Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Thiers (Adolphe), (suite)

• Lorsque la révolution de février 1848 éclate, Louis-Philippe rappelle Thiers, qui ne peut que constater l'impuissance du pouvoir. Il se rallie à la République, mais la première épreuve du suffrage universel lui est défavorable à Marseille. Il prend sa revanche aux élections partielles du 4 juin, où il est élu dans quatre départements, et opte pour la Seine-Inférieure. Il devient rapidement l'un des leaders du parti de l'Ordre et soutient la candidature du prince Louis Napoléon à la présidence, par hostilité envers Cavaignac, dont il a essuyé les rebuffades pendant les journées de juin. Lors de la discussion des grandes lois proposées par le parti de l'Ordre, il affiche des positions de plus en plus nettement conservatrices. L'ancien adversaire des jésuites propose de placer l'enseignement primaire sous le contrôle du clergé - par aversion des instituteurs, qui sont présentés comme « d'affreux petits rhéteurs ». Il soutient ardemment le projet de loi amputant le suffrage universel, et profite de cette occasion pour dénoncer la « vile multitude ». Mais sa clairvoyance à l'égard des intentions du prince-président est totale en 1851. Incitant l'Assemblée à résister à la destitution du général Changarnier au début de l'année 1851, il déclare : « l'Empire est fait. » Il s'oppose à la révision de la Constitution, qui aurait permis un second mandat présidentiel, intrigue en faveur de la candidature du prince de Joinville pour la future élection présidentielle de 1852. Cet activisme lui vaut d'être emprisonné lors du coup d'État du 2 décembre 1851, puis d'être exilé pour peu de temps, ce qu'il ne pardonnera jamais à Napoléon III. Revenu en France en 1852, il mène à bien l'Histoire du Consulat et de l'Empire, événement littéraire de l'année 1862 qui lui vaut le qualificatif « d'historien national », attribué par l'empereur lui-même.

Les élections de 1863 marquent son retour dans l'arène politique. S'il échoue à Valenciennes et à Aix face aux candidats officiels, il est élu à Paris grâce à la coalition des républicains, des légitimistes et des orléanistes. Devenu chef de l'opposition libérale, il prononce au Corps législatif, le 11 janvier 1864, un retentissant discours sur « les libertés nécessaires ». Il plaide pour un retour au protectionnisme, condamne le soutien de l'Empire à la cause italienne, pressentant que l'unité de la Péninsule annonce celle de l'Allemagne. Tout en encourageant l'expérience du ministère Ollivier, il ne se rallie pas à l'Empire, malgré l'évolution libérale du régime, et s'oppose au plébiscite du 8 mai 1870. En juillet, il est le seul parlementaire à résister à l'hystérie belliciste de la Chambre et à s'opposer à la guerre avec la Prusse, qu'il juge aussi injustifiée qu'imprudente. À l'annonce de la défaite de Sedan, il propose, avant le triomphe de la révolution du 4 septembre, de donner les pleins pouvoirs au Corps législatif. Sa lucidité lui vaut en septembre la charge d'une mission diplomatique auprès des États neutres afin de les inciter à intervenir dans le conflit franco-prussien. Il est ensuite mandaté auprès de Bismarck pour négocier un armistice, mais la discussion achoppe sur la question du ravitaillement de Paris. Après ces tentatives infructueuses, Thiers est convaincu de l'urgence de mettre fin à la guerre, et se dresse contre Gambetta, qu'il qualifie de « fou furieux ». Cette attitude est approuvée par le corps électoral français, qui le porte à l'Assemblée nationale dans 26 départements lors des élections du 8 février 1871. Devenu « l'homme inévitable », il est élu, le 17 du même mois, chef du pouvoir exécutif de la République française.

Le premier président de la IIIe République.

• Il négocie alors le traité de Francfort, réussissant à sauver Belfort et à réduire l'indemnité de guerre. Par le pacte de Bordeaux, il s'engage à respecter une totale neutralité sur la question du régime. Mais il se heurte à la Commune de Paris. En réprimant très durement l'insurrection (la Semaine sanglante, 22-28 mai 1871), il focalise sur lui la vindicte des communards. Devenu, le 31 août 1871, président d'une République qu'il espère dominer, il organise le redressement de la France vaincue. Il assure le paiement de l'indemnité de guerre grâce à la souscription triomphale de deux emprunts, et fait voter la loi militaire de 1872 - un compromis entre les partisans de l'armée de métier et ceux qui souhaitaient adopter le système prussien de service universel - ; il amorce également une timide décentralisation par la loi sur les conseils généraux. Mais il est contesté par la majorité conservatrice, qui lui reproche une politique trop conciliante à l'égard des républicains, dont les élections partielles attestent la progression. Jugeant les royalistes trop divisés pour restaurer la monarchie, il se rallie sans équivoque à la République : le 13 novembre 1872, il propose à l'Assemblée de fonder une République conservatrice. La majorité cherche dès lors à le renverser. Thiers a cessé d'être indispensable depuis la signature de la convention du 15 mars 1873 sur l'évacuation anticipée du territoire. Le 24 mai, il est renversé par l'Assemblée qui vote une motion hostile : il démissionne immédiatement, sans y être contraint puisque son mandat était prévu pour durer autant que celui de l'Assemblée. Tout en restant député, il cesse dès lors d'intervenir dans la vie politique. Il reçoit de la majorité républicaine de la Chambre, élue en février 1876, un ultime hommage adressé au « libérateur du territoire ». Il meurt le 3 septembre 1877, durant la campagne électorale qui fait suite à la crise du 16 mai. Son épouse ayant refusé des obsèques nationales, ses funérailles deviennent une grande manifestation républicaine, prélude à la victoire électorale définitive de la République, en octobre 1877.

Thiers (Jean-Baptiste),

prêtre connu pour être l'auteur de traités marqués par l'esprit de la Réforme catholique (Chartres 1636 - 1703).

Docteur en théologie après de solides études à Paris, il est représentatif d'un clergé cultivé et dévot. C'est aussi un pasteur qui exerce son ministère pendant plus de trente ans dans diverses paroisses des diocèses de Chartres et du Mans. Auteur de nombreux ouvrages, il se montre un défenseur sourcilleux de la discipline ecclésiastique et un adversaire déclaré de toute innovation en matière de clôture des religieuses ou encore d'exposition du saint sacrement. Procédurier, il demeure longtemps en litige avec le chapitre de Chartres. Alliant l'érudition - il a une connaissance approfondie des écrits didactiques anciens - et l'observation de ses paroissiens, il publie en 1679 le Traité des superstitions, son ouvrage le plus célèbre. Au nom d'une religion purifiée, conforme à la fois à la tradition de l'Église et à la raison, il dresse un véritable catalogue des usages condamnables à ses yeux, tels que la dévotion aux faux saints et aux fausses reliques, les pratiques magiques pour jeter des sorts ou se délivrer des maléfices, ou encore les procédés de divination. Il appuie également l'action des évêques visant à réduire le nombre de fêtes chômées. Son inventaire des pratiques superstitieuses constitue pour les historiens une source irremplaçable d'informations sur la religion et les traditions populaires.