Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Roux (Jacques), (suite)

Membre du Conseil général de la Commune de Paris à partir du 29 décembre 1792, il exprime sa méfiance pour les hommes en place : « Le modérantisme perd la chose publique », ou « le despotisme sénatorial est aussi terrible que le sceptre des rois », avance-t-il. Il apparaît comme le principal soutien du mouvement populaire en faveur de la taxation lorsque, le 25 juin 1793, il présente avec véhémence à la barre de la Convention les mesures qu'il a toujours préconisées (son adresse est connue sous le nom de « Manifeste des enragés »). Conventionnels et jacobins le dénoncent alors comme un « ennemi du peuple ». La Commune le suspend de son poste et les cordeliers décident son expulsion. Enfin, Marat en fait, dans son journal, une figure de « faux patriote ».

Cependant, Roux continue son combat politique, réclamant un maximum général et la levée en masse. Il devient même président de la section des Gravilliers, dont les membres obtiennent sa libération quand il est arrêté une première fois en août 1793. Emprisonné à nouveau le 5 septembre 1793, jugé quelques mois plus tard par le Tribunal révolutionnaire, il se poignarde en pleine audience. Soigné à Bicêtre, le « curé rouge » renouvelle son geste et meurt le 10 février 1794.

Royer-Collard (Pierre Paul),

homme politique et philosophe (Sompuis, Marne, 1763 - Châteauvieux, Loir-et-Cher, 1845).

Royer-Collard est, avec Guizot et Victor Cousin, l'un des fondateurs du courant intellectuel et politique des Doctrinaires, qui exprime les idées de la bourgeoisie monarchiste libérale opposée aux ultras de la Restauration.

Après avoir siégé brièvement au Conseil des Cinq-Cents sous le Directoire, Royer-Collard entretient une correspondance avec le futur Louis XVIII en exil, qu'il exhorte à se montrer conciliant à l'égard des principes hérités de 1789. Sous l'Empire, il est nommé professeur de philosophie à la Sorbonne (1811). Marqué par son éducation janséniste, influencé par la philosophie de la perception inspirée des Écossais Thomas Reid et Dugald Stewart, et faisant une critique sévère du sensualisme de Condillac, il développe le principe de la « souveraineté de la raison », qui repose sur l'idée que la souveraineté ne peut jamais être pleinement incarnée. Sa doctrine s'oppose ainsi tant à la conception révolutionnaire de la souveraineté du peuple qu'à l'absolutisme monarchique. Au début de la Restauration, Royer-Collard abandonne sa chaire universitaire et s'engage dans le combat politique à la Chambre, où il est élu en 1815. Il défend alors des lois libérales, notamment celles relatives à la presse et à l'enseignement (contre les prétentions de l'Église), et s'oppose aux lois électorales favorables aux monarchistes ultras. Il contribue à la chute de Charles X en présentant au roi l'« adresse des 221 » (mars 1830) contre le ministère ultra de Polignac, et appuie le régime de la monarchie de Juillet. Confiant dans l'avenir d'une élite bourgeoise éduquée et dans l'utilisation rationnelle des « capacités », Royer-Collard salue l'œuvre politique de Tocqueville (De la démocratie en Amérique, 1835), dans lequel il reconnaît une sorte de Montesquieu du XIXe siècle.

RPF (Rassemblement du peuple français),

formation politique fondée le 7 avril 1947, à Strasbourg, par le général de Gaulle.

Après sa démission en janvier 1946, n'ayant pu faire triompher ses vues dans les projets constitutionnels de la IVe République, le Général entend promouvoir un mouvement populaire à la fois pour contrecarrer l'influence du communisme et pour entreprendre la révision des institutions. À Bruneval, le 30 mars 1947, il justifie sa décision en ces termes : « Le jour va venir où, rejetant les jeux stériles et réformant le cadre mal bâti où s'égare la nation et se disqualifie l'État, la masse immense des Français se rassemblera avec la France. » Le Rassemblement, qui est présidé par de Gaulle (aidé du secrétaire général Jacques Soustelle), connaît des débuts prometteurs. Aux élections municipales d'octobre 1947, il recueille environ 35 % des suffrages exprimés dans les villes de plus de 9 000 habitants. Les mairies de grandes villes telles que Rennes, Bordeaux ou Strasbourg lui sont acquises. Mais son recul est tout aussi soudain. Fort de plus de 400 000 adhérents en 1947-1948, le RPF préfère se présenter seul (à quelques exceptions locales près) aux élections législatives de juin 1951, et refuse les « apparentements » (alliance entre plusieurs listes pour le décompte des voix et donc pour la répartition des sièges). Avec 121 députés (dont 3 apparentés), le RPF constitue le premier groupe parlementaire, mais il n'est pas en mesure d'imposer le changement institutionnel. En outre, il ne réussit pas à attirer à lui une partie des modérés : au contraire, 27 députés RPF votent l'investiture d'Antoine Pinay, le 6 mars 1952, et forment le groupe dissident Action républicaine et sociale (ARS). De plus, en juin 1953, 77 parlementaires RPF s'inscrivent à l'Union des républicains d'action sociale (URAS), présidée par Jacques Chaban-Delmas, qui accepte des fonctions ministérielles et, par conséquent, l'intégration au système politique de la IVe République. Un communiqué du général de Gaulle, le 13 septembre 1955, annonce la mise en sommeil du RPF.

La courte expérience du RPF s'explique par ses ambiguïtés. Alors qu'il a vocation d'être un rassemblement - dont seuls les communistes sont a priori exclus -, il devient en fait un parti à cause du refus même des partis constitués de permettre à leurs membres la « double appartenance ». En outre, le groupe parlementaire RPF concilie mal l'attitude d'opposition systématique au régime et le jeu électoral. Le RPF souffre aussi de la concurrence du Mouvement républicain populaire (MRP) et du Centre national des indépendants et paysans (CNIP). Enfin, il n'a pas le monopole de l'anticommunisme et du nationalisme.

Le RPF méritait-il davantage que les quelques lignes que lui a consacrées le général de Gaulle dans ses Mémoires ? La réponse est affirmative si l'on évalue combien est important l'héritage du RPF dans la Ve République gaullienne, tant chez les élites que dans la culture gaullistes.