Raspail (François Vincent),
scientifique, journaliste et homme politique (Carpentras 1794 - Arcueil 1878).
Après les années passées au séminaire d'Avignon comme élève puis comme professeur de théologie, le jeune Raspail rompt avec la religion et s'installe à Paris, en 1816, où il gagne sa vie comme professeur, puis comme répétiteur. Ses idées avancées le conduisent à s'affilier à la charbonnerie (1822). Attiré par la science, il mène en autodidacte des travaux novateurs en botanique, en chimie organique. En juillet 1830, il participe avec enthousiasme à la révolution qui jette à bas la Restauration. Blessé, décoré, il se tient cependant à l'écart du nouveau régime, avant d'en dénoncer les dérives réactionnaires par des articles virulents qu'il publie dans son journal, le Réformateur. Dirigeant de la Société des amis du peuple, il fait l'objet de nombreuses poursuites et connaît la détention à plusieurs reprises. La notoriété dont il jouit auprès des Parisiens modestes s'accroît encore lorsqu'il décide de concilier, dans l'exercice d'une médecine à la portée de tous, son idéal républicain et ses connaissances scientifiques. À partir de 1835, il multiplie les recherches dans les domaines de la thérapeutique et de l'hygiène ; il rédige de nombreux ouvrages de vulgarisation où il prône l'hygiène et la tempérance. Le succès de la « méthode Raspail » (Manuel annuaire de la santé, 1843) ne se dément pas. Les autorités politiques et médicales en prennent ombrage : il est condamné en 1846 pour exercice illégal de la médecine.
En février 1848, Raspail fait partie du groupe qui proclame la République à l'Hôtel de Ville. Il fonde un journal (l'Ami du peuple) et un club révolutionnaire. Candidat malheureux des socialistes à la présidence de la République en décembre, il est condamné l'année suivante à six ans de détention pour avoir pris part aux troubles du 15 mai 1848. Après avoir purgé sa peine, il gagne la Belgique en 1853, pour dix ans. Il a 75 ans lorsque les électeurs du Rhône le choisissent comme représentant au Corps législatif, de préférence à Jules Favre (1869). Personnalité politique inclassable, Raspail intervient peu dans les débats mais continue à défendre les valeurs qui lui sont chères : la liberté, l'instruction, la morale. Condamné à deux ans de prison pour avoir fustigé la sauvagerie de la répression contre la Commune (1874), il est néanmoins élu député de Marseille en 1876, puis en 1877. À la Chambre, il mène ses derniers combats pour l'amnistie des communards et contre la politique de Mac-Mahon.
Rastadt (congrès de),
congrès prévu par le traité de Campoformio pour régler le sort de la rive gauche du Rhin, et qui réunit les représentants du Saint Empire, de l'Autriche et de la France, du 16 novembre 1797 au 23 avril 1799.
La rive gauche du Rhin est en effet occupée par la France, qui veut l'annexer. L'Autriche s'est engagée à appuyer celle-ci pour qu'elle obtienne le Palatinat, Trèves et Mayence, mais le représentant français, Treilhard, réclame en outre Cologne. La Diète germanique en accepte le principe (9 mars 1798), à la fureur du ministre autrichien, Cobenzl, qui exige une compensation en Italie. Le refus de Treilhard bloque la négociation. Tandis que le congrès s'enlise, le Directoire se lance dans l'expédition d'Égypte (mai 1798), qui, menaçant la route des Indes, irrite l'Angleterre, la Turquie et la Russie, et favorise la formation de la deuxième coalition contre la France. L'attaque de la République romaine par le roi de Naples (novembre 1798) donne le signal d'une reprise générale des hostilités et, le 12 mars 1799, le Directoire déclare la guerre à l'Autriche. Le congrès de Rastadt, qui n'a abouti à rien, n'a plus qu'à se séparer.
Quittant la ville le 28 avril, deux plénipotentiaires français, Bonnier et Roberjot, sont assassinés par des hussards autrichiens, et un troisième, Debry, est grièvement blessé. Cet attentat, dont la responsabilité ne sera jamais éclaircie, soulève l'indignation en France. Selon Albert Soboul, il marque le « caractère implacable » de la guerre qui recommence, « celle de l'Europe aristocratique contre la nation révolutionnaire ».
Rastadt (traité de paix de),
traité signé le 6 mars 1714 entre la France et le Saint Empire qui met fin à la guerre de la Succession d'Espagne.
Après les traités d'Utrecht (janvier-avril 1713), seul l'empereur Charles VI, ancien prétendant à la couronne d'Espagne, s'obstine à ne pas mettre fin aux hostilités contre la France. Les combats tournent à l'avantage de celle-ci : le maréchal de Villars s'empare de Spire, de Worms, de Kaiserslautern, de Landau, et surtout de Fribourg, le 16 novembre 1713. Les négociations, inévitables, s'ouvrent le 26 novembre au château de Rastadt, menées par deux généraux : Villars et, du côté impérial, le prince Eugène, encore auréolé de ses anciennes victoires. La raideur de Villars est tempérée depuis Versailles par le secrétaire d'État aux Affaires étrangères, le marquis de Torcy. Le traité, confirmé le 7 septembre 1714 par l'ensemble des États de l'Empire, se fait au détriment de l'Espagne. Contre l'abandon de la plupart de ses conquêtes récentes, la France fait accepter son annexion de Strasbourg, occupé depuis 1681, et garde Landau, porte de l'Alsace. Ses alliés allemands, les Électeurs de Cologne et de Bavière, récupèrent leurs États et leurs dignités dans l'Empire. Surtout, contre la renonciation de Charles VI au trône de Madrid, l'Espagne abandonne à l'empereur les Pays-Bas, Milan, Naples, la Toscane et la Sardaigne. Cette redistribution met fin à une géographie politique fixée au XVe siècle avec l'héritage de Charles le Téméraire, et au XVIe siècle avec les guerres d'Italie. L'Espagne n'aura de cesse de récupérer ses possessions italiennes, ce qui créera un trouble durable dans les relations européennes.
Ravachol (François Claudius Kœnigstein, dit),
anarchiste (Saint-Chamond, Loire, 1859 - Montbrison, id., 1892).
Fils d'un immigré hollandais tôt décédé, Ravachol quitte rapidement l'école, devient gardien de bestiaux, nourrit sa révolte de la lecture d'Eugène Sue et de discours anticléricaux, répudie le nom de son père pour porter celui de sa mère. Devenu ouvrier teinturier à Saint-Étienne, il manifeste sa haine des patrons, quitte son emploi, commet vols et assassinats (en 1886, il tue un brocanteur d'Izieux et, en 1891, un ermite qui entassait les aumônes). Arrêté, il s'évade, tue encore deux quincaillières, fuit à Lyon, où le cache un militant anarchiste qui l'endoctrine, le convertit à la « propagande par le fait » et l'envoie à Paris. En mars 1892, il place des bombes boulevard Saint-Germain, chez un juge qui a condamné à cinq ans de prison un manifestant du 1er Mai, puis rue de Clichy, chez l'avocat général du même procès. Dénoncé, arrêté, il est condamné en avril aux travaux forcés à perpétuité pour ses attentats, verdict qu'il accueille en hurlant : « Vive l'anarchie ! » Transféré à Montbrison pour répondre de ses meurtres antérieurs, il y est condamné à mort, et exécuté le 11 juillet. Il meurt en criant : « Vive la ré... [volution] ! » Ravachol devient alors un symbole. L'écrivain anarchiste Paul Adam clame : « Un saint nous est né ! » L'hebdomadaire le Père Peinard le montre portant sa tête dans ses mains tel un saint médiéval. Sa mort donne le signal d'une série d'attentats, qui culmine avec l'assassinat du président Carnot en 1894.