Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
O

ordres (société d'), (suite)

Une notion mise à mal par l'évolution historique.

• Dans un monde où la robe ennoblit avant d'anoblir, à partir d'Henri IV (la paulette), où le noble - par définition, récent - se prend pour un gentilhomme - par définition, ancien, puisque « si le roi peut faire un noble (par lettres), il ne peut jamais faire un gentilhomme » - ; dans un monde où les états généraux ne sont plus réunis de 1614 à 1789, où les « savonnettes à vilain » (certains offices) permettent aux bourgeois qui les achètent de se « laver » de leur initiale roture ; dans un monde où la banqueroute de Law (1720) enrichit les domestiques en ruinant certains maîtres, et où les plus belles dots bourgeoises séduisent les meilleurs blasons à redorer ; dans un tel monde, la société d'ordres est une notion juridique, protocolaire (la girouette sur le toit, le banc seigneurial à l'église, les enfeus, les armoiries timbrées), voire fiscale, mais une notion très largement dépassée. D'ailleurs le roi ne convoque-t-il pas des « assemblées de notables » en 1787-1788 ? Et il faut attendre la Révolution - ô paradoxe - pour que la notion de société d'ordres se trouve brutalement remise au goût du jour dans un contexte plus entaché d'idéologie que soucieux des réalités.

oriflamme,

bannière de soie rouge et insigne sacré de la monarchie française.

À l'origine, l'oriflamme est l'enseigne de l'abbaye de Saint-Denis, que Louis VI arbore en 1124 lors de ses conquêtes contre les seigneurs allemands. Considérée comme l'emblème de la victoire et de la défense de l'ordre monarchique contre les rebelles puis les infidèles, elle est déployée dans de nombreuses campagnes militaires des rois de France, comme à Bouvines (1214) ou pendant les croisades. Dès le début du XIIIe siècle, les chroniqueurs font remonter son origine à Charlemagne, la tenant pour l'un des symboles du combat des Francs pour la foi. Ensuite, la littérature des XIVe et XVe siècles attribue sa création à un rêve de l'empereur byzantin Manuel Comnène : ces récits reprennent à leur compte la prophétie racontant qu'un prince d'Occident muni de l'oriflamme viendrait délivrer Jérusalem de la mainmise des Infidèles. Enfin, à partir du milieu du XVe siècle, on prête à Clovis lui-même l'origine de l'oriflamme, qui lui aurait été transmise miraculeusement. Pourtant, dans les faits, l'oriflamme perd de son pouvoir symbolique : elle est déchirée et perdue à la bataille de Mons-en-Pévèle (1304) et s'avère peu mobilisatrice dans la lutte contre les Anglais au moment de la guerre de Cent Ans (notamment à Poitiers, en 1356). Elle n'est plus levée après 1418. À partir du règne de Charles VII, le roi de France se bat sous d'autres augures.

orléanisme,

courant politique constitué sous la monarchie de Juillet autour des idées-forces du nouveau régime : parlementarisme, libéralisme et ordre social.

Chronologiquement, l'orléanisme succède au légitimisme, quand, en 1830, la branche cadette des Bourbons accède au trône. Sur bien des points, il fonde ainsi ses principes en réaction au régime politique qu'il supplante : là où les ultras prétendaient rétablir un cours naturel des choses brisé par la Révolution, les partisans du régime de Juillet entendent au contraire renouer avec la continuité des idéaux de 1789. De même, les légitimistes asseyaient leur doctrine sur un attachement quasi religieux à la personne du souverain ; par comparaison, les orléanistes reconnaissent la fonction du monarque, légitime non en vertu d'un principe dynastique mais par le serment qu'il a passé devant la nation. Enfin, l'influence de la religion catholique, si présente et si nécessaire dans la philosophie ultra, est battue en brèche par le personnel politique orléaniste, qui revendique un gouvernement laïc.

Libéralisme et conservation sociale.

À rebours de tout dogme absolu, l'orléanisme peut donc se définir comme un système de gouvernement nuancé, pensé pour répondre à la situation politique du moment : à ce titre, s'il intègre en 1830 le principe monarchique et le parlementarisme, il ne peut se résumer à ces deux notions. Plus qu'une doctrine, c'est un état d'esprit - le juste milieu - affirmé pour réconcilier le souverain et le peuple autour du compromis qu'offrent les institutions nouvelles. Cette évidente souplesse permet déjà de comprendre sa postérité, qui survit à l'évolution de la forme du régime, pour peu que soient préservées les valeurs du mode de société qu'il défend : il existe en effet une société orléaniste attachée à un double idéal de libéralisme économique et politique et de conservatisme social.

La monarchie de Juillet est considérée comme le règne de la bourgeoisie : le régime correspond en effet aux aspirations d'une classe sociale attentive aux acquis de 1789, refusant le modèle de société hiérarchisée fondée sur la naissance et redoutant les aspirations démocratiques des classes populaires. Cependant, si l'orléanisme puise une large part de sa clientèle dans la bourgeoisie, le type de société qu'il promeut ne peut se confondre avec l'idéal d'une seule catégorie sociale. Il est davantage le gouvernement des élites, le pouvoir étant confié aux classes dirigeantes, aux notables, que la naissance, peut-être, mais surtout la fortune ou les talents ont mis au premier rang. En l'espèce, la formule de Guizot - « Enrichissez-vous par le travail et par l'épargne » - est le parfait résumé d'une doctrine qui garantit l'ascension sociale par le travail et l'effort individuel plus que par les transformations révolutionnaires.

Cet accent mis sur le libre arbitre de l'individu renvoie à ce qui est par excellence la philosophie politique de l'orléanisme : le libéralisme, qui ne peut être résumé à sa seule acception économique. L'idéal de liberté est en effet prégnant dans la doctrine orléaniste : liberté de penser, d'abord, qui s'exprime par l'importance donnée à l'enseignement et à l'Université, soustraite à la tutelle de l'Église ; liberté politique, ensuite, par un attachement sans faille au parlementarisme (c'est à la Chambre que les élites peuvent s'exprimer et participer à la vie de la nation) ; libéralisme économique, enfin, par le souci constant de laisser jouer les mécanismes de la libre entreprise.