Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Doctrinaires,

terme désignant les théoriciens et hommes politiques qui, sous la Restauration et la monarchie de Juillet, ont préconisé une application intégrale des dispositions de la Charte constitutionnelle octroyée par Louis XVIII le 4 juin 1814, et révisée par Louis-Philippe dans un sens plus libéral le 9 août 1830.

Leur chef incontesté et leur principal porte-parole est Pierre Paul Royer-Collard, tenant d'une monarchie parlementaire, censitaire et tempérée ; on classe aussi parmi les Doctrinaires des hommes appartenant à la mouvance intellectuelle du libéralisme conservateur, tels Guizot, Barante, Rémusat, du Vergier de Hauranne, Victor de Broglie ; ils publient en 1819 un journal confidentiel, le Courrier, et se réunissent dans le salon de la duchesse de Broglie, fille de la défunte Germaine de Staël.

Adversaires déterminés de l'interprétation restrictive de la Charte défendue par les ultraroyalistes, les Doctrinaires soutiennent jusqu'en 1820 les efforts de Decazes, ministre et favori de Louis XVIII, puis combattent les lois sur le sacrilège (1825) et sur le droit d'aînesse (1826), et appuient le gouvernement Martignac ; c'est Royer-Collard qui présente en 1830 à Charles X l'« adresse des 221 » contre le ministère ultra de Polignac. Les Doctrinaires se rallient ensuite à Louis-Philippe, auprès duquel François Guizot, principal ministre de 1840 à 1848, incarne, jusque dans son évolution conservatrice, la continuité entre la pensée politique des Doctrinaires et l'orléanisme.

Dolet (Étienne),

imprimeur et humaniste (Orléans 1509 - Paris 1546).

À 17 ans, après avoir fait à Paris des humanités classiques, il part étudier à l'université de Padoue, l'un des centres les plus éminents de la réflexion philosophique et philologique. De 1534 à 1536, il se forme auprès de l'un des principaux imprimeurs du siècle, Sébastien Gryphe. Devenu imprimeur à son tour, il publie des textes qui s'inscrivent dans les grandes controverses idéologiques du temps : c'est chez lui que paraissent, de 1538 à 1544, les Psaumes de Marot, la réédition du Gargantua (1542), désavouée aussitôt par Rabelais, le Manuel du chevalier chrétien d'Érasme, les traductions de Platon, Cicéron et Sénèque. Défenseur, contre Érasme, d'un latin classique et cicéronien, Dolet est l'auteur du Dialogus de imitatione ciceroniana (1535) et des Commentarii linguae latinae (1536-1538). Personnage aussi impulsif que tourmenté, difficilement contrôlable par ses amis même, il a mené une existence aux antipodes de la sérénité philologique et érudite. Emprisonné à plusieurs reprises entre 1533 et 1546, il est tour à tour soupçonné d'avoir prononcé des discours peu orthodoxes, inculpé de meurtre, accusé d'avoir publié des livres prohibés. Finalement incarcéré à la demande de l'Inquisition, il est brûlé sur la place Maubert avec ses livres, le 3 août 1546.

Esprit foisonnant auquel il manqua le temps de réaliser ses immenses projets, Dolet est sans doute l'une des figures les plus controversées de la Renaissance française, à la fois défenseur passionné de la tolérance religieuse et provocateur, souvent maladroit, qui s'aliéna ses meilleurs alliés.

dolmen,

chambre funéraire datant de la période néolithique, formée de gros blocs de pierre et, à l'origine, recouverte d'un tertre en pierre ou en terre.

Le terme de dolmen est emprunté au breton et signifie « table de pierre ». En effet, l'érosion a souvent entraîné la disparition du tertre, conférant au dolmen l'aspect d'une table (assimilée à l'époque romantique, sans aucun argument scientifique, à un autel réservé à des sacrifices humains). Typiques de l'architecture mégalithique, les dolmens apparaissent vers la fin du Ve millénaire avant notre ère sur toute la façade atlantique de l'Europe à un moment où - de nombreux signes l'attestent - les sociétés néolithiques européennes connaissent un début de hiérarchisation sociale. C'est pourquoi les dolmens sont considérés à la fois comme des tombeaux monumentaux réservés aux chefs, et comme des manifestations de l'existence d'une communauté attachée à un terroir.

Si les formes de ces monuments ont évolué selon les régions, les dolmens classiques comportent tous un « couloir », qui permet d'accéder à la chambre funéraire à travers la masse du tertre : ils sont en effet destinés à recevoir un groupe de défunts, lesquels étaient introduits au fur et à mesure des décès. Parfois, comme à Barnenez, un même tertre recouvre plusieurs dolmens. Les dolmens bretons ont souvent livré un riche mobilier funéraire (parures, haches d'apparat) et, dans certains cas, des gravures, comme à Gavr'inis ou à Locmariaquer.

domaine carolingien,

unité de propriété et d'exploitation connue par de nombreux documents datant de la fin du VIIIe siècle et du début du IXe, notamment les célèbres polyptyques.

Ces documents révèlent un phénomène majeur et récent : la mise en place, principalement entre Loire et Rhin, du domaine biparti comme mode fondamental d'exploitation de la terre. Aux mains de l'aristocratie ecclésiastique et laïque, ces domaines sont composés d'une réserve, ou terre du maître, qui est exploitée partiellement par des esclaves, mais surtout par des tenanciers, auxquels a été concédé en outre, sous forme de tenures dénommées manses, le reste de l'exploitation, contre redevances en nature, en travail, en argent.

La zone de diffusion la plus dense de la structure du domaine carolingien et de sa documentation correspond aux régions où le pouvoir royal est le plus proche. Il s'agit en effet d'une formule modèle que les Carolingiens ont cherché à diffuser, mais le document n'est qu'une photographie d'une réalité évolutive. Se lisent ainsi une propriété et une occupation du sol fluctuantes, évoluant en général vers une densification de la population sur les meilleurs sols, et une grande mobilité des paysans. Apparaît aussi, par la transformation progressive des redevances en nature en redevances en argent, le signe d'insertion dans une économie d'échanges. Certains historiens sont même allés plus loin : la villa et le manse seraient en réalité des unités d'administration et d'assiette fiscale, dont les documents constitueraient des registres de perception. Une hypothèse médiane consiste à considérer le domaine comme un outil étatique plus que strictement fiscal, mis au service de l'armée (via l'installation de vassaux) et de la politique annonaire, grâce à une rationalisation de sa gestion. La multiplication des paysans tenanciers au détriment de la réserve du maître confirmerait que la tendance générale de l'agriculture carolingienne est bien au développement. Mais le débat rebondit à propos du statut des manses et des tenanciers : les uns et les autres sont dits tantôt « libres », tantôt « serviles », mais terres et hommes n'ont que rarement un statut correspondant. La question rejoint celle, plus générale, du sort des paysans carolingiens sur les domaines : amélioration ou dégradation préfigurant leur situation ultérieure dans la seigneurie banale ? Il semble bien qu'un consensus se soit fait sur la disparition progressive de l'esclavage. Mais qu'advient-il du petit paysan libre, dont le sort n'est connu que lorsqu'il intègre un domaine ? En fait, bien des éléments du fonctionnement de détail comme du sens général de ce type d'exploitation continuent de nous échapper, ce qui explique la vigueur des recherches actuelles.