Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
S

Schœlcher (Victor), (suite)

À l'occasion du centenaire de la révolution de 1848 et de l'abolition de l'esclavage, Léopold Sédar Senghor et Aimé Césaire lui rendent hommage. Ses cendres sont transférées au Panthéon en même temps que celles de Félix Éboué (1949). En mai 1981, le jour de son accession au pouvoir, François Mitterrand se rend au Panthéon et dépose une rose sur sa tombe.

Schuman (Robert),

homme politique (Clausen, Luxembourg, 1886 - Scy-Chazelles, Moselle, 1963).

Né au Luxembourg, de nationalité allemande jusqu'en 1918, Robert Schuman est d'abord un homme de la Moselle, dont il est élu député en 1919 : de cette région profondément germanisée de 1871 à 1918, il garde une double culture, mise à profit lors de ses études de droit dans diverses universités allemandes ; de la tradition politique locale, il tient son attachement à la démocratie chrétienne ; de la position géographique de la Lorraine du Nord, le sentiment aigu qu'il faut, par intérêt économique et pour préserver la paix, bâtir une Union européenne.

Les premiers combats de Robert Schuman au Palais-Bourbon concernent la défense du statut local de l'Alsace et de la Lorraine, notamment le maintien du concordat avec Rome. À la Chambre, il siège au centre droit et adhère, de 1932 à 1939, au Parti démocrate populaire. Son influence est encore limitée, mais ses convictions pacifistes sont assez enracinées pour qu'il épouse tour à tour les espoirs (soutien à la politique de Briand dans les années 1920) et les renoncements de son temps (soutien aux accords de Munich en 1938). Nommé sous-secrétaire d'État aux réfugiés en mars 1940 dans le gouvernement Reynaud, il assiste impuissant à l'exode de juin. Emprisonné puis placé en résidence surveillée par les nazis, il s'évade en août 1942 et entre dans la clandestinité.

Député MRP de Moselle jusqu'en 1958, Robert Schuman devient, en raison de sa participation à tous les gouvernements de 1946 à 1952, l'une des personnalités éminentes de la IVe République. Ministre des Finances (juin 1946-novembre 1947), il s'efforce d'appliquer un programme d'austérité. Dans un pays frappé par les grèves (décembre 1947), il exerce avec sa fermeté coutumière la présidence du Conseil (novembre 1947-juillet 1948). De juillet 1948 à décembre 1952, il est ministre des Affaires étrangères, puis garde des Sceaux de février 1955 à janvier 1956. C'est au Quai d'Orsay qu'il bâtit l'essentiel de son œuvre politique, au service de la construction européenne : la création du Conseil de l'Europe (mai 1949), la déclaration du 9 mai 1950 qui propose l'institution de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA, avril 1951), sont autant d'étapes importantes d'une action pragmatique en faveur d'une Europe supranationale, action fondée sur des plans limités et concrets. Schuman échoue cependant sur le projet de Communauté européenne de défense (CED). À la construction européenne, il consacre néanmoins les dernières années de sa vie publique : il préside le Mouvement européen de 1955 à 1961, et l'Assemblée parlementaire européenne de 1958 à 1960.

Schweitzer (Albert),

médecin, musicologue et théologien (Kaysersberg, Alsace, 1875 - Lambaréné, Gabon, 1965).

Fils de pasteur, Albert Schweitzer présente des dons précoces pour la musique et la philosophie. Après une scolarité secondaire à Mulhouse, il se partage entre Paris, où il poursuit des études de philosophie en Sorbonne et travaille l'orgue sous la direction de Charles-Marie Widor, et Strasbourg, où il suit des cours à l'université de théologie. À l'âge de 20 ans, sa renommée d'organiste est établie et il donne des récitals dans toute l'Europe. Docteur en philosophie en 1899 et en théologie en 1902, il est nommé vicaire adjoint de l'église Saint-Nicolas de Strasbourg et maître de conférence à la faculté de théologie protestante. Parallèlement, il s'attache à la sauvegarde des vieilles orgues alsaciennes et fonde des œuvres de charité. En 1904, il est ébranlé par la lecture d'un rapport sur l'état sanitaire du Gabon. Il entreprend aussitôt sept années d'études de médecine générale et tropicale. En 1913, après avoir recueilli au cours de ses récitals et de ses conférences l'argent nécessaire au financement de son projet médical, il s'embarque à destination de l'Afrique en compagnie de sa femme. C'est à Lambaréné (Gabon), sur les rives de l'Ogoué, au milieu du peuple des Pahouins, qu'il fonde un hôpital, conçu sur le modèle des villages africains pour ne pas dépayser ses malades. Il doit lutter contre la malaria, la fièvre jaune et la lèpre, mais aussi affronter les sorciers et les croyances locales, les difficultés du ravitaillement et l'insalubrité du climat. En 1914, il est interné en France en tant que citoyen allemand. Au lendemain de l'armistice, il sillonne l'Europe comme concertiste et conférencier, publie des livres et, avec l'argent de ses tournées, retourne à Lambaréné en 1924. Des médecins de différents pays le rejoignent. Sa célébrité est alors devenue mondiale. En 1943, en pleine guerre, le gouvernement des États-Unis n'hésite pas à ravitailler Lambaréné en vivres et en médicaments. Après son voyage triomphal aux États-Unis, en 1948, la presse, la radio, le cinéma et le théâtre s'emparent de son personnage. Docteur honoris causa de plusieurs universités, Prix Nobel de la paix (1952), Albert Schweitzer consacre la fin de sa vie à la dénonciation des essais nucléaires. Outre quelques ouvrages autobiographiques, il est l'auteur de Jean-Sébastien Bach, le musicien poète (1905), de la Mystique de l'apôtre Paul (1930) et des Grands Penseurs de l'Inde (1936).

scrutin,

« manière de recueillir les suffrages sans que l'on sache de quel avis chacun a été ».

Cette technique apparaît à la fin du IIe siècle avant J.-C., lorsque les comices de la République romaine abandonnent l'usage du vote oral afin d'éviter la corruption ; l'histoire va lentement la perfectionner.

Un outil de stratégie politique.

• C'est à la fin de l'Ancien Régime, et consécutivement au développement des thèses relatives à la nature de la souveraineté, que la question de la représentation met à l'ordre du jour celle, subséquente, du mode de scrutin. Certes, la monarchie a connu l'élection pour désigner les premiers rois de France puis les députés aux états. Mais elle se faisait par acclamation ou, plus généralement, à haute voix. Or, en 1789, on attend des propositions de réformes de la réunion des trois ordres. La désignation de leurs représentants n'est donc pas innocente ; elle exige une technique dont le choix revêt un caractère politique. Avec les brochures de Sieyès et le règlement royal du 24 janvier 1789 - premier texte officiel de technique électorale -, le mode de scrutin devient une composante de la stratégie politique.