Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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maires du palais.

À l'origine (Ve et VIe siècles), le major domus - qui, en français, a donné « majordome » - est le chef d'un domaine qui n'est pas exploité directement par son propriétaire.

Chaque aristocrate important de la Gaule mérovingienne en possède au moins un à son service. À la cour royale, le maire du palais est désigné par les termes major domus regiae ou major palatii. Nommé par le souverain, il est d'abord un simple officier de la Maison du roi, et règle tout ce qui concerne la vie matérielle du palais. Au cours du VIIe siècle, en raison de la très forte privatisation du pouvoir et des nombreux partages successoraux qui marquent la période mérovingienne, ainsi que des fréquentes guerres civiles et régences imposées par la minorité des rois, il devient progressivement le seul agent permanent de l'administration. Il assure donc, plus que le roi, la continuité du pouvoir. Veillant au domaine royal, il fait également lever l'impôt, préside le tribunal royal et commande l'armée, ce qui lui confère la quasi-totalité des pouvoirs régaliens. Du fait de son incontestable prestige, cette fonction de vice-roi (subregalus) est de plus en plus soumise au contrôle de la haute aristocratie des trois royaumes francs d'Austrasie, de Neustrie et de Bourgogne. Les maires du palais deviennent les représentants et les porte-parole de groupes de pression à tendance souvent régionaliste, et forment rapidement de véritables dynasties sur lesquelles les rois n'ont plus guère de prise.

Après le règne de Dagobert (629/639), on assiste surtout à une lutte entre les maires du palais d'Austrasie et de Neustrie. Pépin de Herstal triomphe des Neustriens à Tertry en 687 ; devenu maire du palais d'Austrasie et de Neustrie, il se proclame prince des Francs. À partir de cette époque, c'est donc le major domus qui gouverne la Gaule : il fait et défait les rois, qui règnent mais ne gouvernent plus. Charles Martel, fils bâtard de Pépin de Herstal, renforce le prestige de sa famille - les Pippinides -, entre 714 et 741, grâce à ses nombreuses victoires militaires (telle celle de Poitiers, en 732), et prépare le « coup d'État » de son fils Pépin le Bref. Celui-ci, en 751, détrône le dernier Mérovingien, Childéric III, et se fait reconnaître roi par les grands du royaume à Soissons, avant de se faire sacrer par Boniface, évêque envoyé par le pape. Le sacre est confirmé et conféré par le pontife lui-même, pour Pépin et ses fils (Charles et Carloman), à Saint-Denis en 754. À la « race » du sang sacré succède la « race » sacrée par l'onction. Une dynastie est née, issue d'une famille de maires du palais : les Carolingiens.

Le remplacement des descendants de Mérovée par des maires du palais est le symbole de la forte privatisation du pouvoir dans les premiers siècles médiévaux puisque le chef des affaires privées du prince prend tellement d'importance qu'il finit par devenir le premier personnage de l'État.

Maison du roi,

ensemble des personnes affectées au service domestique du roi et de sa famille.

Héritière de l'Hôtel du roi, la Maison du roi prend corps véritablement au début du XVIe siècle, lorsque, au retour des guerres d'Italie, les Valois donnent à leur cour un éclat jusqu'alors inconnu : les dépenses de la Maison bondissent de 200 000 livres à 1 000 000 de livres entre 1485 et 1518, tandis que le nombre des officiers passe de 366 en 1495 à 540 en 1523, pour atteindre 1 096 en 1584. À la maison civile s'ajoutent la maison militaire, ainsi que les maisons de la reine, des enfants de France et des princes du sang (ainsi, le duc d'Alençon, frère d'Henri III, dispose-t-il de près de 1 000 personnes). Lorsqu'elle atteint son plein développement, sous le règne de Louis XIV et de Louis XV, la seule Maison civile du roi comporte 22 départements, emploie plusieurs milliers d'officiers, sans compter le « petit personnel », et représente une dépense annuelle de plus de 30 millions de livres.

Organisation et fonctions.

• La Maison du roi est placée sous l'autorité du grand maître de France, qui a rang de grand officier de la couronne. Cette charge prestigieuse est confiée aux plus grandes familles : au connétable de Montmorency de 1526 à 1559, puis aux Guises, plus tard aux Condé. Le grand maître, qui reçoit le serment des officiers de la Maison, supervise l'ensemble des services, dont l'organisation est toujours demeurée souple. La Bouche du roi, dirigée par le premier maître d'hôtel, regroupe tous les offices qui concourent au service de la table royale (paneterie, échansonnerie, fruiterie). La Chambre du roi est placée sous les ordres du grand chambellan, qui commande à une armée de gentilshommes de la chambre, de valets de chambre, de pages, d'huissiers ; à la Chambre sont rattachés la garde-robe, la faculté (médecins et chirurgiens du roi), le cabinet (correspondance, bibliothèque, antiquités). L'Écurie, qui gère les équipages, est confiée au grand écuyer, promu grand officier de la couronne sous le règne d'Henri IV. Les Chasses comprennent la vénerie, la fauconnerie, la louveterie, les toiles (filets à gibier). La Chapelle organise le culte à la cour, sous la responsabilité du grand aumônier de France, qui, en outre, a juridiction sur tous les établissements de charité du royaume. Citons encore les Cérémonies (organisation des cérémonials monarchiques), les Logements et Bâtiments (occupation des locaux), la Musique (musique de la Chambre, de la Chapelle et de l'Écurie), les Menus-Plaisirs (distractions de la cour). La maison militaire est un ensemble assez hétérogène composé de corps inégalement prestigieux (la Garde du corps, gardes-suisses, chevau-légers, mousquetaires, grenadiers, gardes-françaises, la Gendarmerie du roi), qui, sous le règne de Louis XIV, constituent une véritable armée de plus de 10 000 hommes. Outre la protection du souverain et de son entourage (« garde du dedans »), elle a en charge la police de Paris (gardes-françaises), et joue le rôle d'école militaire.

Des offices convoités et critiqués.

• Les offices de la Maison du roi sont très recherchés, en raison de la proximité avec le souverain et des avantages qui leur sont attachés (gratifications, exemptions fiscales, privilèges judiciaires, anoblissement dans certains cas). Les plus importants d'entre eux sont pourvus directement par le roi, qui en use comme d'une arme pour domestiquer la noblesse. Ces offices sont à la discrétion du souverain, et sont censés échapper à la vénalité et à l'hérédité. Mais toutes sortes de dérogations permettent à leurs titulaires de les transmettre à leur guise. L'ensemble de la Maison finit par constituer un organisme pléthorique, dont le coût total atteint 42 millions de livres à la fin de l'Ancien Régime. Les souverains tentent parfois d'en enrayer la croissance, le plus souvent en vain.