Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
P

Painlevé (Paul),

mathématicien et homme politique (Paris 1863 - id. 1933).

Membre de l'Académie des sciences dès 1900, Paul Painlevé est l'auteur d'importants travaux sur les équations différentielles et sur la mécanique des fluides. Entré en politique en 1910 comme républicain socialiste, il exerce les fonctions de ministre de l'Instruction publique (d'octobre 1915 à décembre 1916) dans le gouvernement d'Aristide Briand, puis de ministre de la Guerre (de mars à septembre 1917) dans celui d'Alexandre Ribot. Après l'échec de l'offensive de Nivelle, il nomme Philippe Pétain commandant en chef et est confronté au problème des mutineries. Président du Conseil en septembre 1917, il démissionne dès le mois de novembre, victime d'une campagne menée par Clemenceau, qui l'accuse de manquer d'ardeur face aux « défaitistes ». Après avoir été l'un des fondateurs du Cartel des gauches, il préside la Chambre des députés et échoue, en tant que candidat du Cartel, à l'élection présidentielle (mai 1924), contre Gaston Doumergue. Succédant à Édouard Herriot, Painlevé reprend la direction du gouvernement en avril 1925, mais sa stratégie de « concentration républicaine » suscite de vives tensions au sein de la majorité cartelliste, qui se délite. En novembre, il doit de nouveau démissionner après le refus opposé par la Chambre aux projets du ministre des Finances Joseph Caillaux. Ministre de la Guerre de 1925 à 1929, il met en œuvre une profonde réforme de l'armée. Il est notamment l'artisan de la loi de 1928, qui ramène à un an la durée du service militaire.

pairs (Chambre des),

assemblée du régime parlementaire prévue par la charte de 1814, en vigueur sous la Restauration et la monarchie de Juillet.

La charte promulguée par Louis XVIII le 4 juin 1814, lors de la première Restauration, crée deux Chambres des représentants, qui sont convoquées à l'initiative du roi, et siègent simultanément, adoptant les lois qui leur sont proposées. À côté de la Chambre des députés, qui est élue, se réunit la Chambre des pairs, dite aussi « Chambre haute », dont les membres sont nommés à vie par le roi. Leur charge est parfois héréditaire et les débats sont tenus secrets. Louis XVIII choisit la plupart d'entre eux parmi les sénateurs de l'Empire, écartant néanmoins cinquante-trois révolutionnaires - compromis, à ses yeux. Après l'intermède des Cent-Jours - durant lequel Napoléon a maintenu l'institution -, le roi procède à une légère épuration et rétablit l'assemblée dans ses fonctions : munie de ses attributions législatives, la Chambre peut aussi siéger en Cour de justice, ayant à statuer sur les cas de haute trahison et d'atteinte à la sûreté de l'État (elle organise ainsi le procès du maréchal Ney). La Chambre haute se transforme rapidement en foyer d'opposition libérale : elle combat, successivement, les gouvernements de Richelieu, de Descazes et de Villèle, et dénonce les lois répressives ou réactionnaires sur la presse, le sacrilège ou le droit d'aînesse ; elle acquiert ainsi, dans l'opinion, une certaine popularité. Un groupe libéral, autour de Talleyrand, Molé et Broglie, s'y constitue, que rejoint Chateaubriand, congédié du gouvernement. Le pouvoir trouve, sans tarder, la riposte : nommer sans cesse de nouveaux pairs pour noyer la contestation. C'est le système des « fournées » : l'assemblée compte ainsi 154 membres en 1814, et 335 en 1830.

La monarchie de Juillet ne modifie guère le fonctionnement de la Chambre des pairs : elle supprime néanmoins l'hérédité de la pairie, élargit le recrutement à l'ensemble des notabilités, membres de corps constitués ou d'assemblées locales, et permet la tenue de séances publiques. Politiquement, cependant, l'influence de la Chambre est faible : elle s'exprime surtout par des adresses au roi, d'inspiration libérale mais de peu d'effet, les fournées permettant toujours de museler l'opposition. En revanche, l'assemblée siège fréquemment en Cour de justice, jugeant la série d'attentats - ou de scandales - qui émaillent le régime de Juillet. La révolution de 1848 supprime la Chambre des pairs, dans l'indifférence générale. Mais le principe qui sous-tend son existence demeure : dans les régimes parlementaires qui se succéderont, le Sénat perpétue la tradition de la Chambre haute.

pairs de France,

catégorie éminente de vassaux du roi de France, qui jouissent de prérogatives et sont soumis à des devoirs particuliers.

Dans la société féodale, on appelle « pairs » les hommes de condition égale, vassaux immédiats d'un seigneur mais aussi chanoines d'un chapitre ou bourgeois d'une ville franche. Cependant, très vite, le terme est réservé aux seuls chevaliers constituant la cour féodale et se reconnaissant le droit mutuel de se juger. Le roi de France, suzerain, n'échappe pas à la règle : en 1216, il existerait auprès de Philippe Auguste douze grands feudataires chargés de l'assister dans son gouvernement et dans sa fonction de justice, qui prennent le nom de « pairs de France ». Leur nombre renvoie à une origine mythologique, historique ou poétique : les douze Apôtres, ou les douze pairs siégeant auprès de Charlemagne. Leur identité est précise : six pairs ecclésiastiques, archevêque et évêques du nord-est du royaume (Reims, Langres, Laon, Châlons-sur-Marne , Noyons et Beauvais), sans doute les premiers à avoir acquis la seigneurie temporelle ; six pairs laïcs, principaux vassaux du roi (ducs de Normandie, de Bourgogne et de Guyenne, comtes de Flandre, de Champagne et de Toulouse).

En réalité, la cour des pairs des Capétiens est une fiction politique : quand l'institution est constituée, les principaux fiefs sont réunis à la couronne et les barons sont écartés du gouvernement, qui est confié à des spécialistes jouissant de la confiance du roi. De même, le développement de la justice royale sous Saint Louis rend désuète la coutume du jugement des vassaux par leurs égaux. La dignité de pair de France est donc essentiellement protocolaire ; elle se manifeste, par exemple, lors du sacre, quand les Douze soutiennent la couronne sur la tête du nouveau monarque. À compter du règne de Philippe le Bel, la royauté s'arroge le droit de créer de nouveaux pairs. La coutume s'étend à l'époque moderne, et la pairie devient l'un des instruments de la puissance royale - en fait, un moyen commode de distribuer des faveurs pour s'attacher des fidélités. La dignité devient héréditaire, réservée aux ducs, et transmissible par agnation. Sous l'Ancien Régime, le pair de France est donc un grand seigneur, attaché à ses prérogatives - Saint-Simon s'en est fait l'écho. S'il n'assiste plus au Conseil du roi (depuis 1667), il siège au parlement. Par son rang et sa fortune, il a un poids dans la société, qui dépasse son strict rôle protocolaire. Il appartient à cette élite aristocratique dont la Restauration reconnaîtra l'importance pour la monarchie, après l'intermède révolutionnaire, quand elle créera la Chambre des pairs.