peine de mort. (suite)
Les formes de la mise à mort se diversifient au Moyen Âge : décapitation, noyade, bûcher, pendaison, étranglement, écartèlement, enterrement du condamné vif, ébullition..., selon des critères peu à peu affirmés. L'écartèlement punit le crime de lèse-majesté ; le feu, les crimes d'hérésie, de magie, ou de sodomie... Cependant, le recours aux exécutions semble limité avant les XIIe et XIIIe siècles, marqués par le développement de la chasse aux hérétiques, et surtout les XVe et XVIe siècles, avec la chasse faite aux sorcières. Une hiérarchie compliquée assigne à telle ou telle catégorie tel ou tel châtiment : l'exécution à la hache est réservée aux personnes d'origine noble, les roturiers étant pendus. Au XVIe siècle est introduit le supplice de la roue, qui réprime l'assassinat et le vol de grand chemin, mais sont également créées de nouvelles peines de substitution : mutilations, déportation dans le Nouveau Monde.
La transition du • XVIIIe siècle.
La mutation décisive intervient au XVIIIe siècle : s'inspirant du livre du marquis italien Beccaria, Des délits et des peines, publié en 1764 (et qui conduit à la première abolition de la peine de mort en Toscane), les Philosophes s'élèvent contre « l'antique et barbare routine » tandis que l'arbitraire des peines est contesté. Les interventions publiques de Voltaire dans les affaires Calas ou La Barre s'inscrivent dans ce courant, même si, au siècle des Lumières, il n'est pas envisagé d'abolir la peine de mort, mais seulement de limiter les types de crimes qui en sont passibles, et d'en adoucir les supplices. Cette préoccupation explique l'introduction de la guillotine en 1792. Ce supplice unique, appliqué sans distinction de rang, est destiné à atténuer les souffrances. Or, la guillotine va être associée rapidement aux errements judiciaires de la Terreur révolutionnaire : les multiples juridictions d'exception d'alors appliquent librement des lois définissant elles-mêmes de façon floue les nombreux crimes « contre-révolutionnaires » qui conduisent à la peine de mort. En 1793-1794, les mises à mort échappent de fait à toute réglementation, attestant que toutes les périodes de troubles laissent à l'État ou à ceux qui se disent investis de ses pouvoirs la libre application des supplices. En 1795, la loi proclame l'abolition de la peine de mort « à dater du jour de la publication de la paix générale », mais cette disposition reste sans effet, n'étant ni appliquée lors de la paix d'Amiens, en 1802, ni reprise par le Code pénal de 1810, qui établit la liste des crimes punissables de mort (assassinat et vol à main armée, incendie, faux-monnayage, parricide). Après l'introduction des circonstances atténuantes (1824) et une nouvelle loi d'abolition (1830), restée sans suite, la réforme de 1832 limite le nombre des délits passibles de cette peine aux crimes de sang et augmente les mesures de grâce, entérinant en cela les pratiques des jurys d'assises. La peine de mort est abolie pour des raisons politiques en 1848 mais rétablie sous le Second Empire ; elle est ensuite appliquée régulièrement, notamment contre les communards, les anarchistes, les déserteurs et les « traîtres » de la Grande Guerre - dont l'espionne Mata-Hari - sous la IIIe République, les collaborationnistes pendant l'épuration, des membres de l'OAS après la guerre d'Algérie. Mais elle cesse d'être publique à partir de 1939.
Les abolitionnistes lancent successivement des campagnes : de celles de Victor Hugo en 1848 ou de Jean Jaurès en 1908, aux trente-deux projets de loi déposés au XXe siècle avant 1981. Progressivement, le droit de grâce accordé au président de la République ayant limité l'usage de la peine de mort, l'abolition devient effective au terme d'une évolution séculaire, mais sans que l'opinion publique ne soit unanime ni sur le châtiment des crimes ni sur la réinsertion des criminels dans la société.