Arnauld (Antoine),
dit le Grand Arnauld, théologien janséniste (Paris 1612 - Bruxelles 1694).
Dernier des vingt enfants d'Antoine Arnauld (1560-1619), avocat célèbre pour son hostilité aux jésuites, il appartient à une famille de robe, en partie protestante. Élevé par une mère pieuse, il rencontre l'abbé de Saint-Cyran, ami de son frère Robert Arnauld d'Andilly. Étudiant en théologie, il est reçu docteur en Sorbonne et ordonné prêtre en 1641. Ses opinions sur la grâce et la prédestination sont tirées de saint Augustin, mais elles se retrouvent chez Jansénius. Dès lors, Arnauld épouse la cause janséniste, que défendent également sa sœur Angélique, abbesse de Port-Royal, et plusieurs de ses autres sœurs et nièces, religieuses dans la même abbaye.
En 1643, le traité De la fréquente communion le rend célèbre : contre la conception jésuite du recours à la communion pour fortifier le pécheur contre la tentation, il défend une attitude sévère qui éloigne de l'autel le fidèle indigne et met l'accent sur la pénitence et le rôle du confesseur. Face aux condamnations pontificales, il distingue le droit et le fait, prétendant que les propositions censurées sont fautives mais ne se trouvent pas chez Jansénius.
La même année, la mort de Saint-Cyran fait apparaître Arnauld comme le chef du parti janséniste. Un ami de Port-Royal, le duc de Liancourt, s'étant vu refuser l'absolution, Arnauld réplique par la Lettre à une personne de condition, suivie d'une Lettre à un duc et pair (1655), qui provoquent son exclusion de la Sorbonne. Pascal prend alors sa défense dans les Provinciales. Retiré à Port-Royal, Arnauld collabore avec Lancelot à une Grammaire générale et raisonnée (1660), et avec Nicole à une Logique dite « de Port-Royal » (1662), œuvres remarquables destinées aux « petites écoles ». Polémiste, il sait pourtant refréner les extrémistes de son camp, et pousse à la conclusion de la « paix de l'Église » (1668), compromis entre les jansénistes, le pouvoir monarchique et la papauté. Revenu à la cour, il se voue au combat antiprotestant. Mais, lorsqu'en 1679 Louis XIV relance les persécutions contre les jansénistes, Arnauld s'exile en Hollande, puis à Bruxelles, où il mène une vie besogneuse et semi-clandestine. Il n'en continue pas moins la lutte contre les jésuites et les protestants, tout en restant loyal à son roi, défendant même sa politique extérieure.
Esprit puissant et ardent, auteur fécond, Antoine Arnauld a su soutenir des opinions intransigeantes sans rompre avec la culture antique ni repousser l'apport du cartésianisme. Fidèle à l'esprit de la Contre-Réforme, il contribue cependant à introduire en terre catholique une spiritualité rigoriste qui avait assuré le succès du calvinisme.
Aron (Raymond),
philosophe et sociologue (Paris 1905 - id. 1983).
Ce brillant khâgneux et normalien, reçu premier à l'agrégation de philosophie en 1928, reste longtemps un proche des socialistes et un véhément défenseur du pacifisme. Son séjour en Allemagne entre 1930 et 1933 lui révèle pourtant le danger nazi, ce qui le conduit à réviser ses positions pacifistes. Rentré en France et devenu professeur, Raymond Aron livre une production philosophique abondante, influencée par les travaux des philosophes et sociologues d'outre-Rhin (la Sociologie allemande contemporaine, 1935 ; Introduction à la philosophie de l'histoire, publié à l'issue de sa thèse, soutenue en 1938). Il y reprend la notion de relativisme historique héritée de Max Weber, mais propose de la dépasser, préconisant l'engagement de l'homme dans son époque.
Durant la Seconde Guerre mondiale, après avoir rejoint Londres, il écrit dans les colonnes de la France libre. À la Libération, il se consacre entièrement au journalisme. Un temps membre du comité de rédaction des Temps modernes, où il retrouve son ancien condisciple Jean-Paul Sartre, avec lequel il rompt à l'automne 1947. La même année, il cesse sa collaboration à Combat. Commence alors un long parcours anticommuniste, jalonné par ses éditoriaux dans le Figaro et marqué par la publication, en 1955, de l'Opium des intellectuels, véritable brulôt contre l'esprit de système des intellectuels marxistes. Le polémiste entre aussi dans le jeu politique en adhérant au rassemblement gaulliste, le RPF, et en militant au sein d'une structure intellectuelle anticommuniste, le Congrès pour la liberté de la culture. Au cœur de la guerre froide, Aron est mis au ban d'une intelligentsia française largement philocommuniste.
« Spectateur engagé », sans cesse en prise avec l'histoire en marche, il prône l'indépendance de l'Algérie au nom de ce qu'il considère comme le « réalisme » (la Tragédie algérienne, 1957). Plus tard, il voit dans les événements de 1968 la confirmation de la « fragilité du monde moderne » (la Révolution introuvable, 1968). En 1979, il retrouve Sartre pour un dernier combat en faveur des boat-people vietnamiens.
Tout au long de cette période, le sociologue - qui a poursuivi son enseignement à la Sorbonne (1955), à l'École pratique des hautes études (1968), puis au Collège de France (1970) - n'a cessé de nourrir une réflexion approfondie sur le pouvoir, les relations internationales et la société industrielle (Paix et guerre entre les nations, 1962 ; la Lutte des classes : nouvelles leçons sur la société industrielle, 1964 ; Démocratie et totalitarisme, 1965 ; Penser la guerre, Clausewitz, 1976). Au soir de sa vie, la notoriété rattrape l'intellectuel, qui fut honni par une partie de ses pairs : en témoignent le succès du Spectateur engagé et la publication, applaudie, peu de temps avant sa mort, de ses Mémoires, cinquante ans de réflexion politique (1983).
Arras (traité d') [21 septembre 1435],
traité scellant la réconciliation, pendant la guerre de Cent Ans, du roi de France Charles VII et du duc de Bourgogne Philippe III le Bon, prince le plus puissant du royaume.
Depuis 1407, une guerre civile oppose les Armagnacs, partisans du roi, aux Bourguignons. Elle facilite la conquête de la France par les Anglais, alliés au duc de Bourgogne. Pour les vaincre, Charles VII doit donc préalablement se réconcilier avec celui-ci. Après différents pourparlers, la conférence de paix s'ouvre le 5 août 1435 à Arras, sous l'égide de cardinaux représentant le pape et le concile de Bâle. Elle réunit le duc de Bourgogne, une délégation anglaise conduite par le cardinal Henri Beaufort, et une ambassade française dirigée par le connétable de Richemont. La négociation entre la France et l'Angleterre échoue, car les exigences anglaises sont excessives : Charles VII perdrait son titre de roi, et deviendrait le vassal du roi anglais Henri VI pour tous les territoires que celui-ci entend conserver.