pouvoir féodal suprême exercé par le roi de France.
Issu du latin populaire superanus (« supérieur », « le plus élevé »), le terme « suzerain » désigne au Moyen Âge un puissant seigneur dont les vassaux possèdent eux-mêmes des vassaux ; de ce fait, ce « seigneur de seigneurs » est au sommet d'une pyramide féodale. Le suzerain par excellence est évidemment le roi de France, pour lequel les juristes forgent le concept de suzeraineté.
Les Carolingiens avaient cherché à utiliser la vassalité pour s'attacher la fidélité des potentats locaux mais, aux Xe et XIe siècles, la dissociation accélérée des pouvoirs publics fait perdre au roi le contrôle des clientèles féodales. À partir du XIIe siècle, la suzeraineté apparaît comme l'un des instruments de reconquête du pouvoir royal. « Suprême seigneur fieffeux » qui ne peut lui-même être le vassal de quiconque, le roi exige l'hommage prioritaire des grands feudataires du royaume, y compris ceux qui, comme les comtes de Flandre ou de Toulouse, dépendent théoriquement de l'empereur germanique ou du roi d'Angleterre. Utilisant pleinement les ressources du droit féodal, il n'hésite pas à retirer leurs fiefs aux vassaux récalcitrants comme le roi d'Angleterre Jean sans Terre, qui se voit confisquer par Philippe Auguste la Normandie, l'Anjou, le Maine et le Poitou en 1202. Ainsi se constitue ce qu'on peut appeler une « monarchie féodale ».
Au XIIIe siècle, la notion de « suzeraineté » glisse progressivement vers celle de « souveraineté » (fondée d'ailleurs sur la même racine latine). Les légistes d'alors, nourris de droit romain, étendent la protection suzeraine du roi à tous les habitants du royaume non engagés dans les liens vassaliques : au nom du principe que nul ne peut être sans seigneur, ces derniers sont désormais considérés comme les sujets du souverain, ainsi placé au-dessus de la hiérarchie féodale. La suzeraineté n'en disparaît pas pour autant, et ses principes continuent d'être invoqués durant l'Ancien Régime. C'est au nom de ceux-ci qu'est prononcée en 1523 la confiscation du fief du connétable de Bourbon, qui a trahi François Ier ; de même, les impôts levés sur les boissons conservent pendant longtemps le vieux nom féodal d'« aides », et l'on cherche périodiquement à réanimer le ban et l'arrière-ban. Jusqu'à la Révolution, la Chambre des comptes ne cesse d'enregistrer les actes d'hommage et de foi exigés de tout nouveau vassal par un roi décidément attaché à sa suzeraineté.