Creusot (Le), (suite)
Après la mort d'Eugène Schneider, en 1875, la croissance se poursuit, sous la houlette de son fils Henri, puis de son petit-fils Eugène, malgré une période de crise entre 1882 et 1887. En 1914, les usines du Creusot emploient 15 000 ouvriers - sur une population de 38 000 habitants. L'acier occupe alors une place prépondérante dans la production.
Un capitalisme paternaliste.
• Ce développement ne saurait être compris indépendamment du système mis en place par les Schneider, et qui peut être considéré comme l'un des sommets du paternalisme industriel. Alors que, jusqu'à la fin du XIXe siècle, la majeure partie de la production industrielle française dépend encore de petits ateliers ruraux ou urbains, le souci constant des Schneider est de fixer, discipliner et former la main-d'œuvre dans une grande ville-usine constituant un système clos. Dès 1837, des écoles sont créées pour assurer la formation des futurs employés de la compagnie, une initiative en rupture avec la tradition de transmission du savoir-faire ouvrier dans l'atelier. D'autre part, considérant que la préservation de la famille et de la propriété sont les meilleurs moyens d'assurer la moralisation et la « reproduction » de la main-d'œuvre sur place, les Schneider prennent progressivement en charge tous les aspects de la vie des Creusotins : santé, logement, retraite, allocations familiales.
La dépendance de la population à l'égard des Schneider, le poids politique de la dynastie, rendent toute opposition difficile, ou radicale. Les grèves sont peu nombreuses, mais dures : en 1870, les ateliers, puis les mines, sont paralysés ; la grève de 1899 donne lieu à un arbitrage du gouvernement et à la création des premiers délégués ouvriers, et celle de 1900, à l'exil de nombreux ouvriers hostiles aux Schneider.
Crises et déclin.
• Après la Première Guerre mondiale, tout en restant une grande ville industrielle, Le Creusot, concurrencé par d'autres sites, perd de son importance. En 1936, la nationalisation de la fabrication des armes et les lois sociales du Front populaire, qui rendent le paternalisme obsolète, réduisent l'emprise des Schneider sur la ville.
La reconstruction au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, puis l'édification européenne, la concurrence de nouveaux pays et de nouveaux matériaux, conduisent à d'importantes concentrations dans la sidérurgie française. Après la mort, en 1960, de Charles Schneider, dernier membre de la famille à la tête du groupe, la fusion des Forges et ateliers du Creusot avec les Ateliers et forges de la Loire donne naissance, en 1970, à Creusot-Loire, qui devient le premier groupe national pour les aciers spéciaux. Mais la crise frappe durement cette nouvelle société, qui fait faillite en 1984. Déclaré « pôle de conversion », Le Creusot doit faire face à la suppression progressive de 3 000 emplois, ainsi qu'à une reconversion douloureuse. Pour partie, ses usines, emblématiques de la croissance industrielle française au tournant du siècle, ont été transformées en musée.