Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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révolution industrielle, (suite)

Des évolutions majeures dans le domaine des techniques.

• Les conditions de la production industrielle ont été modifiées par des innovations technologiques dans des secteurs industriels porteurs. L'Angleterre demeure la matrice de ces progrès : dans le textile, invention par John Kay de la navette volante en 1733, qui permet de tisser des pièces d'étoffe de grande largeur ; mise au point, entre 1765 et 1779, de la mule jenny, nouvelle technique de filage répondant à l'augmentation de la demande ; fabrication, en 1785, par Cartwright, du premier tissage mécanique. Mais ces techniques ne pénètrent que lentement dans quelques centres textiles français, comme les usines Pouyer-Quertier, en Normandie, sous la monarchie de Juillet. La métallurgie progresse elle aussi grâce au puddlage, dont le brevet est déposé en Angleterre, en 1784 : permettant, par brassage, d'éliminer les impuretés de la fonte au coke, ce procédé est expérimenté au Creusot dès 1785. De continuelles améliorations, tel le convertisseur Bessemer (1855), marquent ensuite l'histoire de la sidérurgie. La machine à vapeur, perfectionnée par James Watt entre 1769 et 1781, fournit, quant à elle, l'énergie nécessaire à l'exploitation des mines de charbon et de fer, à la mécanisation de certaines usines textiles ou forges, puis au fonctionnement des chemins de fer à partir de 1831. Adaptées progressivement et ponctuellement en France, ces techniques impliquent une mutation qualitative fondamentale entre 1760 et 1870, avec la rationalisation des processus de production et l'apprentissage de la discipline du travail collectif ; mais elles n'induisent nullement une « révolution » : elles comptent seulement parmi les préalables d'une évolution industrielle tandis que les progrès techniques du XIXe siècle font souvent appel au savoir-faire artisanal.

Les autres préalables d'une hypothétique révolution industrielle.

• Les travaux menés sur le cas anglais ont conduit les historiens à définir les préalables de la révolution industrielle : à la révolution technologique s'ajouteraient l'accumulation antérieure de capital, la révolution démographique, la révolution agricole. En réalité, les débuts de l'industrialisation ont nécessité peu de capitaux tandis que l'industrialisation de la seconde moitié du XIXe siècle en demande bien davantage ; les relations entre démographie et industrialisation sont indirectes, le surpeuplement des campagnes ayant induit une pluriactivité sans fournir aux entrepreneurs tous les ouvriers qualifiés dont ils avaient besoin ; les grands progrès agricoles n'ont pas précédé mais suivi ceux de la première industrialisation. En définitive, il n'est pas pertinent de lire l'histoire de l'industrialisation de la France à l'aune du modèle anglais car il existe une voie d'industrialisation à la française.

« Un développement sans révolution » (Denis Woronoff).

• Les indicateurs macro-économiques indiquent que l'évolution quantitative a été progressive, en accélération constante, du début du XVIIIe siècle à nos jours : les changements se sont produits sans take off (décollage), ce qui rend peu opératoire le concept de « révolution industrielle ». Le taux de croissance de 1815 à 1914 est modéré, entre 1,8 % et 2,6 % par an, avec toutefois une décélération après 1860. Néanmoins, l'approche quantitative globale convient mal à la perception des transformations (Patrick Verley). Certains secteurs comme le coton connaissent une incontestable modernisation et une croissance soutenue jusqu'à la fin des années 1850, à l'abri cependant d'une législation protectionniste qui souligne le rôle de l'État dans le développement industriel. Quelques régions comme le nord de la France offrent des paysages caractéristiques de la « révolution industrielle » à l'anglaise, même si, en 1850, « le charbon n'a pas encore gagné la partie » (Claude Fohlen) : il est vrai que l'amélioration des turbines hydrauliques permet à de nombreuses unités de production d'échapper au coûteux achat d'une machine à vapeur et de profiter de l'énergie des cours d'eau, animant ainsi de nombreuses vallées industrielles. Du reste, l'accroissement de la productivité, de 1,2 % à 1,6 % par an entre 1835 et 1874, s'explique autant par une augmentation des effectifs ouvriers que par des investissements de capitaux dans de nouvelles formes de production.

De grandes entreprises minoritaires.

• Rares sont en définitive les entreprises correspondant, dans la France du XIXe siècle, à la définition que Pierre Léon donne de la grande industrie (« entreprises concentrant plusieurs catégories de travailleurs spécialisés, utilisant des machines et des techniques nouvelles et des capitaux importants »). Elles sont minoritaires face aux petites unités, notamment aux ateliers de la proto-industrie qui sont insérés dans une économie de marché mais font appel à une main-d'œuvre rurale et pluriactive. Ces petites entreprises ont souvent constitué un premier pas vers l'industrialisation, et leur modeste vitalité suffit à rappeler que la notion de « révolution industrielle » est à utiliser avec précaution.

révolution de 1848.

Cette révolution, déclenchée par les journées insurrectionnelles des 22, 23 et 24 février 1848, a été, aux yeux de ses contemporains, une surprise car, à la différence de la révolution de juillet 1830, elle n'a pas été précédée d'une crise politique aiguë.

Pourtant, le recul du temps permet de mieux la situer dans un processus logique. Débouchant sur un vide politique, elle n'a pas été suivie d'un retour à la normale dans l'immédiat : le climat d'effervescence, sur fond de crise sociale, a perduré plusieurs mois, culminant lors des journées de juin, durement réprimées. Le processus révolutionnaire est alors stoppé net, mais, en se coupant de ses bases populaires, le nouveau régime républicain se trouve profondément fragilisé.

Un événement imprévu mais explicable.

• Depuis l'avènement du ministère Guizot (1840), la monarchie de Juillet paraît avoir trouvé la stabilité. Mais elle ne résiste pas à une nouvelle crise à la fois économique, morale et politique.