Vendée (guerre de). (suite)
La « région Vendée »
Aux insurgés, dont les mots d'ordre réclament surtout un retour à la situation de 1789, plus qu'à une monarchie aristocratique, les révolutionnaires refusent toute concession. Ils font marcher sur la région des troupes venues de tout le pays pour écraser ce qui apparaît à leurs yeux comme un abcès contre-révolutionnaire. Le résultat sera inverse aux espérances : ces troupes composites, mal équipées, recrutées parfois parmi des militants sans aucune expérience, venus pour de mauvaises raisons, sont rapidement défaites par les armées dites « catholiques et royales » qui se sont constituées sur place autour de nobles locaux connus pour leurs sentiments antirévolutionnaires (d'Elbée, Bonchamps, La Rochejaquelein ou Charette), ou de meneurs repérés pour leur efficacité les années précédentes (Cathelineau ou Stofflet).
Les insurgés se trouvent aux prises avec des divisions internes, qui ne les empêchent cependant pas de tenir tête aux troupes lancées contre eux au printemps 1793. Ils trouvent même dans le combat des occasions de se renforcer, d'abord parce que des recrues étrangères viennent « en Vendée » pour passer à la Contre-Révolution, et former les noyaux de groupes de soldats permanents et expérimentés qui se trouveront au cœur des armées insurgées ; ensuite et surtout parce que les vendéens peuvent s'emparer des canons, des armes et de la poudre que leurs adversaires abandonnent dans leurs défaites. À la fin du printemps, les armées catholiques et royales sont puissantes de quelques milliers d'hommes, auxquels s'ajoutent les milliers de combattants rameutés au son du tocsin pour des opérations ponctuelles. Nombre d'enfants et quelques femmes participent directement aux combats, tandis que les autres soutiennent la révolte, soignent les blessés et tiennent les fermes pendant l'absence des hommes. Cet élan explique les victoires successives sur plusieurs villes : Fontenay-le-Comte, Thouars, Saumur, Angers.
Mais ces armées aux effectifs fluctuants souffrent de plusieurs faiblesses. Elles ne peuvent pas occuper les villes conquises et leurs gains militaires sont éphémères. Surtout, les troupes demeurent divisées, autour de généraux aux personnalités contrastées. D'où l'échec des vendéens devant Nantes, à la fin juin 1793, qui empêche les Anglais d'apporter leur aide et laisse aux révolutionnaires le contrôle de la Loire et de la principale ville de l'Ouest. Le sort de la Révolution s'est joué à cette occasion.
Les combats deviennent de plus en plus âpres au cours de l'été 1793. La région, tenue par des insurgés toujours divisés en groupes plus ou moins rivaux, est unifiée sous la houlette politique et religieuse d'un Conseil supérieur installé dans la petite ville de Châtillon-sur-Sèvre, et qui essaie de revenir à l'ordre catholique et royaliste d'avant 1789. Le ravitaillement, le stockage des armes, l'emprisonnement des soldats vaincus, sont organisés. Cependant, les insurgés marquent le pas devant Luçon et ne peuvent étendre leur zone d'influence, alors que les révolutionnaires dépêchent des troupes très nombreuses, dont certaines particulièrement aguerries. Avec les régions secouées par les insurrections « fédéralistes » (Lyon, puis Toulon, Bordeaux ou la Normandie), la Vendée fait partie de cette ceinture contre-révolutionnaire dont l'écrasement semble indispensable. Dès le 1er août, dans un discours célèbre qui unit la Vendée à toute la constellation contre-révolutionnaire en France et en Europe, le conventionnel Barère appelle à la destruction des « brigands de la Vendée », recommandant toutefois de protéger les femmes, les enfants et les vieillards - il y joindra les « hommes sans armes », en octobre. Mais la guerre sur le terrain devient impitoyable, tandis que les généraux révolutionnaires mènent entre eux une guerre politique inexpiable, s'envoyant mutuellement à la guillotine.
À partir de septembre 1793, l'initiative passe du côté des républicains. Leur première offensive échoue, du fait des rivalités entre les commandants montagnards (Canclaux) et sans-culottes (autour de Rossignol et Ronsin) : les armées sans-culottes rétrogradent, laissant les autres se faire battre par les vendéens. Mais, un mois plus tard, les sans-culottes ayant obtenu le contrôle des armées de l'Ouest pendant cette première Terreur provinciale dirigée en partie contre Paris, la manœuvre réussit et l'essentiel des armées vendéennes est écrasé à la bataille de Cholet, le 17 octobre. Ses principaux chefs, d'Elbée, Bonchamps, Lescure, sont hors de combat. Aussi, tandis que Charette continue la lutte dans l'Ouest et tient Noirmoutier, plusieurs dizaines de milliers de vendéens - soldats mais aussi femmes et enfants - franchissent la Loire et cherchent à rejoindre les Anglais (épisode qui recevra le nom de « virée de Galerne »). Ils traversent la Bretagne jusqu'à Saint-Malo, puis vont assiéger Granville, après avoir repoussé lors de batailles très sanglantes les troupes envoyées à leur poursuite. Ayant échoué, ils reviennent vers la Vendée et, acculés à combattre, se font décimer dans des batailles terribles, dont l'une, particulièrement longue et dévastatrice, a lieu au Mans. Une partie d'entre eux réussit cependant à franchir la Loire ; d'autres, telle la future marquise de La Rochejaquelein, se cachent dans les fermes ; plusieurs milliers enfin sont défaits militairement près de Nantes, dans la ville de Savenay, en décembre 1793. Ils auront terrorisé entre-temps toute la région et la France, personne ne comprenant comment les vaincus ont pu sillonner tout l'Ouest pendant deux mois - et même susciter la naissance de la chouannerie.
La répression
Alors que la première Terreur est à son apogée, que sont appliquées les revendications les plus extrémistes des sans-culottes et des montagnards, la répression est confiée au représentant en mission Carrier, qui s'établit à Nantes en octobre 1793. Ce dernier traque les contre-révolutionnaires et les modérés - il envoie 132 notables nantais à Paris pour les faire juger - et met en place un ensemble d'organismes répressifs qui se livrent à des actes d'une grande brutalité. Les prisons, où sont enfermés des milliers de vendéens, sont vidées par des fusillades et par des noyades, dont sont victimes des prêtres, des femmes et des enfants. Plusieurs milliers de personnes meurent dans ces conditions, tandis que les campagnes proches de Nantes sont soumises à une répression très violente. À Angers, d'autres représentants en mission organisent la répression selon les mêmes principes mais avec moins d'excès ; pourtant, en janvier 1794, une commission militaire détournée de ses objectifs politiques par un groupe d'hommes qui agissent sous couvert de mots d'ordre idéologiques y fait fusiller près de 2 000 femmes. Les conflits entre les différents groupes révolutionnaires atténuent cependant cette répression, et Carrier, dénoncé à la Convention pour ses pratiques, est rappelé dès février.