Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
D

dévot (parti), (suite)

Le contexte international va pourtant mettre au jour des divergences. En effet, Richelieu comprend que la victoire des Habsbourg dans la guerre de Trente Ans déséquilibrerait le jeu européen. Il se rapproche donc des puissances protestantes (Danemark, Suède), qu'il finance, au nom de la « raison d'État ». Les « bons Français », catholiques mais patriotes, s'opposent aux dévots, qui rêvent d'une union des princes catholiques et placent la religion au-dessus de l'État. Le divorce entre Richelieu et le parti pro-espagnol culmine, en novembre 1630, avec la journée des Dupes : Marillac et Marie de Médicis, tout près d'obtenir de Louis XIII le renvoi du cardinal, en sortent vaincus.

La disgrâce de Marillac ne marque pas la fin du parti dévot, pourtant affaibli par la mort de Bérulle, en 1629. Son disciple Saint-Cyran poursuit le combat. Le jésuite Caussin, auteur en vogue de la Cour sainte (1635), paie par l'exil son hostilité à l'entrée en guerre contre l'Espagne. Mais la querelle janséniste brise l'unité des dévots. Leur poids politique décline ; cependant, leur influence sociale est relayée par les associations vouées à la « reconquête des âmes » : en 1629 est fondée la Compagnie du Très-Saint-Sacrement de l'Autel, et, en 1630, la congrégation des Messieurs, liée aux jésuites parisiens. Peuvent encore y cohabiter partisans du cardinal et amis de Marillac.

diable.

L'histoire du diable se confond avec celle des institutions ecclésiastique et politique affirmant une orthodoxie par le rejet des « déviants » qui sont assignés à la puissance du Malin.

C'est pourquoi l'usage de la figure du diable est à son apogée durant la genèse de l'État moderne, depuis le Moyen Âge tardif jusqu'au premier XVIIe siècle.

Dans l'Ancien Testament, Satan n'est qu'une création divine qui met l'homme à l'épreuve. En revanche, dans le Nouveau Testament, le diable et sa cohorte de démons figurent le mal, et s'efforcent d'empêcher le triomphe de l'Église. La théologie chrétienne des premiers siècles intègre Lucifer au dogme - central - du péché originel : l'ange fut chassé du royaume céleste pour s'être rebellé et avoir incité Ève à la désobéissance en ayant parlé par la bouche du serpent. Néanmoins, l'Église primitive considère le démon, principalement incarné dans le paganisme, comme facile à vaincre. Et, jusqu'au XIe siècle, les clercs mettent en garde les fidèles contre ces tentations considérées comme de simples illusions à combattre par la pénitence. Aux XIIe et XIIIe siècles, lorsque se développent les protestations vaudoise et cathare contre la puissance de l'Église de Rome, celle-ci impose un monodémonisme au centre de sa pastorale : le diable devient le seigneur d'une secte de disciples, en vertu d'un pacte librement consenti durant une « messe à l'envers » appelée « synagogue », puis « sabbat » (XIVe siècle). Le diable projette d'amener le chrétien à renier Dieu, et à œuvrer pour son propre royaume. Bien qu'il soit un être spirituel, il peut prendre une forme corporelle (homme noir, chat ou bouc), ou s'introduire dans un fidèle (possession). La poursuite de ses serviteurs justifie les procès politiques (depuis l'ordre des templiers à Éléonore Galigaï), les persécutions des hérétiques (des albigeois aux calvinistes), la lutte contre la religion populaire (du Dauphiné, au XVe siècle, au Labourd, au XVIIe siècle). L'originalité française procède de la prise en charge de cette « croisade » par le souverain temporel. En effet, les officiers du roi mènent les chasses aux sorcières du premier tiers du XVIIe siècle, et sont aussi les responsables de la disparition de ces dernières. Le retrait du diable s'exprime à travers la construction d'une figure mythique. Le XIXe siècle romantique, qui rêve le Moyen Âge, ou s'insurge contre l'ordre bourgeois, érigera Satan en héros contestataire (la Sorcière, de Michelet, 1862).

Diane de Poitiers,

favorite du roi Henri II ( ? 1499 - château d'Anet, aujourd'hui en Eure-et-Loir, 1566).

Fille de Jean de Poitiers, comte de Saint-Vallier, elle épouse à 15 ans Louis de Brézé, grand sénéchal de Normandie, qui meurt en 1531. Le roi François Ier confie alors à la jeune veuve, dame d'honneur de la reine Claude, l'éducation de son second fils, Henri, âgé de 12 ans. Dès cette époque, elle exerce à la cour une influence qui lui vaut de nombreuses querelles avec la duchesse d'Étampes, maîtresse de François Ier ; c'est elle qui aurait poussé Henri à épouser Catherine de Médicis en 1533. Vers 1538-1539, Henri, héritier de la couronne depuis 1536 (date de la mort du dauphin François), fait de Diane, de 19 ans son aînée, sa maîtresse attitrée. Quand François Ier meurt (1547), la favorite fait exiler la duchesse d'Étampes et, toute-puissante, éclipse Catherine de Médicis ; en 1548, Henri II lui confère le titre de duchesse de Valentinois, fait construire pour elle le château d'Anet et lui offre celui de Chenonceaux, qu'elle contribue à embellir.

Son action politique est surtout marquée par une hostilité envers les protestants ; elle favorise les Guises et le connétable Anne de Montmorency. Dans le domaine des arts, elle inspire une cour d'artistes brillants, parmi lesquels Philibert Delorme ; elle est partout associée à la Diane de la mythologie, déesse de la chasse, alors qu'Henri II est représenté sous les traits de divers dieux, conférant ainsi à leur « union » une dimension légendaire. Cette ère de gloire prend fin au lendemain de la mort accidentelle du roi, en 1559. Catherine de Médicis prend sa revanche : elle oblige Diane à se retirer à Anet, à rendre tous les bijoux que lui avait offerts son royal amant et à échanger Chenonceaux contre Chaumont.

Diderot (Denis),

philosophe et écrivain (Langres 1713 - Paris 1784).

Fils d'un artisan de province, et destiné à l'état ecclésiastique, il fait ses humanités chez les jésuites de Langres, mais interrompt ses études de théologie à la Sorbonne pour se marier et se lancer dans une carrière littéraire.

Du bohème au directeur de l'« Encyclopédie ».

• Il fréquente alors la bohème de la capitale, et commence à se faire connaître comme traducteur d'anglais. En 1745, il adapte ainsi l'Essai sur le mérite et la vertu, de Shaftesbury, et transforme progressivement le projet de traduction d'un dictionnaire anglais en une Encyclopédie originale, dont il prend la tête avec d'Alembert. Parallèlement à l'élaboration de cette encyclopédie, qui l'occupe pendant plus de quinze ans, il compose une œuvre littéraire et philosophique d'importance. Son itinéraire va d'un roman libertin, les Bijoux indiscrets (1748), jusqu'au théâtre - le Fils naturel (1757) et le Père de famille, (1758), qui lancent le genre nouveau du « drame » - et ses essais affirment un empirisme qui s'oriente rapidement vers le matérialisme : Pensées philosophiques (1746), Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient (1749), qui lui vaut une incarcération à Vincennes, Lettre sur les sourds et muets (1751), Pensées sur l'interprétation de la nature (1753). Diderot manifeste la plus grande originalité quand il dépasse l'opposition entre littérature et philosophie, et adopte la création esthétique comme métaphore du fonctionnement de l'univers : ses romans deviennent d'ironiques critiques du genre - la Religieuse (1780-1782), Jacques le Fataliste (1778) -, et ses dialogues philosophiques transforment le genre antique traditionnel, pour exposer une pensée en recherche - le Rêve de d'Alembert (1782), le Neveu de Rameau, Supplément au Voyage de Bougainville. Il affine son déterminisme physiologique dans sa Réfutation d'Helvétius (1774), une critique des déterminismes de l'éducation et de l'habitude.