Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
D

Dame à la licorne (tapisserie de la),

ensemble de six tapisseries réalisées à la fin du XVe siècle et conservées au Musée de Cluny, à Paris.

Elles ornaient auparavant le château de Boussac, dans la Creuse. Il semble qu'elles aient été exécutées entre 1484 et 1500, dans la région d'Aubusson, peut-être à l'occasion du mariage d'une jeune fille. Elles portent les armes de la famille Le Viste, notamment de Jean Le Viste, président de la Chambre des aides de Paris vers 1500. Chacune des six tapisseries, très colorées, représente, sur un fond rouge semé de fleurs (fond « mille-fleurs »), une jeune femme élégante, seule ou accompagnée d'une servante, entourée d'un lion et d'une licorne. Les cinq premiers panneaux illustrent de façon évidente les cinq sens. Le sixième est d'une signification plus mystérieuse et a donné lieu à diverses interprétations. On y voit, devant une tente qui porte l'inscription « À mon seul désir », la jeune femme debout, sans aucune parure, déposant ses bijoux dans un coffret tenu par une servante. Ce renoncement aux bijoux signifie peut-être le refus des plaisirs des sens, le choix de la chasteté, tandis que la licorne, présente sur tous les panneaux, symbolise, à la fin du Moyen Âge, la virginité du corps associée à la fécondité de l'esprit. Ce chef-d'œuvre en fils de laine d'un artiste anonyme s'inspire du sujet d'un roman d'aventures datant du début du XIVe siècle, intitulé la Dame à la licorne.

Dames (paix des),

dite aussi traité de Cambrai, paix signée le 3 août 1529, à Cambrai, entre Louise de Savoie, mère de François Ier, et Marguerite de Habsbourg, gouverneur des Flandres et tante de Charles Quint, mandataires des deux souverains.

Ces derniers, épuisés financièrement et confrontés tous deux à l'agitation religieuse - et, pour Charles, à la montée du péril turc -, sont conduits à négocier, au bout de huit ans de guerre marqués par une succession de défaites françaises en Italie mais aussi par la nécessité de préserver des frontières du royaume. À Cambrai, ville libre d'Empire restée en dehors du conflit, les discussions durent un bon mois avant que ne soit trouvé un accord. Le traité reprend pour l'essentiel les clauses acceptées à Madrid en janvier 1526, sauf celle concernant la Bourgogne : le roi renonce à Hesdin et Tournai, à la suzeraineté sur les comtés d'Artois et de Flandre, ainsi qu'à tous ses droits sur le Milanais, le comté d'Asti et le royaume de Naples, abandonnant, en dépit de toutes ses promesses, ses alliés italiens. En outre, François Ier s'engage à réhabiliter le connétable de Bourbon, à verser une importante somme d'argent et à épouser Éléonore de Habsbourg, sœur de Charles Quint. Les deux souverains ratifient en octobre un traité qui marque la fin des illusions françaises en Italie et le triomphe de Charles Quint, couronné solennellement empereur par Clément VII à Bologne, quelques mois plus tard.

Damiens (attentat de),

agression contre Louis XV, perpétrée le 5 janvier 1757, à Versailles, par un ancien domestique, qui sera jugé en tant que régicide, et exécuté.

Cet événement, qui suscite l'attention passionnée de l'opinion, intervient dans un climat de tension extrême où, de toutes parts, l'autorité de l'État est vivement contestée. Tandis que les parlements ne cessent de s'opposer au pouvoir royal, la longue querelle entre jésuites et jansénistes connaît un nouveau regain, à Paris, avec l'affaire des Billets de confession : Louis XV prend le parti du clergé contre le parlement de Paris, favorable aux jansénistes, et qui fait figure de défenseur du peuple. L'agitation entre dans une phase aiguë en 1756, alors que débute la guerre de Sept Ans. C'est dans cette atmosphère de division et d'hostilité au souverain - dénoncé par les jansénistes comme impie et impur - que Robert François Damiens, un ancien valet de parlementaires sensible à la misère populaire, atteint légèrement Louis XV d'un coup de canif. Damiens apparaît très vite comme un déséquilibré. Bien qu'incohérent, il ne varie jamais sur un point : il n'a pas voulu tuer le roi, mais seulement le ramener à ses devoirs. Son procès se tient du 12 février au 26 mars 1757 devant la Grand-Chambre du parlement de Paris. Celle-ci minimise l'influence sur l'accusé des propos séditieux des parlementaires, et recherche obstinément ses complices - bien qu'à l'évidence il ait agi seul - afin d'écarter tout soupçon de complaisance.

Le geste de Damiens horrifie l'ensemble de la société, qui se réconcilie, pour peu de temps, dans une réaction de culpabilité collective nécessitant une victime expiatoire. Quant à la monarchie, « profanée », elle se doit d'affirmer son pouvoir ; c'est le sens du supplice infligé à Damiens, le 28 mars, en place de Grève, véritable cérémonial d'une cruauté anachronique en ce siècle des Lumières, spectacle offert à une foule nombreuse et sans compassion pour l'accusé, torturé et écartelé. Cette ultime exhibition de la puissance punitive du pouvoir masque néanmoins la déchirure entre le roi et son peuple, car l'attentat de Damiens illustre une certaine désacralisation du souverain. Enrôlée dans les luttes entre les partis, qui s'accusent mutuellement d'avoir voulu la mort du monarque, une partie de l'opinion populaire n'assimile plus à des blasphèmes les propos et les écrits contre le roi, et voit dans l'attentat une juste punition. Moralement atteint, et prenant conscience de l'hostilité à son égard, Louis XV se fait plus autoritaire, mais il ne saura dominer ni les parlements ni les différentes coteries qui divisent la cour.

Danton (Georges, Jacques),

homme politique (Arcis-sur-Aube, Aube, 1759 - Paris 1794).

Homme du verbe et de l'action, Danton crée lui-même sa figure et sa légende, à partir de quelques formules : avec l'une - « De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace » -, il engage le pays dans l'aventure militaire ; avec une autre - « On n'emporte pas la patrie à la semelle de ses souliers » -, il se fait le héraut du sol natal ; avec une troisième - « Tu montreras ma tête au peuple, elle en vaut la peine » -, prononcée au pied de la guillotine, il scelle son personnage de sacrifié sur l'autel de la nation. Pour les romantiques, Michelet en tête, ce colosse aimant la bonne chère, les femmes et l'argent incarne la Révolution, par son génie spontané, son goût pour l'action, tout comme par sa destinée tragique. Pour tout un courant historiographique républicain, il aurait électrisé les foules lors des « journées révolutionnaires », aurait été disciple des Encyclopédistes, visionnaire et pragmatique, et aurait unifié la nation. Ainsi, Aulard, premier titulaire de la chaire d'histoire de la Révolution, à la fin du XIXe siècle, le présente-t-il comme le précurseur de Gambetta. Mais le XXe siècle, renversant les perspectives, lui est plutôt défavorable : Albert Mathiez, le premier, dénonce la corruption et les incohérences, les indécisions et les faiblesses de ce « Mirabeau de la populace » ; lui emboîtant le pas, Georges Lefebvre n'a vu en lui qu'un héros pour Français moyen, audacieux sans morale, éloquent sans système, homme d'État sans grandeur.