Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Mazarin (Giulio Mazarini, dit en français Jules), (suite)

Le 26 octobre 1630, les troupes françaises allaient affronter les Espagnols : Mazarin survint, « agitant une écharpe blanche, ou un chapeau, ou un crucifix, ou le texte de la trêve et criant : Pace, Pace » (Pierre Goubert). Alors que l'affaire de Mantoue occupait tous les souverains et les négociateurs européens réunis à Ratisbonne, l'envoyé pontifical réussit à obtenir sur place une trêve inattendue. La succession de Mantoue se régla peu de temps après, sans drame majeur. Elle avait fait connaître Mazarin à toute l'Europe.

Les incertitudes d'un prélat romain.

• Après l'éclatant succès se posa la question de la future carrière de Mazarin. L'élégant cavalier dut se résigner à se faire tonsurer (1632), mais il ne voulut pas être prêtre. Les Espagnols, considérant que l'Italien les avait joués au profit de la France, ne voulurent pas que des récompenses vinssent reconnaître cette action diplomatique : Mazarin ne put obtenir la nonciature ordinaire en France - qu'il espérait et qui lui aurait donné le chapeau de cardinal. En 1634, il fut néanmoins chargé d'une nonciature extraordinaire à Paris. Mais la guerre qui éclata entre la France et l'Espagne en 1635 l'obligea à gagner Avignon comme vice-légat. Richelieu s'intéressait toujours à lui et demanda - sans succès - le chapeau pour lui lorsque mourut le Père Joseph. En décembre 1639, Mazarin quitta Rome et vint se mettre au service de Louis XIII et de Richelieu. Il semble avoir acquis des lettres de naturalisation qui faisaient de lui un Français. Le 16 décembre 1641, il obtint le chapeau de cardinal. Sur son lit de mort, Richelieu le recommanda à Louis XIII et, en 1643, après la mort du roi, Mazarin demeura Premier ministre.

La confiance d'Anne d'Autriche.

• En effet, la régente Anne d'Autriche le garda auprès d'elle. Mazarin avait été aussi désigné par Louis XIII comme parrain de Louis XIV, ce qui le rapprochait de la famille royale, et, en 1646, il fut chargé de l'éducation du jeune roi. Les contemporains et les historiens se sont interrogés sur la nature des relations entre la reine et l'habile cardinal. Ce qui est certain, c'est qu'une affection solide porta la reine espagnole vers le cardinal italien, qui avait toujours été un séducteur et qui parlait le castillan. L'accord entre eux fut presque total, et Mazarin n'aurait rien pu faire, en France ou sur la scène internationale, s'il n'avait pas disposé de l'appui de la régente.

L'héritier politique de Richelieu.

• À l'intérieur du royaume, Mazarin s'efforça d'affirmer toujours et partout l'autorité du roi. Dès le début de la régence, il dut affronter avec Anne d'Autriche des résistances et des oppositions. En venant à bout, en 1643, de la « cabale des Importants », qui tentaient de l'évincer du pouvoir, le souple ministre montra qu'il était aussi capable de fermeté.

À l'extérieur, Mazarin mena la guerre face à ces grandes puissances qu'étaient l'Espagne et l'Autriche, et prolongea les choix de Richelieu. Après l'avantage pris à Rocroi sur les Espagnols, la victoire militaire était à envisager. Mazarin soutint tous les sujets du roi d'Espagne qui cherchaient à s'émanciper : la Hollande, dont l'indépendance était acquise depuis longtemps ; Naples, dont le soulèvement ne fut qu'un feu de paille ; le Portugal, qui s'était révolté en 1640 et s'était donné un nouveau roi ; la Catalogne, où la France ne maintenait sa présence qu'avec difficulté.

Parallèlement, des négociations s'ouvraient en 1644 à Münster et à Osnabrück, en Westphalie. Mazarin en était le chef d'orchestre, s'appuyant sur un collaborateur remarquable, Abel Servien. La France se voulait loyale à l'égard de la Suède et favorisa une collaboration stratégique qui força l'Empereur à la paix. À Lens, le 20 août 1648, les Espagnols étaient en outre sévèrement battus par les armées de Condé. Ces victoires de 1648 précipitèrent les événements. Le 24 octobre 1648, les traités de Westphalie furent signés. La France, alliée des puissances et des princes protestants, était garante de l'équilibre religieux et politique qui s'établissait dans l'Empire et qui n'anéantissait pas le camp catholique. Elle obtenait les droits et les territoires de la maison d'Autriche en Alsace.

La Fronde.

• Alors que ses vues triomphaient en Europe, Mazarin se voyait harcelé de critiques en France. Il avait acquis de Richelieu l'idée que la France et les Français pouvaient assumer en Europe une politique de grande puissance. Il n'était pas pressé de finir la guerre - qui s'acheminait vers une victoire dont il souhaitait cueillir tous les fruits. S'appuyant sur un système financier complexe, il avait le sentiment que les Français pouvaient payer, même si les impôts nouveaux suscitaient des résistances. Mais le parlement de Paris et les autres cours souveraines se firent l'interprète du mécontentement et de la lassitude générale. Obligé de céder au printemps de 1648, Mazarin profita des succès militaires et diplomatiques de l'été pour tenter un coup d'éclat, mais il ne réussit qu'à mobiliser ses opposants et à provoquer l'insurrection parisienne d'août. Il fut contraint de reculer et de conseiller la négociation.

Il devint vite la cible de toutes les attaques et de toutes les calomnies, et des milliers de textes - les mazarinades -, s'en prirent à lui, critiquant sa façon de gouverner, la faveur que lui accordait la reine, son enrichissement rapide, son goût du faste. Mazarin devenait un bouc émissaire et focalisait sur lui tous les reproches que les sujets exprimaient à l'égard d'une monarchie qui s'était renforcée depuis la fin des guerres de Religion et son entrée dans la guerre européenne en 1635.

Devant cette agitation générale, Mazarin apprit à connaître ses adversaires et sut les opposer les uns aux autres. Il mêla en permanence la discussion et le combat, et, pour restaurer l'autorité du jeune monarque dans le royaume, il sut préparer des campagnes militaires très difficiles. À deux reprises, en 1651 et en 1652, il feignit de quitter la scène et s'exila volontairement : cette soumission à la volonté de ses ennemis permit de les désarmer et de les vaincre à la fin.