Corse, (suite)
Le poids des facteurs économiques.
• L'histoire économique de l'île fournit nombre de clés pour la compréhension de cette évolution. La royauté, soucieuse avant tout de rentrées fiscales, a entamé le processus de désagrégation de l'ancienne économie agro-pastorale, fondée sur le libre parcours des troupeaux et sur l'exploitation des communaux. La nette reprise, perceptible au début du XIXe siècle (céréales, vigne, olivier, châtaignier, savonnerie, métallurgie, tannerie...), n'a pas résisté aux mutations, et l'économie insulaire s'est effondrée entre 1880 et 1914. C'est seulement après 1950 qu'un renouveau s'amorce, grâce à l'intervention de l'État et aux investissements des banques. Mais il privilégie dangereusement deux axes : la monoculture viticole, dans la plaine orientale, et l'exploitation touristique du littoral, sans que les Corses soient toujours les bénéficiaires des mesures prises.
Aux victimes de l'évolution économique, la solidarité clanique a offert une voie de recours, sur place - avec les conséquences politiques que l'on connaît -, ou dans l'émigration. En effet, l'expatriation a privé l'île d'une partie considérable de sa population : de 120 000 habitants vers 1790 et 295 000 en 1901, celle-ci tombe à 165 000 en 1951 pour remonter à 250 000 de nos jours. La chute est enrayée, mais c'est notamment grâce à une forte immigration aux origines variées, qui compose à présent un tiers de la population. En outre, ces chiffres ne traduisent pas la désertification de l'intérieur, ni le vieillissement global.
La recherche de solutions à la crise.
• Le souvenir d'un passé rural idéalisé, la prise de conscience des origines de la crise insulaire et des menaces qui pèsent sur l'avenir du peuple corse et de sa culture, ont poussé certains Corses à agir. Quelques-uns ont entamé un long combat culturel, qui a abouti au rétablissement de l'université de Corte en 1981 et à l'enseignement de la langue corse. D'autres se sont bornés à revendiquer une décentralisation multiforme, ou à mettre l'accent sur les aspects économiques (aménagement du territoire, meilleure prise en compte du problème de l'insularité, appel aux capitaux extérieurs). À partir des années soixante-dix, l'action directe est apparue à des organisations tels l'Action pour la renaissance de la corse (ARC), puis l'Union du peuple corse (UPC), le Front de libération nationale de la Corse (FLNC), le Mouvement corse pour l'autodétermination (MCA), A Cuncolta, comme le seul moyen de se faire entendre d'un État lointain, des hommes politiques, des financiers et des spéculateurs. D'aucuns ont prôné l'action politique classique autour de programmes réformateurs, autonomistes voire indépendantistes ; d'autres ont fait le choix de la violence, recours ultime et récurrent dans l'histoire de l'île contre le pouvoir central. L'option d'un rattachement à l'Italie n'a jamais rencontré de succès, et celle de l'indépendance semble très minoritaire.
Au lendemain de l'assassinat du préfet Érignac en 1998, l'île connaît une crise certaine, posant le problème de la garantie de l'État de droit en Corse et malgré le nouveau contrat entre la République et l'île, le malaise persiste.