Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
P

Paix de Dieu (suite)

La Paix de Dieu.

• La décomposition de l'Empire carolingien au cours du Xe siècle et l'absence d'autorité publique sont, en effet, à l'origine de la multiplication des guerres privées entre seigneurs locaux avides d'accroître le champ de leur souveraineté. Leurs velléités, inhérentes à la mise en place du régime féodal, frappent particulièrement la paysannerie et le clergé. Dans ce contexte, les premiers conciles de paix - Charroux (Poitou), en 989 ; Le Puy, 990 ; Anse (Mâconnais) puis Limoges, en 994, etc. -, réunis à l'initiative des évêques, s'efforcent de prendre des mesures à l'encontre des féodaux les plus belliqueux. Ils visent à protéger les personnes et les biens d'Église ainsi que les populations civiles (laboureurs, marchands, pèlerins). La violation des canons conciliaires, dont l'application est garantie par un engagement solennel (le serment de paix), entraîne l'excommunication. Ces « pactes de paix » se multiplient au nord de la Loire, après 1100. À mesure que l'autorité des rois capétiens s'affermit, notamment sous le règne de Robert II le Pieux (996/1031), et que l'autorité publique est restaurée, le serment de paix se transforme en « paix du roi ». En juin 1155, à l'assemblée de Soissons, Louis VII (1137/1180) proclame ainsi la « paix générale du royaume », qu'il fait jurer à tous ses vassaux. Les modalités de cette paix concordent alors avec l'idéologie de la Paix de Dieu voulue comme providentielle et concourent à l'expression symbolique du « Roi Très-Chrétien ».

La Trêve de Dieu.

• Au mouvement de la Paix de Dieu s'adjoint, au cours des années 1020-1040, un second mouvement, d'origine méridionale : la Trêve de Dieu (concile de Toulouges [Roussillon], en 1027 ; concile de Vic [Catalogne], en 1033). Analogue à la Paix de Dieu dans ses visées, il interdit aux féodaux de se livrer à des activités belliqueuses durant certains jours de la semaine fixés par l'Église (jeudi, vendredi, samedi et dimanche), ou encore durant de longues périodes de l'année liturgique (Carême, Avent, temps pascal, etc.) et les jours de fêtes religieuses.

Le double mouvement de la Paix et de la Trêve de Dieu connaît son apogée au lendemain de 1033 (millénaire de la Passion du Christ). Alors que la « paix du royaume » s'impose progressivement dans le nord de la France au XIIe siècle, les associations de paix se multiplient dans le Midi occitan, où le pouvoir reste morcelé.

Ce n'est pas un moindre paradoxe que de voir ces deux mouvements déboucher sur la croisade. Ainsi, la Paix de Dieu légitime la croisade (première croisade, croisade des albigeois, etc.) dès lors que les hérétiques sont considérés comme coupables de la « rupture de paix », c'est-à-dire de la rupture d'un ordre religieux voulu par Dieu.

paix perpétuelle (projets de),

textes philosophiques qui, à l'époque moderne, visent à organiser juridiquement un état de paix entre les peuples.

L'affirmation et la construction des États modernes du XVIe au XVIIIe siècle s'accompagnent d'une intense réflexion philosophique et juridique quant à la nature de leurs rapports et aux moyens de les pacifier. Cette activité intellectuelle est multiforme : elle s'exprime dans les traités politiques mais aussi dans les « utopies » - alors particulièrement nombreuses - et les projets d'organisation de « paix perpétuelle ». Pour l'historien d'aujourd'hui, la valeur de ces textes ne réside pas tant dans le fait qu'ils aient « anticipé » ou non certains principes du droit international contemporain, mais plutôt en ce qu'ils nous informent sur la façon dont les penseurs concevaient les relations entre les peuples. Les premiers de ces textes, datant du XVIe siècle, sont inspirés par la dénonciation humaniste des horreurs de la guerre et de la colonisation de l'Amérique (Érasme, Querella Pacis, 1517 ; Vitoria, Leçons sur les Indiens et le droit de guerre, 1539). Au siècle suivant, cette réflexion se transforme : elle s'ouvre aux préoccupations économiques (Émeri de Crucé, le Nouveau Cynée, 1623) ou plus strictement juridiques (Grotius, le Droit de la guerre et de la paix, 1625). Des réformateurs, tel William Penn, se préoccupent également de l'organisation de la paix (Essai sur la paix présente et future de l'Europe, 1693) ; mais c'est au siècle des Lumières que les projets de paix perpétuelle les plus célèbres voient le jour : ce sont ceux de l'abbé de Saint-Pierre en 1713, de Jeremy Bentham en 1789, et d'Emmanuel Kant en 1795.

Tous ces textes présentent de nombreux points communs. Leur constat initial se fonde sur l'idée de sociabilité naturelle de l'homme ; la guerre entre les États européens est le résultat de l'inachèvement de la société humaine. Pour construire une paix solide et durable entre les peuples, il faut l'organiser juridiquement, sur la base d'un nouveau droit des gens. La plupart de ces projets envisagent la mise en place d'une instance européenne de régulation des conflits ou d'un tribunal chargé de régler les différends. On trouve également des propositions visant à stabiliser les frontières et les successions dans les familles régnantes pour éviter les conflits dynastiques, ou encore des projets de réduction des armées permanentes. Ces idées sont discutées et critiquées par les philosophes des Lumières : Rousseau et Kant estiment, notamment, que la condition préalable à toute organisation de la paix réside dans la transformation politique des États.

palafitte,

terme emprunté à l'italien palafitta (« pieu fiché en terre ») et désignant les villages protohistoriques en bois construits sur les bords des lacs des Alpes et du Jura entre le IVe et le Ier millénaire avant notre ère.

C'est en 1854 qu'un étiage exceptionnel des eaux du lac de Zürich a permis de mettre au jour les premiers vestiges de palafittes (ou cités lacustres) néolithiques : de nombreux pieux de bois, mais aussi poteries et outils de pierre, de bois ou d'os. Ainsi est née une première vision - romantique - de la période néolithique, confortée par les observations ethnographiques d'alors de villages construits sur l'eau comme en Nouvelle-Guinée, à Bornéo ou au Venezuela. De nombreuses peintures du XIXe siècle évoquent ces palafittes construits sur de vastes plates-formes ; plus tard, un archéologue allemand lié au régime nazi, Hans Reinerth, en reconstitua un en grandeur nature sur les bords du lac de Constance, à Unteruhldingen, que l'on peut visiter encore aujourd'hui.