Ébroïn,
maire du palais de Neustrie ( ? - 680).
On ignore quasiment tout de lui jusqu'en 658, date à laquelle il est choisi par la régente Bathilde pour exercer la fonction de major domus. Les aristocrates neustriens ne sont pas étrangers à ce choix, car ils espèrent trouver en lui un chef conciliant. Mais c'est une tout autre figure qu'impose d'emblée Ébroïn, qui met en place un pouvoir fort et centralisé, profitant de la médiocrité du roi Clotaire III. Il écarte ainsi les aristocraties bourguignonnes du palais neustrien, et combat tous les grands de son regnum qui ont tenté de le contrer, tel l'évêque de Paris Sigebert, qu'il fait exécuter. À la mort du roi, en 673, il se passe de l'assentiment des grands pour lui choisir un successeur en la personne du dernier fils de Bathilde, Thierry III. La révolte des Neustriens et des Bourguignons, soutenus par le roi d'Austrasie Childéric II, ne se fait pas attendre : Ébroïn est relégué à Luxeuil, et Thierry III à Saint-Denis. L'assassinat de Childéric II permet à Ébroïn de recouvrer la liberté en 675. Il fait supprimer le nouveau maire de Thierry III revenu au pouvoir, et reprend sa lutte contre les opposants. Léger, l'évêque d'Autun, chef de file des grands bourguignons, est l'une de ses premières cibles : après avoir fait assiéger sa ville et lui avoir fait crever les yeux, il le traduit devant un synode, et obtient son exécution en 678. Puis il s'attaque à l'Austrasie, et réussit à vaincre son maire Pépin de Herstal, lorsque, objet d'une vengeance privée, il est assassiné par un grand de Neustrie.
école
Il n'est pas abusif d'appliquer à l'école quelques-uns des propos de Paul Valéry sur la liberté : il s'agit d'un de ces mots « desquels la mémoire est barbouillée de théologie, de Morale et de Politique ; mots très bons pour la controverse, la dialectique, l'éloquence », et aussi pour la nostalgie.
La pluralité de sens soulève un ensemble de questions concernant les conditions de l'alphabétisation du peuple et les fondations de l'édifice national, le mélange qui s'y est fait entre l'héritage gréco-latin et les apports du christianisme, puis les développements ultérieurs d'une culture laïque, affranchie peu à peu de la tutelle cléricale, et devenue, à mesure que l'État moderne prenait forme, le premier aimant social, le foyer de la « cité harmonieuse », en somme, la fabrique de la France. « École » a d'abord désigné tout établissement d'enseignement, quel qu'en fût le statut ou le niveau. Cette définition extensive a laissé des traces dans notre langue, puisque, aujourd'hui encore, le terme s'applique à la fois aux établissements élémentaires et à ceux qui font la spécificité de notre enseignement supérieur, les grandes écoles. Il vient du grec scholê, qui signifie « loisir », moment propice aux activités de l'esprit, études ou arts, et du latin schola, lieu d'étude, de lecture, d'exercice intellectuel. Il est notable que le maître d'école ait été longtemps qualifié de magister ludi, « maître de jeu », donc que l'école ait été considérée par les Romains comme un lieu de repos, séparé de la vie et de ses rudes activités. Le Moyen Âge a vu se déployer lentement un savoir qui prétendait englober la « science antique dans la sagesse chrétienne » (Michel Rouche), donc rompre avec l'opposition romaine entre l'otium et le negotium, rendre au travail sa valeur éminente, et ne laisser hors de l'enseignement rien qui parût digne de connaissance.
De l'école antique aux renaissances carolingiennes
Nonobstant la rareté et la dispersion des sources et des travaux sur l'éducation durant le haut Moyen Âge, Henri Irénée Marrou puis son disciple Pierre Riché ont eu le grand mérite de jeter quelque lumière sur les siècles obscurs pendant lesquels l'école antique a été remplacée par l'école chrétienne. Entre elles, il n'y a jamais eu de solution de continuité. Marrou a montré comment les chrétiens ont accepté l'école classique, et y ont envoyé leurs enfants. Pour lui, l'école ecclésiastique de type épiscopal ou presbytéral est née des « malheurs du temps », en lieu et place de l'école antique disparue. Pierre Riché voit plutôt dans ses progrès les signes d'une « réaction contre l'enseignement donné par les maîtres traditionnels », d'une « concurrence entre deux types d'écoles » - l'ancienne, vouée à la transmission d'une culture élitiste, qui ouvrait à une minorité l'accès à l'administration, et la nouvelle, destinée à faire connaître la Bible au plus grand nombre.
Le portrait du Petit Lavisse qui érigeait Charlemagne en précurseur des pédagogues républicains, prodigue d'encouragements pour les enfants pauvres et travailleurs comme de sévérités pour les enfants riches et paresseux, a connu dans notre imagerie scolaire une longue fortune. La renaissance carolingienne n'est plus aujourd'hui dissociée du faisceau des signes qui attestent en Occident, aux VIIIe et IXe siècles, un renouveau des études. Renaissance, ou restauration ? Le retour partiel, imparfait, au programme et aux procédés antiques d'enseignement indique l'orientation et les limites de ce réveil. Mû par le sentiment chrétien de ses devoirs de souverain, et par le souci de faire de la religion le lien moral unissant ses États, Charlemagne a attaché d'autant plus d'importance à l'instruction que ses ordres rencontraient d'innombrables obstacles. Son règne a vu fleurir, note Pierre Riché, plus d'ateliers de scribes que d'écoles, en dehors de celles de Metz, Lyon, Orléans, où vint se fixer Théodulf, et Tours, où enseignait Alcuin. Cette renaissance, continuée, amplifiée même par ses successeurs - c'est au IXe siècle qu'ont été recopiés, irremplaçable relais dans la transmission des textes anciens, la plupart des huit mille manuscrits carolingiens conservés de nos jours -, n'a concerné qu'un petit nombre d'hommes.
Écoles monastiques, écoles urbaines, progrès et contrastes médiévaux
Dans l'Enfant et la Vie familiale sous l'Ancien Régime (1960), Philippe Ariès affirme que la civilisation médiévale « n'avait pas l'idée de l'éducation ». Longtemps, on l'a cru sur parole. Mais le bel ouvrage de Pierre Riché et Danièle Alexandre-Bidon, l'Enfance au Moyen Âge (1994), permet d'en finir avec ces vues périmées. L'entrée dans la pueritia marquait pour l'enfant - maintenu jusqu'à 7 ans dans le cercle de la famille, comme le voulait Aristote - le moment où il pouvait commencer à apprendre ses lettres et ses prières, sous la conduite d'un précepteur, ou dans une école monastique. Quelque perturbation que l'arrivée d'enfants pût causer dans la vie religieuse des monastères, les abbés recevaient, pour les instruire, de l'argent ou des terres, en vertu d'un contrat où était précisée la durée de leur séjour. Moines et moniales ont longtemps été considérés comme les plus qualifiés pour assurer à l'enfant, garçon ou fille, outre le gîte et le couvert, l'apprentissage des rudiments, la formation religieuse, donc le salut personnel et familial. Les règles et leurs commentaires nous apprennent maint détail sur la vie de ces petits moines, où alternaient les classes et les offices, mais aussi les jeux et les bains, qu'ils jugeaient trop rares, ainsi que des repas qui les préparaient tôt à l'ascétisme. Une éducation austère, assurément, mais dont la dureté - étudier revenait souvent à « tendre la main à la férule » - n'était pas propre aux écoles monastiques. Quelques grandes abbayes ont joui d'une notoriété particulière : celle de Saint-Denis, où les souverains envoyaient leurs fils ; celle du Bec, en Normandie ; ou celle de Cluny, fondée en 909 et vite devenue un foyer de culture autant qu'un centre religieux.