abbayes (suite)
Abbayes et société
Les aspects économiques.
• Nonobstant l'interdiction de la propriété individuelle et l'obligation de pauvreté pour les moines, les abbayes disposent, grâce aux legs pieux, d'un patrimoine temporel important : les ordres deviennent de grands propriétaires fonciers. Situées à l'écart des zones d'habitation, les abbayes occupent une place importante dans l'activité économique des campagnes : création d'aménagements (moulins, forges, travaux hydrauliques) et mise en valeur de terres par défrichement, assèchement des marais ; des travaux réalisés le plus souvent par les convers. Aussi, du fait de leur rayonnement, et en dépit de leur quête de solitude, certaines abbayes sont à l'origine de la formation d'agglomérations. Les donations pieuses animent un mouvement économique. Au Moyen Âge, l'aristocratie laïque se dépouille au profit des moines - aristocratie de l'Église -, soutenant ainsi les réalisations de l'art roman. Parmi les fonctions économiques qui incombent aux monastères, l'une des plus importantes est la charité envers les pauvres. L'aumône constitue une forme de redistribution de la richesse. Aujourd'hui, de nombreuses abbayes développent des activités artisanales pour des raisons économiques, mais aussi pour que les moines retrouvent pleinement leur vocation initiale : prier et travailler de leurs mains.
L'emprise sur le monde extérieur.
• Les abbayes constituent, surtout au Moyen Âge, des instruments et des enjeux de pouvoir. Ainsi, certains rois francs les utilisent-ils pour accroître leur influence. Parfois, même, le monachisme est quelque peu détourné de sa finalité : on assigne aux abbayes des fonctions qui dépassent leurs attributions. Par exemple, les Carolingiens, en confiant aux moines des missions nouvelles - évangélisation, prédication, c'est-à-dire des fonctions qui incombent aux évêques -, altèrent la structure du monachisme bénédictin.
Parfois soumises à l'autorité laïque, les abbayes sont aussi, surtout au Moyen Âge, détentrices de pouvoir et fort influentes. Elles participent à la christianisation, encouragent la pratique chez les fidèles et élaborent une spiritualité. Dans une société rurale, l'Église se recentre sur les monastères, qui sont les principaux foyers religieux de la France aux XIe et XIIe siècles. Ils savent attirer les membres de l'aristocratie et gagner leur générosité. Les « grands » souhaitent obtenir une sépulture dans les cimetières monastiques, se convertissant parfois à l'heure du trépas. Mais la situation des abbayes vis-à-vis de l'ensemble de la société est quelque peu paradoxale : bien qu'ils soient retirés du monde, cloîtrés, voués à l'ascèse, les moines prétendent exercer une influence sur leurs contemporains, et ils y parviennent, certes plus ou moins bien, selon les époques. Au Moyen Âge, leur isolement ne leur interdit pas de jouer un rôle économique, ni même politique, comme ce fut le cas pour certaines abbayes chefs d'ordre du Xe au XIIe siècle. Grâce à leur hégémonie religieuse et culturelle, les moines n'ont-ils pas tenté, parfois, de modeler la société à leur image ? Ainsi, le XIe siècle a placé son idéal dans les principes mêmes du monachisme.