journée révolutionnaire qui provoque la chute de Robespierre et son exécution ainsi que celle de ses partisans.
L'historiographie du 9 thermidor an II (27 juillet 1794) est si contradictoire qu'elle a brouillé la lisibilité des faits. Trois explications ont communément été retenues. La première met l'accent sur la crise politique et sociale de la sans-culotterie parisienne. La deuxième privilégie la thèse d'un « complot » des députés de la Plaine, appuyés par des membres de la Montagne suspects d'avoir commis des excès lors de leurs missions. La dernière insiste sur les divisions entre le Comité de sûreté générale et le Comité de salut public : le premier, composé d'athées, aurait été hostile au culte de l'Être suprême - en témoignerait l'exploitation par Vadier, en juin, de l'affaire Catherine Théot, une illuminée se prétendant « mère de Dieu » qui aurait fait de Robespierre un « nouveau Messie ». Par ailleurs, la création du Bureau de police, dépendant du Comité de salut public, aurait empiété sur les compétences du Comité de sûreté. Enfin, des divisions internes au Comité de salut public auraient exaspéré la crise. Toutes ces explications, non contradictoires, sont cependant à réévaluer.
Le déroulement des faits.
• Après une séance de conciliation entre les deux Comités, le 5 thermidor, dont Barère rend compte dans un rapport optimiste le 7, Robespierre, qui peut-être ne croit pas en cette réconciliation, prononce le 8 thermidor un long réquisitoire. Il y réclame la punition des « traîtres » (sans les nommer) et, de façon suicidaire, conclut : « Je suis fait pour combattre le crime, non pour le gouverner. » La rupture est consommée. Le 9 thermidor, à midi, Saint-Just, proche de l'Incorruptible, entame un discours par ces mots : « Je ne suis d'aucune faction, je les combattrai toutes. » Mais, interrompu par Tallien, Robespierre ne peut se faire entendre. Tout va alors très vite. Billaud-Varenne (membre du Comité de salut public) dénonce Hanriot, commandant de la Garde nationale parisienne, et obtient son arrestation. Puis Robespierre, présumé chef de la « conjuration », est décrété d'arrestation, de même que Couthon et Saint-Just. Le Bas et Augustin Robespierre demandent à partager leur sort.
La deuxième étape est l'insurrection ratée de la Commune de Paris. Vers 14 heures, les autorités municipales font sonner le tocsin pour mobiliser les sections. Mais seulement 16 des 48 sections parisiennes répondent à l'appel. À 19 heures, la Convention met hors la loi Robespierre, ses quatre compagnons, et leurs « complices », ce qui permettra de les exécuter sans jugement. Les robespierristes, libérés par la Commune, gagnent l'Hôtel de Ville, mais hésitent à prendre la tête d'une insurrection, et les militants sectionnaires, laissés sans instructions, se dispersent. La Convention, quant à elle, est très active. Elle fait fermer le Club des jacobins et rassemble les sections qui lui sont restées fidèles. À 2 heures du matin, ces forces pénètrent dans l'Hôtel de Ville : Le Bas se tue, Couthon et Robespierre le Jeune se blessent grièvement en tentant de se suicider (un doute subsiste sur l'origine de la blessure à la mâchoire de Robespierre).
L'épilogue et le sens du coup d'État.
• Le 10 thermidor, la Convention ordonne au Tribunal révolutionnaire, non de juger, mais de constater l'identité des hors-la-loi. Le premier groupe des guillotinés compte vingt-deux personnes (parmi lesquelles Robespierre, Saint-Just, Hanriot et les dirigeants de la Commune) ; le lendemain, soixante et onze « complices » (le personnel communal) sont exécutés, et douze encore le 12 thermidor, soit, au total, cent huit victimes (en comptant Le Bas, et deux « fuyards », vite retrouvés). Il s'agit donc de la plus importante purge de la Grande Terreur.
« Événement à la recherche de sa signification » (Bronislaw Baczko), Thermidor est ambigu : le complot des députés de la Plaine ne paraît guère probable puisque, sur trente-cinq députés qui interviennent contre Robespierre à la Convention, trente-trois sont montagnards, et la plupart seront, en l'an III, condamnés à la prison ou à la déportation comme complices de Robespierre. C'est dire combien cette journée parlementaire révèle surtout l'hétérogénéité de la Montagne. Le 9 Thermidor s'inscrit, en fait, comme un tragique non-événement entre deux ruptures majeures : l'élimination des factions (hébertistes, dantonistes...) en germinal an II (mars-avril 1794), et l'offensive réactionnaire de l'hiver de l'an III (première Terreur blanche, à partir de février 1795). Symbole de toute « dérévolution », Thermidor a hanté l'imaginaire collectif jusqu'au XXe siècle, à cause de la personnalité des révolutionnaires qui ont alors été évincés, mais l'imaginaire n'est pas toujours le reflet exact de la réalité historique.