Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
J

jeu de paume,

divertissement réservé à une élite sociale dès le Moyen Âge, et qui a pour ancêtre la pila, jeu de balle gallo-romain.

Exercice de plein-air, la longue paume, qui prendra le nom de « tennis » en Angleterre, se distingue de la courte paume pratiquée dans une salle nommée « tripot ». Séparés par un filet, les joueurs, munis d'une raquette (ou d'un gant, avant le XVe siècle), se disputent l'esteuf, une balle d'étoupe, qui peut rebondir sur trois toits pentus surplombant des galeries réservées aux spectateurs. L'expression « amuser la galerie » tire d'ailleurs son origine du comportement des participants, qui divertissaient parfois le public par leurs excentricités.

Très prisée sous le règne des Valois, la paume suscite la mode des coiffures « en raquette », les cheveux étant tressés en forme de cordage et maintenus par des cadres de bois. Les humanistes du XVIe siècle apprécient ce jeu fondé sur la seule adresse, et non sur le hasard. Mais, au cours du Grand Siècle, la paume perd peu à peu de son prestige, Mazarin préférant les jeux d'argent, et le Roi-Soleil, le billard. À la Révolution, très peu de salles subsistent, et leur fréquentation est restreinte. Le 20 juin 1789, la salle du Jeu de paume, à Versailles, entre néanmoins dans l'histoire en donnant son nom au célèbre serment qu'y prêtent les députés. En 1862, Napoléon III fait construire une dernière salle aux Tuileries, qui sera transformée en galerie d'art dès 1907. Il reste aujourd'hui très peu de courts, dont l'un à Paris, accueille un cercle fermé d'adeptes. Plus appréciés et plus populaires, les dérivés du jeu de paume, tels le tennis, le squash ou la pelote, l'ont désormais remplacé.

Jeu de paume (serment du),

serment prononcé à Versailles, le 20 juin 1789, par les députés du tiers état, qui s'engagent à ne pas se séparer avant l'adoption d'une Constitution.

Dès le 6 mai 1789, lendemain de leur ouverture, les États généraux sont bloqués par le long bras de fer qui oppose le Tiers aux deux ordres privilégiés et au pouvoir royal : la question se pose de savoir si l'on votera par tête, ce qui assurerait la domination du Tiers, ou par ordre, ce qui avantagerait noblesse et clergé. La tactique du tiers état consiste alors, tandis que les deux autres ordres se sont retirés dans leurs chambres respectives, à demeurer dans la salle commune, puis, après avoir appelé noblesse et clergé à se joindre à lui, à délibérer seul au nom de tous. Le 17 juin, tandis que toutes les parties campent sur leurs positions, le Tiers, considérant représenter les « quatre-vingt-seize centièmes au moins de la nation », se déclare, sur proposition de Sieyès, « Assemblée nationale », qui décide aussitôt qu'elle seule peut consentir l'impôt. Ce décret accorde à l'Assemblée la souveraineté que le roi détenait : il affirme en effet qu'« il n'appartient qu'à elle d'interpréter et de présenter la volonté générale de la nation ». Le 20 juin, alors que le clergé s'est prononcé la veille pour sa réunion au Tiers, Louis XVI décide de tenir une séance royale le 23 pour casser les arrêtés du Tiers, et fait fermer, sous prétexte d'aménagement, la salle des Menus-Plaisirs, où se réunit la nouvelle Assemblée. Au matin, trouvant portes closes, le président Bailly choisit d'ignorer ce coup de force et entraîne députés et public, venu en masse, jusqu'à la salle voisine du Jeu de paume, vaste salle nue bordée de galeries, où l'on improvise aussitôt un bureau. Là, brûlant d'affirmer tant leur nouveau pouvoir que leur détermination, tous les députés - sauf un - prêtent, sur la proposition de Mounier, « serment solennel de ne jamais se séparer, et de se rassembler partout où les circonstances l'exigeront, jusqu'à ce que la Constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides », puis quittent la salle après avoir signé le texte rédigé par Barnave et Le Chapelier. Parlant de « résolution inébranlable », ce serment audacieux et unificateur, qui sera suivi le 23 juin par le refus d'obéir aux injonctions royales, marque la toute-puissance nouvelle de la volonté nationale et le passage de l'absolutisme au parlementarisme, de l'Ancien Régime à la Révolution.

Jeunesse chrétienne,

ensemble de mouvements de jeunesse créés au sein de l'Action catholique.

Le creuset des mouvements de jeunesse chrétienne est l'Association catholique de la jeunesse française (ACJF), créée en 1886 sur l'initiative d'Albert de Mun : recrutant dans les milieux aisés, celle-ci a pour principal objectif la réconciliation entre l'Église et le monde ouvrier. L'ACJF relève d'abord d'une pensée réactionnaire avant que ses préoccupations sociales la conduisent à accepter la République. Dans l'entre-deux-guerres, sa spécialisation en mouvements s'adressant à une catégorie sociale spécifique lui permet de renforcer son audience. L'exemple provient de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), fondée en Belgique en 1924 par l'abbé Cardjin et relayée en France dès 1926 à Clichy par l'abbé Guérin. Ce premier mouvement naît hors de l'ACJF - mais se rallie à elle dès 1927 -, qui lui apporte son parrainage, son expérience et la caution de l'Église. La JOC est, quant à elle, porteuse d'une pédagogie mettant l'accent sur la connaissance du milieu social au sein duquel elle agit. L'ACJF fait siens ces principes et achève de se structurer en branches spécialisées : En 1929, Ferté fonde la Jeunesse agricole chrétienne (JAC) et, l'année suivante, Chaudron et Chambre la Jeunesse étudiante chrétienne (JEC). Il se crée même une Jeunesse maritime chrétienne (JMC), tandis que les membres restants de l'association se regroupent dans la Jeunesse indépendante chrétienne (JIC) en 1936.

Pendant la guerre et l'Occupation, ces cinq mouvements combattent de concert la politique du régime de Vichy concernant la jeunesse et participent à la Résistance. Leur expérience favorise les prises de conscience politiques : dès 1946, l'ACJF place parmi ses priorités la réforme économique et sociale. Cet accent mis sur les questions temporelles provoque une crise avec l'Église, qui craint la politisation du mouvement et affirme le poids prépondérant des valeurs spirituelles d'évangélisation. À l'heure où elle-même structure son organisation, elle redoute aussi une association qui deviendrait trop puissante et qui a surtout pris ses distances avec le haut clergé, majoritairement vichyssois. Enfin, l'Église cherche à mieux encadrer l'activité des laïcs à qui elle a confié un mandat. C'est alors que l'épiscopat intervient dans les luttes intestines qui déchirent l'ACJF : il appuie les thèses de la JOC - mouvement le plus politisé mais qui compte le plus de prêtres - lorsque celle-ci cherche à retrouver son autonomie. La crise qui s'ensuit débouche, en 1956, sur l'éclatement de l'ACJF : les cinq mouvements poursuivent leur action spécifique et interviennent dans la vie publique (révolution rurale, guerre d'Algérie). Cet épisode montre la difficulté d'une action toute entière tournée vers la jeunesse, trop indépendante de la hiérarchie ecclésiastique et englobant l'apostolat dans une réflexion plus intellectuelle sur la société.