Pasteur (Louis), (suite)
Pasteur revient à l'École normale - où il a désormais son laboratoire - comme directeur adjoint en 1857, avant d'être nommé professeur à la Sorbonne (1867). Membre de l'Académie des sciences (1862) et de l'Académie de médecine (1873), il entre à l'Académie française en 1882.
Un esprit toujours curieux et un redoutable polémiste.
• En 1865, il est sollicité par les pouvoirs publics pour combattre une maladie des vers à soie qui ruine la sériciculture française, la pébrine. Bien que s'affirmant totalement incompétent, Pasteur accepte et part pour Alais (Alès). S'il ne découvre pas l'origine de la maladie, il la distingue néanmoins d'une autre affection avec laquelle on la confondait, la flacherie, et il met au point une sélection rigoureuse des œufs, de la « graine », qui ne doit provenir que de papillons sains. Il dit aussi ce que doit être l'état des feuilles de mûrier consommables par les vers. Ces travaux, dont les conclusions bousculent les routines, sauvent la sériciculture languedocienne. Pasteur, si longuement enfermé dans son laboratoire, rivé à son microscope, attaché à ses ballons, cornues et tubes qui contiennent ses cultures, ennemi de tout importun qui prétend le déranger dans ses observations, se montre ainsi capable de se muer en homme de terrain comme il l'avait déjà fait dans les caves viticoles d'Arbois ou comme il le fera dans les brasseries londoniennes pour ses recherches sur le vin et la bière.
Pasteur est également un brillant polémiste, notamment sur les bancs des académies. Ainsi pourfend-il les tenants de la génération spontanée, qui ont pour chef de file Félix Archimède Pouchet, directeur du Muséum d'histoire naturelle de Rouen. Ouvert par une communication de celui-ci en 1858, le débat dure pendant des années, Pasteur démontrant que la présence de germes dans l'air s'explique toujours par leur venue d'ailleurs et que les phénomènes dits « de génération spontanée » ne sont que les produits d'expérimentations mal faites, de stérilisations imparfaites. Dans ces débats académiques, Pasteur se montre, au service de sa vérité, d'une totale intransigeance et d'une grande brutalité de propos.
La victoire sur la rage.
• Surmené par ses travaux de laboratoire, par les polémiques qu'il soutient, par ses déplacements dans le Midi, très affecté par des malheurs familiaux, Pasteur est victime d'une attaque cérébrale qui, en 1868, le laisse hémiplégique et c'est en infirme que, pendant vingt-cinq ans encore, il va accomplir un travail colossal. Les années 1870 sont marquées par la poursuite des travaux sur les fermentations du vin et de la bière, mais surtout par les travaux sur les maladies animales, le charbon des moutons, le choléra des poules, le rouget des porcs, le lien entre ces recherches étant l'analyse du rôle des substances infiniment petites, avec une orientation nouvelle : l'analyse de leurs fonctions pathogènes. En 1878, Pasteur publie son Mémoire sur la théorie des germes et ses applications à la médecine et à la chirurgie. Le charbon des moutons avait retenu l'attention des chercheurs dès les années 1840, et Davaine avait décelé la présence dans le sang des animaux morts de bâtonnets microscopiques dont il pensa, ultérieurement, qu'ils pouvaient être responsables de la maladie. L'idée fut reprise par l'Allemand Robert Koch, qui prouva le rôle étiologique des bâtonnets de Davaine. Pasteur n'innove donc pas mais son apport essentiel est la mise au point de vaccins. En effet, il constate que les germes - on parle désormais de « microbes » ou de « virus » - peuvent évoluer et, dans certaines conditions, perdre de leur virulence et de leur nocivité pathologique. Ce n'est pas là non plus une découverte ex nihilo, puisqu'il y a le précédent d'Edward Jenner et de la vaccination contre la variole à partir du cow-pox (1796). Néanmoins, pour concevoir la possibilité de mettre au point des vaccins, Pasteur doit écarter la croyance à l'aspect spécifique et stable des caractéristiques biologiques et chimiques des espèces microbiennes. En jouant sur les conditions dans lesquelles sont réalisées des cultures successives, par le vieillissement des germes à une certaine température, Pasteur constate la perte de virulence des agents responsables du charbon, du choléra des poules, du rouget du porc, mais aussi de la pneumonie et de la rage. En 1881, il publie son Mémoire sur la possibilité de rendre les moutons réfractaires au charbon par la méthode des inoculations préventives. En juin 1882, il démontre l'efficacité de la vaccination dans le village beauceron de Pouilly-le-Fort. Préalablement vaccinés, 25 moutons échappent à la maladie tandis que 25 bêtes témoins non vaccinées en meurent.
Vient alors le temps de la grande aventure qui a assuré la gloire internationale de Pasteur. Ses travaux portent en effet désormais sur la rage : le 6 juillet 1885, un jeune Alsacien mordu par un chien enragé, Joseph Meister, lui est amené. Après bien des hésitations devant les risques de ce qui était une expérimentation humaine, Pasteur traite l'enfant par des injections successives de cultures sur moelle de lapin de moins en moins atténuées. Le jeune garçon est sauvé comme l'est ensuite Jean-Baptiste Jupille, jeune pâtre jurassien. C'est le triomphe immédiat puisque, quinze mois plus tard, près de 2 500 personnes auront été déjà traitées. Le retentissement considérable de cette victoire sur la rage s'explique par la terreur qu'inspirait cette maladie qui condamnait inéluctablement à une mort atroce. C'est l'émotion soulevée alors qui permet le lancement d'une souscription internationale pour l'édification d'un centre de recherches microbiologiques. L'Institut Pasteur ouvre ses portes le 14 novembre 1888. Pasteur est alors trop affaibli pour avoir un rôle très actif dans ce nouveau cadre. C'est l'heure des consécrations ultimes avec son jubilé à la Sorbonne, à l'occasion de ses 70 ans, le 27 décembre 1892. Des funérailles nationales seront organisées après sa mort.
La postérité.
• La place de Pasteur dans l'histoire des sciences médicales est immense. Ses travaux ont profondément modifié la conception même que l'on pouvait se faire de la maladie. Il a ouvert la voie de la vaccination et de la sérothérapie et il a cautionné l'antisepsie et l'asepsie. Il n'y a guère que Koch, son contemporain, qui puisse lui être comparé.