gaullisme, (suite)
Le cœur de sa pensée politique, à savoir la nécessité d'un État fort qui soit subordonné à la nation, et d'un pouvoir exécutif au-dessus des partis et disposant de réels pouvoirs (discours de Bayeux, 16 juin 1946), se traduit d'abord par le rejet d'un pouvoir législatif omnipotent, dominé par les joutes partisanes, qu'incarne la IVe République : le gaullisme est alors « d'opposition ». Puis vient le temps du gaullisme « de pouvoir ».
La création de la Ve République en 1958, le choix d'une élection présidentielle au suffrage universel direct en 1962, correspondent à la volonté gaullienne de disposer d'un pouvoir exécutif fort et bénéficiant de l'assentiment populaire. La politique extérieure ou coloniale s'inspire du souci de préserver la souveraineté et d'affirmer le rôle de la France dans le monde. Ainsi, ne souhaitant pas livrer un combat d'arrière-garde, le Général se résout à l'indépendance de l'Algérie et des pays d'Afrique noire, qu'il estime inéluctable. Il se fait l'artisan d'une coopération européenne tissée autour de l'amitié franco-allemande, et décide d'une force de frappe atomique nationale. Enfin, sans refuser l'alliance atlantique, il s'oppose à la domination militaire et diplomatique des États-Unis. Le gaullisme de De Gaulle est donc essentiellement une forme de nationalisme. Sur le plan économique, plus anticommuniste qu'anticapitaliste, le gaullisme est toujours assorti de mesures libérales ; il est aussi marqué par une certaine modestie dans la mise en œuvre de la « participation », un thème pourtant régulièrement avancé dans les écrits de De Gaulle, et présenté comme une solution pour remédier aux inégalités sociales.
Le nationalisme de De Gaulle, qui cherche à rassembler les Français - sans aucun accent xénophobe -, ne s'inscrit pas dans le clivage politique traditionnel droite/gauche. Pourtant, si le gaullisme fédère à plusieurs reprises les Français, le courant politique qui se réclame de lui s'apparente, par son électorat - retraités, commerçants, artisans et agriculteurs y sont « surreprésentés » -, par ses alliances politiques avec la droite modérée et libérale, comme par ses détracteurs - qui appartiennent, pour l'essentiel, à l'extrême droite et à la gauche -, à un mouvement classé à droite de l'échiquier politique français.
Les gaullismes.
• Le gaullisme de guerre réunit, à l'origine, des hommes idéologiquement et politiquement fort différents : les maurrassiens Rémy et Bénouville, des hommes issus de la gauche (Malraux, Capitant, Vallon, Soustelle), des modérés (Palewski), des démocrates-chrétiens (Michelet, Terrenoire), ou des radicaux (Debré, Chaban-Delmas). Le gaullisme d'opposition incarné par le Rassemblement du peuple français (RPF), mouvement lancé le 7 avril 1947, se veut également rassembleur, mais, en raison de son attitude farouchement anticommuniste, et bien qu'anti-atlantiste, il rallie une partie de la droite jusqu'en 1953. L'Union pour la Nouvelle République (UNR), fondée en 1958, et qui se transforme en 1967 en Union des démocrates pour la Ve République (UD Ve), puis, en juin 1968, en Union pour la défense de la République (UDR), figure comme le parti majoritaire à la Chambre, soutien efficace du président.
Après le départ du général de Gaulle en 1969, puis sa mort en 1970, c'est le président Georges Pompidou qui se place en héritier du gaullisme. Il maintient un pouvoir exécutif fort, mène une politique extérieure indépendante, et fait un moment renaître le gaullisme social, grâce au projet dit « de nouvelle société » que lance le Premier ministre Jacques Chaban-Delmas. Mais l'échec de celui-ci, candidat de l'Union des démocrates pour la République (UDR) à la présidence de la République après la mort de Pompidou en 1974, sonne le glas du gaullisme dominant. Durant le septennat de Valéry Giscard d'Estaing (issu de la droite libérale), le parti gaulliste, devenu le Rassemblement pour la République (RPR) en 1976, se réorganise sous la houlette de Jacques Chirac. Les barons du gaullisme (Jacques Chaban-Delmas, Michel Debré) sont tenus à l'écart, la base militante est élargie, et la réflexion réactivée, mettant parfois en lumière des divergences sur la politique européenne ou économique. L'idéal de rassemblement est repris avec succès par Jacques Chirac, qui remporte, autour du thème de la « fracture sociale », l'élection présidentielle de 1995. Le gaullisme, qu'il s'agisse de l'idéal du Général ou du courant politique qui en découle, regroupé aujourd'hui au sein de l'UMP qui a pris la suite du RPR, reste donc une composante primordiale de la vie politique française.