hommes de mer et de légende qui accomplissent des métiers voisins mais juridiquement différents.
Le pirate est un bandit, un écumeur des mers sans foi ni loi qui attaque tous les bâtiments dont il est susceptible de se rendre maître, ennemis ou non de son pays. Le corsaire, lui, est un homme d'honneur : il exerce une activité légale, car son pays lui a officiellement remis des « lettres de marque », ou autorisations d'assaillir les vaisseaux marchands des puissances avec lesquelles le pays est en guerre. Seuls, du reste, les corsaires dûment patentés sont passés à la postérité : le Dieppois Abraham Duquesne (vers 1610-1688), le Dunkerquois Jean Bart (1650-1702), le Nantais Cassard (1679-1740), le Malouin Duguay-Trouin (1673-1736) et son cousin Surcouf (1773-1827). Néanmoins, la situation s'avère plus complexe : ainsi, le premier Duquesne à s'illustrer en mer est-il Abraham le Vieux (vers 1570-1635), qui débute sa carrière de marin huguenot en tant que pirate, rançonnant au large du Havre les cargaisons de ses compatriotes, honnêtes marins du commerce rouennais ou bretons.
La piraterie : un crime
• ? Certes, la piraterie constitue un crime et, lorsqu'il est pris, le pirate est pendu au mât de son navire, et sa cargaison, confisquée. Mais, conduite avec succès, elle peut être un moyen de se faire connaître. Ainsi, en créant la marine royale, Richelieu cherche, en 1626, des hommes « nourris dans l'eau de mer et la bouteille », bons navigateurs, capables de prendre l'adversaire à l'abordage : et Duquesne le Vieux, de pirate, devient capitaine des vaisseaux du roi ; quelques pirates notoires, honfleurais et rochelais, partagent son ascension. Mais le statut du pirate-corsaire-officier se complique encore selon que le royaume est ou non en guerre. En effet, la paix prive d'activité tout officier des vaisseaux du roi. Gentilhomme, celui-ci rentre sur ses terres ou prend du service dans la cavalerie. Roturier, il retrouve ses occupations antérieures : armement, construction navale, recrutement des équipages, piraterie. D'autant plus volontiers que la solde d'un capitaine, accordée par le roi uniquement en période de guerre, n'excède pas, sous Louis XIII, les 2 000 livres annuelles, alors que la capture d'une riche cargaison de marchandises peut rapporter en une seule fois 30 000 à 50 000 livres, soit l'équivalent de vingt-cinq années de solde. Dans ces conditions, à partir de Colbert, le roi tend de plus en plus à transformer les pirates en officiers rémunérés à vie, en temps de paix et de guerre, et à les munir de lettres de course lorsque s'ouvre le conflit, pour courir sus au commerce anglais, hollandais ou espagnol, ou pour attaquer les colonies des ennemis ou de leurs alliés (les colonies portugaises). Ainsi absorbée par l'État dans le cadre de ce que l'on appelle la « montée de l'absolutisme », la piraterie - interdite mais transformée en course légale - est régie par un ensemble de règles : nécessité, à l'appareillage, d'être muni de lettres de marque, et, au retour, de prouver la légitimité de ses prises devant les tribunaux d'amirauté.
La course : une activité lucrative
• . Aussi la course a-t-elle ses défenseurs, corsaires (Duguay-Trouin) ou hommes politiques (l'amiral de Toulouse, le maréchal de Vauban), car, bien conduite, elle coûte moins cher que l'armement de grandes escadres, et peut - en ruinant le commerce de l'ennemi - rapporter des bénéfices considérables à l'État, des lettres de noblesse aux corsaires (Bart [1694] ou Duguay-Trouin [1709]), et des alliances prestigieuses : la fille de Ducasse (1646-1715) - fils d'un marchand de jambons de Bayonne - épouse ainsi un La Rochefoucauld ! Certes, la course apporte parfois des revers de fortune : en témoigne Cassard, mort en prison et ruiné, à la suite de ses démêlés avec ses armateurs ; néanmoins, considérée comme fructueuse, elle n'est que tardivement supprimée, en 1856.