Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
M

millénarisme,

croyance eschatologique en l'avènement, sous l'égide d'un prophète, d'une ère de mille ans de bonheur terrestre préludant au retour définitif du Christ, la parousie, et au Jugement dernier. Cette croyance se fonde essentiellement sur le chapitre XX du livre de l'Apocalypse (versets 1 à 15).

Conçu comme un retour au paradis originel, ce millénaire serait annoncé par de nombreux signes miraculeux (comètes, pluies de sang...), dont le plus important est le triomphe temporaire d'un Antéchrist. Très vivace durant les premiers siècles, où l'on attendait le retour prochain du Christ, le millénarisme est progressivement rejeté vers l'hétérodoxie dès lors que l'Église adopte les conceptions eschatologiques de saint Augustin (354-430), qui substitue au règne terrestre l'avènement d'une Cité céleste, après la parousie et le Jugement dernier. Cependant, à partir du xie siècle, le millénarisme réapparaît, conjointement à l'essor de l'érémitisme et d'une spiritualité de croisades. Ainsi, la « croisade des pauvres gens » (1096-1099), menée par Pierre l'Ermite et Gautier Sans Avoir, la « croisade des enfants » (1212) ou celles « des pastoureaux » (1251, 1321) lient la délivrance des Lieux saints aux espérances millénaristes. Le millénarisme se trouve aussi à la source de certains mouvements dissidents de l'Église menés par des prophètes issus du clergé ou de la noblesse, tel Éon de l'Étoile dans l'ouest de la France, vers 1140-1150. Enfin, au XIIIe siècle, à la suite de la diffusion des idées mystiques du moine calabrais Joachim de Flore (vers 1135-1202), et dans un contexte d'affrontement entre le pape et l'empereur, le millénarisme gagne de larges secteurs de l'Église (en particulier l'ordre franciscain) et de l'aristocratie laïque. Ces mouvements millénaristes se caractérisent généralement par une critique sévère de l'ordre social, de la richesse de l'Église et de la théocratie pontificale. Les plus populaires d'entre eux professent ou pratiquent souvent un égalitarisme absolu. Pourtant, tous disparaissent rapidement à la suite de l'échec de leurs projets ou d'une répression sévère menée par l'Église et par les souverains. Mais les graves crises que traverse l'Église au moment du grand schisme d'Occident (1378-1417) et de la Réforme provoquent de nouvelles résurgences de millénarisme, nettement plus vigoureuses toutefois en Allemagne ou en Europe centrale qu'en France. Aujourd'hui, le millénarisme est considéré comme une des formes les plus radicales de la contestation sociale et religieuse au cours du Moyen Âge.

Millerand (Alexandre),

homme politique, président de la République de 1920 à 1924 (Paris 1859 - Versailles 1943).

Il est issu d'une famille de classes moyennes, soucieuse d'indépendance et de promotion sociale. Comme une fraction importante du personnel politique de la IIIe République, il suit des études de droit et devient avocat avant de briguer, très tôt, les suffrages des électeurs : protégé par Clemenceau, il est élu député de la Seine en 1885. D'abord radical, il se convertit peu à peu au socialisme, à la fois par sensibilité personnelle (il plaide pour les ouvriers de Montceau-les-Mines, dès 1882) et pour des raisons plus politiques (il juge cette doctrine à même de contenir le boulangisme). Député socialiste indépendant, il rédige en 1896 le célèbre « Programme de Saint-Mandé » qui permet d'unir une première fois les diverses tendances du socialisme, de Jaurès à Guesde. Malgré des références au marxisme, ce programme réformiste entend inscrire une politique de progrès social dans le cadre des institutions républicaines. En 1899, premier socialiste à accepter de participer à un gouvernement bourgeois (celui de Waldeck-Rousseau) en tant que ministre du Commerce, de l'Industrie et des Postes, il est soutenu par Jaurès, mais son « ministérialisme » est désavoué par Jules Guesde. Bien que, d'un point de vue social, son bilan ministériel ne soit pas négligeable, Millerand évolue alors vers la droite : comme Viviani et Briand, il refuse de rejoindre la SFIO en 1905, et participe à plusieurs gouvernements jusqu'en 1915. Au lendemain de la guerre, il apparaît comme le chef de file de la droite modérée : président du Conseil de janvier à septembre 1920, il est alors élu président de la République. Contrairement à la tradition de la IIIe République, il entend jouer un rôle politique actif : en octobre 1923, à six mois des élections législatives, il prend officiellement parti pour le Bloc national et propose de renforcer les pouvoirs présidentiels (discours d'Évreux). Victorieux, le Cartel des gauches mène une véritable « grève des ministères », qui le contraint à démissionner le 11 juin 1924. Sénateur de 1925 à 1940, Millerand est rejeté par la gauche, qui lui reproche d'avoir voulu enfreindre la tradition républicaine d'équilibre des pouvoirs alors que la droite lui préfère d'autres dirigeants (tel Poincaré). Isolé, il meurt en 1943 sans laisser de véritable héritage politique.

ministères.

La notion de ministères désigne d'abord l'ensemble des attributions politiques et administratives déléguées à un ministre, puis le groupe solidaire de ces ministres.

Mais les deux conceptions sont liées : sous la monarchie d'Ancien Régime s'établit peu à peu la spécialisation des départements ministériels, avant l'affirmation, par la Révolution puis par les régimes parlementaires du XIXe siècle, de leur responsabilité collective.

Si la notion d'autorité déléguée par le souverain à un intermédiaire plus ou moins puissant est ancienne, le Moyen Âge ne connaît pas la spécialisation administrative qui permettrait de conclure à l'existence de ministères. Mérovingiens et Carolingiens s'entourent de familiers. La curia regis capétienne reconnaît bien les offices de connétable, sénéchal, bouteiller et chambrier, mais il s'agit, à l'origine, de fonctions domestiques attachées à la Maison du roi. Le souverain veille d'ailleurs à ne pas laisser ces grands officiers de la couronne prendre une influence trop importante et jouer, selon leur personnalité, un rôle politique : l'office de connétable, qui permet la conduite de l'ost royal, est longtemps vacant ; de même, à la désignation d'un chancelier, inamovible, les Capétiens préféreront souvent la nomination d'un garde des Sceaux révocable. Le gouvernement de Philippe le Bel est à cet égard significatif : le roi s'entoure d'un personnel politique qui le conseille et se répartit les dossiers - à Flotte les affaires de Flandre, à Nogaret les relations avec la papauté, à Marigny les finances -, mais nul n'est ministre en titre et ne dirige une administration constituée.