territoire sur lequel un homme - le seigneur - réputé être l'unique propriétaire foncier détient l'ensemble des pouvoirs de commandement.
Apparue au Xe siècle, la seigneurie est la structure essentielle de tout l'édifice social de la France du Moyen Âge et de l'époque moderne.
Le démantèlement de l'État carolingien, au Xe siècle, permet à l'aristocratie foncière de transférer à son profit une très grande part des droits de la puissance publique, par usurpation pure et simple, mais également par délégation du souverain. Les droits militaires - construire des forteresses ou commander à une force armée - sont ainsi appropriés par des personnes privées ou par des institutions ecclésiastiques. Il en va de même pour le droit de rendre la justice et de percevoir les amendes ou pour celui de prélever des péages sur les routes dont le seigneur assure la sécurité et parfois l'entretien. Certains seigneurs possèdent aussi le droit de battre monnaie.
Les droits issus du foncier se situent dans l'exact prolongement de ce qu'exigeait, à l'époque carolingienne, un seigneur détenteur de domaine. Il s'agit donc essentiellement de redevances fixes (cens) et surtout proportionnelles à la récolte (champarts). La corvée peut également être requise si le seigneur a conservé une réserve - ce qui n'est pas toujours le cas. Droits économiques et droits politiques sont confondus à l'intérieur de cette organisation. Ainsi, le seigneur peut faire exercer la garde de son château par ses tenanciers ou encore les contraindre à des travaux d'entretien de ses fortifications.
L'arbitraire seigneurial.
• La seigneurie est une structure caractérisée, du moins à ses débuts, par une grande violence. Elle n'apparaît véritablement que lorsque les seigneurs, usant des droits qu'ils ont usurpés ou qui leur ont été concédés, s'approprient les terres paysannes et exigent de nouvelles taxes totalement arbitraires par leur montant et le caractère irrégulier de leur périodicité, telle la taille. Son émergence et sa consolidation correspondent à la volonté d'asseoir le revenu seigneurial sur la rente, et non sur le faire-valoir direct.
La fin du Xe siècle et la première moitié du XIe voient ainsi la disparition de la propriété paysanne parcellaire. Les seigneurs se font attribuer les exploitations paysannes par la contrainte ou les achètent à vil prix. Ils les restituent ensuite à titre de tenure. Le procédé n'est pas nouveau : il est attesté dès le IXe siècle, mais il devient général et, surtout, s'accompagne de violences extrêmes. Le groupe de combattants à cheval (milites ou caballarii, « chevaliers »), que le seigneur entretient, constitue une force de coercition, dont la fonction est de prélever de nouvelles taxes et de maintenir les paysans dans un état de terreur tel qu'ils acceptent d'être dépossédés et de payer.
Du point de vue économique, cette structure permet une intensification de la production paysanne. L'ampleur des prélèvements opérés favorise le développement des échanges. Des quantités croissantes de biens sont mises à la disposition des seigneurs, qui, sans avoir à investir directement dans la production, peuvent intervenir sur les marchés. Toutefois, le système souffre d'une certaine rigidité. En effet, le prélèvement est fixé par la coutume : son taux ne peut varier facilement. En outre, dès le XIIe siècle, les paysans rachètent certaines taxes ou s'abonnent. Ainsi, des prélèvements en nature peuvent être abandonnés soit contre le versement d'une somme unique importante, soit contre celui d'une rente en argent. En conséquence, sur le long terme, le revenu seigneurial a tendance à baisser. Cela crée périodiquement des tensions et suscite des tentatives de réajustements, que l'on désigne sous le terme de « réactions seigneuriales » : les deux principales se produisent à la fin du Moyen Âge - au XIVe siècle -, et durant la période pré-révolutionnaire.
La seigneurie, forme dominante de la grande propriété terrienne, est abolie en France dans la nuit du 4 août 1789.