Paix de Dieu (suite)
La Paix de Dieu.
• La décomposition de l'Empire carolingien au cours du Xe siècle et l'absence d'autorité publique sont, en effet, à l'origine de la multiplication des guerres privées entre seigneurs locaux avides d'accroître le champ de leur souveraineté. Leurs velléités, inhérentes à la mise en place du régime féodal, frappent particulièrement la paysannerie et le clergé. Dans ce contexte, les premiers conciles de paix - Charroux (Poitou), en 989 ; Le Puy, 990 ; Anse (Mâconnais) puis Limoges, en 994, etc. -, réunis à l'initiative des évêques, s'efforcent de prendre des mesures à l'encontre des féodaux les plus belliqueux. Ils visent à protéger les personnes et les biens d'Église ainsi que les populations civiles (laboureurs, marchands, pèlerins). La violation des canons conciliaires, dont l'application est garantie par un engagement solennel (le serment de paix), entraîne l'excommunication. Ces « pactes de paix » se multiplient au nord de la Loire, après 1100. À mesure que l'autorité des rois capétiens s'affermit, notamment sous le règne de Robert II le Pieux (996/1031), et que l'autorité publique est restaurée, le serment de paix se transforme en « paix du roi ». En juin 1155, à l'assemblée de Soissons, Louis VII (1137/1180) proclame ainsi la « paix générale du royaume », qu'il fait jurer à tous ses vassaux. Les modalités de cette paix concordent alors avec l'idéologie de la Paix de Dieu voulue comme providentielle et concourent à l'expression symbolique du « Roi Très-Chrétien ».
La Trêve de Dieu.
• Au mouvement de la Paix de Dieu s'adjoint, au cours des années 1020-1040, un second mouvement, d'origine méridionale : la Trêve de Dieu (concile de Toulouges [Roussillon], en 1027 ; concile de Vic [Catalogne], en 1033). Analogue à la Paix de Dieu dans ses visées, il interdit aux féodaux de se livrer à des activités belliqueuses durant certains jours de la semaine fixés par l'Église (jeudi, vendredi, samedi et dimanche), ou encore durant de longues périodes de l'année liturgique (Carême, Avent, temps pascal, etc.) et les jours de fêtes religieuses.
Le double mouvement de la Paix et de la Trêve de Dieu connaît son apogée au lendemain de 1033 (millénaire de la Passion du Christ). Alors que la « paix du royaume » s'impose progressivement dans le nord de la France au XIIe siècle, les associations de paix se multiplient dans le Midi occitan, où le pouvoir reste morcelé.
Ce n'est pas un moindre paradoxe que de voir ces deux mouvements déboucher sur la croisade. Ainsi, la Paix de Dieu légitime la croisade (première croisade, croisade des albigeois, etc.) dès lors que les hérétiques sont considérés comme coupables de la « rupture de paix », c'est-à-dire de la rupture d'un ordre religieux voulu par Dieu.