Farines (guerre des),
nom donné aux émeutes frumentaires qui se sont déroulées dans le Bassin parisien en avril et en mai 1775.
Elles trouvent leur origine dans la mauvaise récolte de 1774 et dans la libéralisation du commerce des grains décidée par le contrôleur général des Finances Turgot le 13 septembre 1774.
Au milieu du mois d'avril 1775, alors que les réserves de grains commencent à s'épuiser, la crainte d'une famine se propage. Dès le 18, des troubles éclatent sur le marché de Dijon. Bientôt, le mouvement gagne les pays de grandes cultures du Bassin parisien : manouvriers, journaliers, petits propriétaires, s'emparent des marchés et imposent des prix de vente des blés et du pain accessibles à tous. Parallèlement, la foule s'en prend aux réserves constituées : magasins privés, moulins, boulangeries, greniers des propriétaires aisés, des gros laboureurs ou des communautés religieuses, sont pris d'assaut, tandis que la circulation du grain est entravée le long des principaux axes de communication. L'agitation gagne Versailles le 2 mai, et Paris le lendemain : les faubourgs Saint-Martin et Saint-Antoine sont le théâtre de violents affrontements. Mais l'autorité dont fait preuve Turgot et le soutien dont il bénéficie de la part du roi mettent fin rapidement aux troubles.
La guerre des Farines constitue, par les formes qu'elle a revêtues, un ensemble d'émeutes frumentaires caractéristique de l'Ancien Régime. Elle reflète, en effet, l'économie morale traditionnelle du peuple attaché à la fois à une juste répartition des ressources élémentaires et à l'intervention des pouvoirs publics dans le domaine sensible des subsistances. De ce point de vue, la libre circulation des grains décrétée quelques mois plus tôt a été perçue comme une décision en rupture avec les règles du bon gouvernement monarchique. Mais cette explosion de violence populaire intervenue quinze ans avant la Révolution reflète aussi le malaise social propre aux dernières décennies du XVIIIe siècle, et annonce, par certaines de ses exigences et certains de ses slogans (à Paris, un placard avertit : « Si le pain ne diminue pas, si le ministère n'est pas changé, nous exterminerons le roi et toute la race des Bourbons »), des formes de culture politique qui s'épanouiront après 1789.
fascisme français.
L'importance de cette doctrine ou des mouvements politiques qui s'y rattachent, voire l'existence même d'un fascisme en France sont l'objet d'un débat entre historiens, compliqué par l'ambiguïté du mot « fascisme ».
Ce terme a en effet été appliqué à des groupes très divers, qui peuvent relever d'une droite autoritaire ou antiparlementaire, mais en être parfois fort éloignés, puisque le PCF d'avant 1934 qualifie de « fascistes » tous ses adversaires, SFIO comprise, et que, pour les libertaires, le stalinisme est un « fascisme rouge ». Mais le fascisme, au sens strict, ne se confond pas avec toute réaction ou tout autoritarisme ; il suppose une volonté totalitaire, une référence à la souveraineté populaire au travers du culte d'un chef, ainsi qu'un rejet des valeurs et des élites traditionnelles. Cela l'oppose, par exemple, à la tradition ultramonarchiste, pourtant tout aussi antilibérale et antidémocrate. Si un tel distinguo peut sembler dérisoire dans une polémique politique, il est fondamental pour l'analyse.
Un premier débat porte sur les origines du fascisme, avant 1914. L'historien israélien Zeev Sternhell souligne que Maurice Barrès intègre l'héritage démocratique, en appelle aux masses mais aussi au chef susceptible de les incarner, et qu'il mêle romantisme et vitalisme, s'éloignant ainsi du traditionalisme de l'Action française. À partir de ce constat, Sternhell montre l'émergence d'une « droite révolutionnaire », populiste, sociale et nationale, souvent antisémite, ayant une clientèle plébéienne et s'inspirant parfois de Georges Sorel. Il y voit l'origine même du fascisme. Mais ces courants, très minoritaires, existent toutefois dans d'autres pays, en particulier en Italie ; la France ne saurait donc être le seul berceau du fascisme, même si elle a effectivement connu un pré-fascisme.
L'entre-deux-guerres.
• Pour cette période, Sternhell et les historiens américains insistent sur l'importance du fascisme en France, représenté par les ligues d'extrême droite. Celles-ci pratiquent en effet les réunions de masse, la violence verbale et physique, le culte du chef charismatique ; elles professent un antiparlementarisme virulent, recrutent parmi la classe moyenne victime de la crise et ont une organisation paramilitaire. Toutes ces caractéristiques sont autant de ressemblances avec le fascisme de Mussolini. En outre, le Faisceau de Georges Valois ou le Francisme créé en 1933 par Marcel Bucard se réfèrent explicitement au dictateur italien, qui les finance, de même qu'il finance Doriot après 1934. Toutefois, la majorité des historiens français insiste, au contraire, sur la diversité des ligues et les différences de la plupart d'entre elles avec le fascisme. Ils voient également dans l'échec des mouvements réellement fascistes la preuve de la faible influence du fascisme en France : de fait, le Faisceau périclite rapidement et la Solidarité française ou le Francisme ne comptent que 3 000 ou 4 000 militants, souvent de purs mercenaires. Les ligues puissantes ont, quant à elles, d'autres filiations idéologiques : les Croix-de-Feu relèvent de la droite catholique ; les Jeunesses patriotes, créées en 1924 par le député Pierre Taittinger, sont purement conservatrices et nationalistes ; l'Action française est ultratraditionaliste, et, si des écrivains comme Brasillach ou Rebatet s'y sont formés, ils l'ont quittée du fait même de leur fascisme. Seul le PPF de Doriot peut être considéré comme un parti fasciste de masse, mais il est également tenté par un conservatisme catholique, et s'effondre avant 1940. Les convergences avec le fascisme relèvent donc surtout de l'apparence : René Rémond parle « d'un badigeon à la romaine ». Significativement, l'agitation des ligues s'essouffle quand sont au pouvoir des démocrates modérés : en fait de dictature, le gros du « fascisme français » se satisfait de Poincaré en 1926, de Doumergue en 1934, de Daladier en 1938. Restent des groupuscules, et des intellectuels, tel Drieu la Rochelle, obsédés par l'idée de décadence et cherchant dans le « fascisme immense et rouge », italien ou allemand, chanté par Brasillach, une réponse à leurs problèmes personnels. Ils attribuent volontiers leur propre isolement au fait que la France, vieillie et épuisée, n'a pas l'énergie, le dynamisme, qu'ils associent au fascisme. En fait, le pays a été préservé de cette doctrine révolutionnaire grâce à l'ancienneté de sa tradition républicaine ; il n'a pas connu de crise aussi profonde que l'Italie ou l'Allemagne, et les classes moyennes n'y ont jamais été assez désespérées pour rejeter la démocratie en lui attribuant tous leurs maux. Bref, il y a bien eu un fascisme en France, mais isolé et impuissant.