Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Tribunal révolutionnaire,

tribunal d'exception qui siège à Paris de mars 1793 à mai 1795.

Cette juridiction a un précédent : le « Tribunal du 17 août », créé sous la pression de la Commune de Paris par l'Assemblée législative pour juger les « crimes » commis par les défenseurs du roi le 10 août 1792, lors de l'invasion des Tuileries. Cette première juridiction révolutionnaire est supprimée le 29 novembre 1792. Mais, devant la montée des périls extérieurs et intérieurs, les tribunaux ordinaires paraissent inaptes à juger les « ennemis de la Révolution ». Par les décrets des 9 et 10 mars 1793, la Convention décide d'établir à Paris un tribunal jugeant « sans appel et sans recours les conspirateurs et les contre-révolutionnaires ». Il est composé d'un président, de cinq juges, de douze jurés, d'un accusateur public et de deux substituts, nommés par l'Assemblée. Le rôle de l'accusateur public - essentiel - est confié à Fouquier-Tinville, ancien membre du « Tribunal du 17 août ». Toutefois, jusqu'à l'été 1793, le Tribunal révolutionnaire examine peu d'affaires et prononce plus d'acquittements que de condamnations.

Un instrument de la Terreur.

• La crise fédéraliste, la guerre civile en Vendée et les défaites militaires conduisent à des modifications du Tribunal : le nombre des juges est porté à dix, celui des jurés à trente, et le personnel est épuré. Les journées des 4 et 5 septembre 1793, au cours desquelles les sans-culottes obtiennent la mise à l'ordre du jour de la Terreur, entraînent une nouvelle organisation : divisé en quatre sections, le Tribunal comprend dorénavant, outre le président, l'accusateur public et cinq substituts, seize juges et soixante jurés. C'est ce Tribunal, dénommé « révolutionnaire » le 30 octobre, qui condamne la reine Marie-Antoinette, les girondins et les feuillants à l'automne 1793. Il est autorisé, lors du procès des girondins, à réduire à trois jours la durée des débats.

La lutte des « factions » et la condamnation des hébertistes et des dantonistes, la suppression des tribunaux révolutionnaires provinciaux, les attentats d'Admirat (contre Collot d'Herbois) et de Cécile Renault (contre Robespierre) sont pour beaucoup dans le vote de la loi du 22 prairial an II (10 juin 1794). Adoptée après un débat houleux, au cours duquel Couthon déclare que « le délai pour punir les ennemis de la patrie ne doit être que le temps de les reconnaître », cette loi modifie encore le fonctionnement du Tribunal révolutionnaire : il ne compte plus que le président, l'accusateur public, quatre substituts, douze juges et cinquante jurés. L'unique peine prévue est désormais la mort ; les « défenseurs officieux » sont supprimés et les « preuves morales » introduites ; enfin, « la règle des jugements » se trouve dans « la conscience des jurés ». Ainsi commence ce qu'on a appelé la « Grande Terreur », marquée par les exécutions en masse de détenus dont on redoute un « complot ». On connaît le mot de Fouquier : « Les têtes tombaient comme des ardoises. » En effet, le Tribunal révolutionnaire prononce 1 251 condamnations à mort, de mars 1793 au 13 juin 1794 (25 prairial an II), c'est-à-dire en un an et quelque trois mois, et il en prononce 1 376 en un peu plus d'un mois, du 25 prairial au 12 thermidor an II (30 juillet 1794), la centaine de robespierristes guillotinés étant comprise dans ce chiffre.

Un outil de la réaction thermidorienne.

• La loi du 22 prairial est abolie le 14 thermidor (1er août 1794), Fouquier-Tinville arrêté, et le Tribunal révolutionnaire suspendu ; il siège de nouveau à partir du 23 thermidor (10 août), avec un personnel réduit (trente jurés) et renouvelé. En effet, les thermidoriens n'entendent pas se priver de cette juridiction d'exception. Mais les coupables visés ne sont plus les mêmes : aux « contre-révolutionnaires » succèdent les « buveurs de sang ». Ainsi, d'anciens membres du comité révolutionnaire de Nantes et Carrier sont condamnés, et exécutés le 26 frimaire an III (16 décembre 1794). Après une ultime réorganisation le 8 nivôse an III (28 décembre 1794), le Tribunal révolutionnaire condamne à mort Fouquier-Tinville et d'anciens jurés de l'an II, le 17 floréal an III (6 mai 1795). Finalement, cette juridiction est supprimée par un décret de la Convention du 12 prairial an III (31 mai 1795). Mais, entre-temps, est intervenue l'insurrection populaire du 1er prairial (20 mai) : des sans-culottes parisiens ont envahi la Convention en réclamant du pain et l'application de la Constitution de 1793, et ont assassiné le député Féraud. Afin de juger les « coupables » (y compris six députés), la Convention crée une commission militaire. Ainsi, à la justice révolutionnaire succède la justice militaire, promise à un avenir durable en matière de répression politique.

Tribunat,

assemblée consultative en matière législative, instituée par la Constitution de l'an VIII (décembre 1799).

Elle siège au Palais Royal et est composée de cents « tribuns », âgés d'au moins 25 ans, élus pour cinq ans et renouvelables par cinquième tous les ans. Comme ceux du Corps législatif, les membres du Tribunat sont choisis par le Sénat sur la « liste nationale » (liste de notabilités). Leur fonction essentielle est de discuter les projets de lois qui leur sont soumis par le gouvernement (le Consulat), après avis du Conseil d'État, et d'émettre un simple vœu - l'adoption ou le rejet du projet - à l'intention du Corps législatif. En cas de vœu négatif, trois tribuns débattent contradictoirement avec trois conseillers d'État devant le Corps législatif, qui, lui-même, se prononce par un vote final sans pouvoir prendre part à la discussion. Les velléités frondeuses du Tribunat, qui le font passer pour un foyer d'opposition, sont contrecarrées par Bonaparte : en ventôse an X (mars 1802), les tribuns les plus hostiles sont évincés à l'occasion d'un renouvellement par cinquième ; le 11 germinal suivant (1er avril), l'assemblée est divisée en trois sections (législation, intérieur et finances) devant délibérer séparément ; enfin, le sénatus-consulte du 16 thermidor an X (4 août 1802), nouvelle Constitution établissant le Consulat à vie, prévoit la possibilité de dissolution du Tribunat par le Sénat et la réduction du nombre des tribuns de 100 à 50. Dès lors, le Tribunat n'émet plus que de très rares vœux négatifs, et, le 3 floréal an XII (23 avril 1804), malgré les protestations isolées de Carnot, il approuve la motion présentée par le tribun Curée tendant à l'établissement de l'Empire héréditaire. Devenu inutile, le Tribunat est supprimé par le sénatus-consulte du 19 août 1807.