires. Réélu à la Convention en 1792, il devient peu à peu l'un des personnages les plus influents de la Ire République. Réputé pour ses qualités de représentant du peuple en mission, notamment auprès de l'armée du Rhin et dans les Pyrénées, il est appelé à siéger au Comité de salut public le 14 août 1793, malgré la méfiance de Robespierre. Il se charge alors plus particulièrement des opérations militaires et, à l'heure où la République est menacée de toutes parts, il théorise et organise un nouveau modèle de combat : la guerre de masse. Il rédige lui-même le fameux décret du 23 août 1793 concernant la levée en masse : « Dès ce moment, jusqu'à celui où les ennemis auront été chassés du territoire de la République, tous les Français sont en réquisition permanente pour le service des armées. » Théoricien, il n'hésite pas pour autant à prendre part aux opérations : le 16 octobre, il est à Wattignies lorsque les soldats de l'an II remportent une bataille décisive contre les Autrichiens. Dans les mois qui suivent, le danger d'invasion est progressivement écarté, et la victoire de Fleurus (26 juin 1794) illustre la puissance de la République. Carnot gagne alors le surnom d'« Organisateur de la victoire ».

Le politique et le savant.

• Organisateur, il l'a certes été pour les armées révolutionnaires, mais aussi pour les savants, qui, grâce à son influence, ont pris une part décisive à la défense nationale, et ont ainsi pu s'ériger en une communauté active capable d'imposer ses vues, notamment en matière d'enseignement. La fondation de l'École polytechnique, de l'École normale et des écoles de santé, à l'automne 1795, n'est pas étrangère à son action, même si elle ne lui est pas directement imputable. Politique avisé, Carnot participe au complot qui renverse Robespierre le 9 thermidor. Inquiété un moment, il poursuit sa carrière : membre de l'Institut dès sa création (octobre 1795), il est élu député de la Sarthe au Conseil des Anciens, puis devient directeur. Mais son indécision lors du coup d'État antiroyaliste du 18 fructidor an V (4 septembre 1797) le met dans une situation délicate : il s'enfuit en Suisse. Il regagne Paris en janvier 1800, pour servir Bonaparte, son ancien protégé. Nommé ministre de la Guerre en avril, il démissionne dès octobre. Son parcours est alors chaotique, à l'image de ses relations avec Napoléon : il est député du Tribunat de 1801 à 1807, gouverneur de la place forte d'Anvers en 1814, ministre de l'Intérieur lors des Cent-Jours. Pendant cette période, il reprend son œuvre scientifique, faisant paraître en 1803 les Principes fondamentaux de l'équilibre et du mouvement, qui exerceront une influence durable sur la physique mécanique. Réfugié en Allemagne après Waterloo, il finit sa vie en exil. Ses cendres seront transférées au Panthéon en 1889, alors que son petit-fils, Sadi Carnot, est président de la République.