Cartouche (Louis Dominique Gartauszien, dit), (suite)
Le procès de Cartouche et de ses complices, qui sera scandé par des vagues d'exécutions publiques, n'eut cependant pas l'effet escompté. Petit truand sans vocation justicière, Cartouche y gagna une envergure de grand criminel, fédérateur et chef suprême des voleurs parisiens. Il suscita curiosité et fascination, et celui qui n'aurait dû être qu'un bouc émissaire devint un héros. La littérature qui entoura l'affaire participa à cette « héroïsation », sans toutefois outrepasser les limites imposées par la censure. Ainsi, l'Histoire de la vie et du procès du fameux Louis Dominique Cartouche, livret anonyme publié en 1722, justifie la répression en décrivant une bande strictement organisée qui n'exista jamais. Cette biographie, largement imaginaire, offre cependant un portrait très ambivalent du bandit, meurtrier sanguinaire mais doté de qualités qui font les hommes d'exception : audace, intelligence, sens de l'organisation et du commandement. Appartenant à la bibliothèque bleue, cet ouvrage, qui connut un énorme succès dès sa parution, permit à Cartouche de s'inscrire dans la mémoire collective. Constamment réédité jusqu'en 1856, il servit par la suite de source principale aux érudits de la fin du XIXe siècle, qui reprirent à leur compte l'image mythique du bandit parisien. Plus récemment, le cinéma a contribué à réactiver la renommée de Cartouche en lui conférant, sous les traits de Jean-Paul Belmondo, une image plus franchement positive de bandit au grand cœur.