Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
V

Vendée (guerre de). (suite)

Le pire est alors la répression qui s'abat sur les campagnes, sous les ordres du général Turreau. Celui-ci se lance dans une politique de destruction, interprétant librement les discours de Barère et laissant carte blanche à ses généraux. Certains refusent d'appliquer des ordres sans motifs et se cantonnent dans des opérations purement militaires, ou réussissent à quitter la région ; d'autres, à la tête des colonnes bientôt appelées « infernales », se rendent coupables d'incendies, de viols et de tueries. Les responsabilités de la Convention, aussi lourdes qu'elles soient, ont été relayées sur le terrain par celles des généraux, qui n'ont pas tenu compte de toutes les recommandations reçues.

Dans ce contexte, les généraux vendéens, Charette, Stofflet, Sapinaud, se retrouvent à la tête de véritables petites armées, qui rassemblent les ruraux traqués ; ils peuvent alors se lancer dans une guérilla qui contient les attaques des républicains, et constituer de véritables petits royaumes à partir de l'été 1794. Les campagnes échappent ainsi à la République, qui ne contrôle que les villes et les grandes routes.

La fin de la guerre

La situation se dénoue après Thermidor (juillet 1794). Des négociations s'engagent avec Charette, après que les conventionnels, désireux de rompre avec la Terreur et de réunifier le pays, ont échoué à détacher les ruraux de leurs chefs. Un véritable traité de paix est signé, près de Nantes, à La Jaunaye, en février 1795. Il reconnaît la liberté des cultes, transforme les soldats de Charette en gendarmes et prévoit d'indemniser les populations. Stofflet a refusé de s'y associer, et il faudra employer la force pour qu'il se soumette en mai 1795.

Cette paix, étendue à la chouannerie, sauf dans le Morbihan, est de courte durée, mais elle montre que les vendéens n'ont pas tissé de liens avec les émigrés et les armées contre-révolutionnaires et que l'expression des mécontentements - notamment religieux - prime sur le désir de restaurer la royauté. Les relations se dégradent bientôt entre les vendéens de Charette et les républicains ; en outre, les émigrés et les chouans tentent une opération de débarquement à Quiberon (juin 1795), si bien que la reprise de la guerre avec les chouans entraîne un regain des actions militaires en Vendée. Charette repart en campagne, mais seul, car il n'obtient pas que le comte d'Artois, qui a débarqué sur l'île d'Yeu en novembre 1795, le rejoigne, lui donnant la caution qui lui manque. Mais les royalistes savent dorénavant que la victoire politique est envisageable et rechignent à entrer dans une lutte militaire aux issues incertaines, après l'échec de l'expédition de Quiberon. La guerre de Charette est condamnée, ses liaisons nouvelles avec les chouans et les réseaux de conspirateurs royalistes ne peuvent pas lui donner les bases militaires dont il disposait en 1793-1794, d'autant que le nouveau commandant des armées républicaines, Hoche, adopte une politique habile. Il évite de réprimer les paysans qui abandonnent le combat et, en contrepartie de ce désarmement, permet une quasi-liberté du culte dans la région. La tactique est efficace. Charette est progressivement abandonné par ses troupes et réduit à errer de cache en cache. Lorsque Stofflet reprend la guerre en janvier 1796, il n'est pas non plus suivi. Les deux chefs, isolés, sont finalement capturés, traduits devant des tribunaux qui les condamnent à mort, et exécutés, le premier à Nantes en mars 1796, le second à Angers en février. La guerre de Vendée en elle-même est morte.

Le bilan de cette guerre est catastrophique. Il est très difficile à établir sur le plan démographique, puisque les archives manquent et que les causes de décès demeurent toujours imprécises. On peut penser néanmoins que chacun des départements concernés a perdu, pour une cause ou une autre, entre 40 000 et 50 000 habitants, en tenant compte des personnes qui sont parties lors de la « virée de Galerne » ou ont gagné d'autres départements. Si toutes les zones de la région Vendée ne sont pas aussi affectées, certaines communes ont perdu entre 25 et 30 % de leur population. Il faut ajouter que ces guerres ont laissé d'innombrables blessés et estropiés, qui marqueront la région de leur présence et de leurs souvenirs pendant de longues décennies. La population subit un autre traumatisme du fait de l'importance des destructions affectant l'habitat et le cheptel. La reconstruction sera relativement rapide mais, en 1808 encore, les dégâts sont tels que Napoléon décide d'accorder des indemnisations aux habitants de la Vendée, de la Loire-Atlantique, puis des Deux-Sèvres.

Les guerres du souvenir

Entre-temps, la région n'a pas été pacifiée. Les vendéens vaincus, gardent néanmoins des réseaux de résistance, qui entravent la marche de l'administration et qui, en 1799, lancent à nouveau des troupes dans une brève révolte, liée à une offensive généralisée sur les frontières et dans les zones contre-révolutionnaires. La tentative fait long feu. Pendant le Consulat et l'Empire, les complots ne cessent pas, mais se heurtent à l'efficacité de la police. Puis la Vendée vit une renaissance en 1814, avec l'arrivée de l'envoyé du roi, Louis de La Rochejaquelein, frère d'Henri et époux de la veuve de Lescure. Mais les Cent-Jours provoquent la reprise de la guerre, qui se déroule parallèlement à la bataille de Waterloo : les vendéens et les chouans sont battus, et Louis de La Rochejaquelein tué.

La Restauration accorde une reconnaissance limitée à la Vendée, qui accueille cependant la duchesse de Berry lors de sa tentative d'insurrection contre Louis-Philippe, en 1832. La division entre les royalistes et la médiocre mobilisation des ruraux conduisent le soulèvement à l'échec. Mais les vendéens, battus, deviennent les hérauts du légitimisme, et vont défendre ensuite les États du pape : la Vendée est entrée dans la légende. L'attrait qu'exerce la geste vendéenne sur certains auteurs (Balzac, Hugo, Botrel...), puis les revanches de la IIIe République, la sanctification des martyrs vendéens par Rome, les multiples relectures politiques et sociales opposant la Vendée à la Révolution, l'Ancien Régime à la modernité, la campagne à la ville, contribuent ensuite à alimenter le recours à l'histoire vendéenne et à faire de cette région un des « lieux de mémoire » nationaux.