Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
V

vénalité des offices, (suite)

La vente des charges de finances apparaît à la fin du XVe siècle, sous le règne de Louis XII. François Ier généralise cette pratique, et vend même des offices de justice. Le prétendant à une charge doit avoir la capacité requise par cette fonction et doit être reçu par la compagnie des officiers en place. Aussi est-il soumis à des épreuves de droit, par exemple pour pouvoir devenir conseiller au parlement. Dans le cas de la vénalité publique, le roi cède un office par une « lettre de provision ». En contrepartie, le Trésor reçoit un prêt d'argent remboursé par le paiement de gages. À partir de 1522, les sommes sont collectées dans une caisse centrale, dite des « parties casuelles » (c'est-à-dire des recettes contingentes, inopinées). Jusqu'en 1586, la fiction de la concession au mérite est préservée alors qu'en vérité l'officier achète sa charge et perçoit un « salaire » en retour.

Après quelques années d'exercice de sa charge, l'officier peut vouloir se retirer et vendre son office (résigner sa charge) : dans ce cas de vénalité privée, le résignant désigne son successeur - le résignataire - par acte notarié. Il présente alors la pièce au chancelier, qui l'accepte, moyennant versement d'un droit de résignation. La résignation de la charge est légale, à condition que le résignant survive quarante jours après l'expédition des provisions : les éventuelles pressions sur un agonisant sont ainsi évitées, et, surtout, les offices vacants, qui font retour au roi, sont nombreux, car il est courant que le résignant meure avant l'expiration du délai. C'est la raison pour laquelle les officiers en sont venus à réclamer un « droit de survivance », que la monarchie leur accorde au XVIe siècle : en échange du paiement d'une taxe (un tiers de la valeur de la charge en 1568), le résignataire est un membre de la famille du résignant. En 1604, l'édit de la Paulette - du nom de Charles Paulet, qui l'a proposé - consacre la patrimonialité de l'office puisqu'il supprime le verrou de la clause des quarante jours.

La vénalité de l'office a été dénoncée comme une aliénation de la souveraineté, un détournement des richesses du royaume et un « foulement » des peuples. Cependant, le trafic des charges a permis la formation d'une administration publique à moindre frais et la rentrée de ressources immédiates, bien que les gages aient lourdement accru la dette à moyen terme. Enfin, la possibilité d'acquérir un office a assuré une relative mobilité sociale, quoiqu'une véritable aristocratie de l'office se soit constituée dès le XVIe siècle.

Vendée (guerre de).

L'expression « guerre de Vendée » désigne l'épisode de guerre civile qui a le plus marqué la Révolution française, par son écho national, par sa durée (1793-1796), par son ampleur et, enfin, par ses conséquences.

Seule résistance à la Révolution ayant reçu l'appellation de « guerre », à la différence de la chouannerie (qui dure aussi longtemps) et des innombrables conflits meurtriers qui se déroulent dans la vallée du Rhône, de 1790 à 1815, la « Vendée » est plus qu'une simple insurrection : dès 1793, elle a été érigée en symbole, par les révolutionnaires qui conduisent sur place une guerre politique inappropriée, puis en illustration du refus populaire de la Révolution par les opposants. Le caractère tragique des événements qui s'y déroulèrent explique la renommée de la région.

La naissance de la « Vendée »

Le mot « Vendée » doit sa fortune à une bataille perdue par des troupes républicaines face à une forte bande d'insurgés, le 19 mars 1793, au centre du département de la Vendée, près de Saint-Vincent-Sterlanges. Alors que les principaux épicentres de l'insurrection se trouvent dans le sud de la Loire-Inférieure [aujourd'hui Loire-Atlantique], autour de Machecoul, ou dans le sud du Maine-et-Loire, près de Saint-Florent-le-Vieil, ce choc militaire, qui provoque un étonnement considérable dans toute la région, détermine le choix de la dénomination « Vendée » à la Convention.

Celle-ci a été alertée par les nombreuses insurrections qui se sont produites à la suite du décret sur la « levée des 300 000 hommes » (février 1793), destiné à renforcer les troupes combattant aux frontières par l'apport de jeunes gens, tirés au sort ou désignés par leurs communautés. En effet, des mouvements de résistance se sont fait jour dans de nombreuses régions françaises déjà réfractaires aux mesures révolutionnaires, notamment en Bretagne et en Alsace. Les conventionnels, sous l'impulsion de la Montagne, se lancent alors dans une répression dont la clé est la loi du 19 mars 1793 instituant la peine de mort pour tous les insurgés. Mais, alors que les autres soulèvements - y compris celui qui a, dès le 15 mars, abouti au siège de Nantes - sont matés par les troupes républicaines, celles-ci essuient une défaite dans le département de Vendée. Cet échec, qui surprend, est interprété comme l'effet d'une conspiration mêlant les contre-révolutionnaires anglais et belges aux ruraux de l'Ouest.

La « guerre de Vendée » qualifie indiscutablement un mouvement de masse, composé de nombreuses bandes armées, progressivement regroupées autour de chefs. Ces insurrections de ruraux mécontents de la Révolution pour des raisons religieuses, sociales et économiques prennent la suite de deux années d'oppositions et de conflits. En effet, la question religieuse a bouleversé les consciences, et les zones insurgées ont massivement soutenu les prêtres réfractaires, au point que quelques-uns d'entre eux sont restés sur place clandestinement, assurant des messes « illégales » dans les bois ou dans les granges. Les rivalités entre ruraux et élites urbaines à propos de l'achat de biens nationaux ont été vives, tournant le plus souvent au détriment des premiers. La suspicion des révolutionnaires à leur égard a achevé de les détourner de la Révolution, les amenant à rejoindre les nobles de l'Ouest, dont une partie était entrée de bonne heure dans la lutte contre-révolutionnaire autour de La Rouërie. Des heurts armés, entraînant mort d'hommes, ont eu lieu depuis 1791 et surtout en 1792. L'insurrection de 1793 n'est donc pas une surprise : les révolutionnaires locaux dénonçaient les risques de guerre civile depuis plusieurs années ; son succès crée cependant une situation nouvelle, au moment où les montagnards et les sans-culottes entament une lutte mortelle contre les girondins et s'entraînent mutuellement dans une surenchère politique. Enfin, quelques massacres de révolutionnaires (environ 150 personnes à Machecoul) reçoivent une publicité importante et immédiate, jetant l'opprobre sur la révolte, vue comme particulièrement sanguinaire. Dès avril 1793, le Comité de salut public naissant se fait apporter les nouvelles de la « Vendée » tous les jours, à midi.