courtisan,
terme issu de l'italien ancien cortegiano, attesté en français dès le XVe siècle, et qui désigne, initialement, celui qui appartient à la cour d'un prince ou d'un roi. Ce n'est qu'avec la cour brillante et raffinée des Valois qu'il commence à s'enrichir de significations psychologiques, morales et culturelles.
Une figure complexe.
• Le Livre du courtisan, de Baldassare Castiglione, publié en Italie en 1528, et traduit en français en 1537 sur la demande de François Ier, est la première codification écrite d'une nouvelle sociabilité née dans les petites cours italiennes. Cet ouvrage à succès connaîtra plusieurs rééditions au fil du siècle : en déclinant les articles d'une morale et d'une esthétique du comportement, il entend favoriser aussi bien l'épanouissement personnel du courtisan que ses évolutions sur la scène du monde. À la croisée de l'influence courtoise et du mouvement néoplatonicien, le système prescriptif forgé par Castiglione aide la noblesse française à acquérir la faculté de plaire, à pratiquer une « douce civilité » qui conjugue maîtrise de soi et absence d'affectation. « Savoir le courtisan » est bientôt une injonction à laquelle se soumettent tous ceux qui gravitent autour de la personne royale. Une soumission d'autant plus nécessaire que, avec la fin des « clientélismes » féodaux, la cour devient le centre unique de distribution des charges, des honneurs et des récompenses : dans cette quête des gratifications matérielles ou symboliques, nul n'échappe à l'obligation d'attirer l'attention du monarque. L'écrivain lui-même est prisonnier de cette nécessité : et si du Bellay, dans un opuscule incisif, stigmatise le « poète courtisan », comment nier l'allégeance de la plupart des grands poètes de la Renaissance aux souverains successifs ? Ronsard, éminent pourvoyeur de célébrations et de panégyriques officiels, en est l'exemple le plus éclatant.
Le XVIIe siècle prolonge la tradition inaugurée par Castiglione. En 1630, l'Honnête Homme ou l'Art de plaire à la cour, de Nicolas Faret, se présente à la fois comme un traité de morale et un manuel de civilité, et prétend qu'il est « possible de faire fleurir les vertus au milieu des corruptions de la cour » ; le titre même de l'ouvrage renvoie à la possibilité de concilier tactiques mondaines, culture sans pédantisme, et exigences morales. Cette triade n'est-elle pas trop belle, néanmoins, pour s'inscrire dans une réalité de plus en plus annexée par les techniques du paraître ?
Le courtisan victime de la cour.
• À partir des années 1680, alors que la cour s'installe à Versailles, le courtisan n'est plus qu'un figurant domestiqué, intégré à un cérémonial dont la stricte étiquette contient mal les rapports de concurrence sauvage. Traduit de l'espagnol en 1684, l'Homme de cour, de Baltasar Gracian y Morales, entérine cette évolution et offre aux courtisans français une pédagogie désenchantée de la survie : la maîtrise souple de l'apparence, dans un univers d'illusions, devient la condition d'élaboration d'une stratégie défensive. Avec Louis XIV s'impose une hypertrophie du paraître, qui enferme les courtisans dans un microcosme étouffant : enchaînés, en quelque sorte, à la personne royale, ils vivent dans l'attente obsessionnelle d'un mot ou d'un geste, et savent ce que coûte une absence dans les occasions où le roi recense son monde - réceptions d'ambassadeurs, audiences solennelles, grands et petits soupers. Saint-Simon a brossé, dans ses Mémoires, un tableau impitoyable - quoique non exempt de fascination - du réseau d'intrigues qui compose la vie quotidienne du courtisan. À ce dernier s'offre toutefois un modèle de sociabilité alternatif, celui de la ville et des salons : attestée par de nombreux textes littéraires, dont les Caractères, de La Bruyère, l'opposition de la cour et de la ville témoigne de la volonté d'inscrire les normes de la bienséance et du raffinement dans un univers moins suffocant que celui de Versailles. Il faut se garder, néanmoins, de radicaliser une telle opposition : les salons mondains sont également des lieux de pouvoir et d'intérêts, où le courtisan peut se ménager des appuis et affiner une stratégie.
Type indissociablement psychologique, moral et social, le courtisan ne survit pas à l'effondrement de l'Ancien Régime : Napoléon Ier échoue dans sa tentative de créer une cour impériale, et les sollicitations incessantes des campagnes militaires empêchent la cristallisation des rapports qui unissaient naguère les monarques et leurs cercles empressés. L'usage du terme se perpétue sous les régimes démocratiques ultérieurs, mais les strates de signification qui ont fait sa richesse et sa complexité près de trois siècles durant appartiennent désormais au passé : seule demeure l'acception péjorative, apparue dès le milieu du XVIe siècle, et réactivée par les innombrables formes de servilité qu'ont pu susciter autour d'eux les détenteurs du pouvoir.
Courtrai (bataille de),
bataille, dite aussi « des Éperons d'or », à l'issue de laquelle l'armée royale française est vaincue par les milices populaires flamandes (11 juillet 1302).
Entraînées par Bruges (depuis les « Matines de Bruges », mai 1302), les villes flamandes, soudées par un fort sentiment communautaire et révoltées contre le gouverneur français Jacques de Châtillon, ont levé une infanterie, commandée par les fils du comte de Flandre, Gui de Dampierre. À un peu moins de cent ans d'écart, le scénario de Bouvines (1214) se répète, mais inversé : cette fois, ce sont les lourds cavaliers français qui s'empêtrent dans les marécages et les fossés creusés les jours précédents par les Flamands, et qui tombent sous les couteaux et les piques des milices urbaines. Plus que d'une défaite, il s'agit, pour l'armée de Philippe le Bel, d'une humiliation. Les chroniques de l'époque parlent de milliers de morts. Sans doute un tel chiffre est-il exagéré, mais il est vrai que, contrairement à l'usage féodal, les Flamands n'ont pas cherché à capturer les chevaliers français « à rançon ». Notre-Dame de Courtrai est tapissée, dans les jours qui suivent, des éperons d'or arrachés aux chevaliers massacrés, parmi lesquels les meilleurs capitaines de France et leur chef, Robert d'Artois. Il fallut deux années à Philippe le Bel pour venger l'affront et rétablir son autorité sur cette région.