Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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clergé (suite)

Avec la renaissance des villes, le XIIIe siècle voit l'apogée des ordres mendiants : l'ordre prêcheur de Dominique, engagé dans la répression de l'hérésie manichéenne des albigeois, ou « cathares », tout comme l'ordre mineur de François d'Assise, répandu en France sous le nom de « Récollets » ou de « Cordeliers », élèvent leurs couvents et leurs vastes nefs dans les faubourgs des cités, et privilégient une vie de pauvreté et de prédication auprès des populations urbaines. Progressivement gagné au célibat, le clergé séculier consolide ses structures, établies sur le système du bénéfice (patrimoine inaliénable attaché à la fonction ecclésiastique), le prélèvement de la dîme (impôt perçu par le clergé, et fixé à environ un dixième des récoltes), et le tarif du casuel (rémunération des actes du ministère), auxquels s'ajoute le produit des messes fondées par les fidèles ; il prend en charge l'instruction et le service sacramentel, à l'heure où le concile du Latran IV (1215) rend obligatoires la confession et la communion annuelle des laïcs. Tandis que la monarchie capétienne renforce son autorité sur l'épiscopat, les liens de l'Église de France se resserrent avec le pape de Rome, témoin et garant de l'universalité catholique, et dispensateur des grâces spirituelles et temporelles.

Clergés et Réformes

La crise des structures de la chrétienté médiévale participe, à la fois, de processus historiques et d'exigences spirituelles. Ainsi, l'échec des croisades permet la suppression de l'ordre des templiers par Philippe le Bel, et la confiscation de leurs biens, tandis que l'affaiblissement de la vie religieuse des abbayes bénédictines ou cisterciennes fait passer leurs revenus en commende, au bénéfice de seigneurs laïcs ou ecclésiastiques. Les désastres de la guerre de Cent Ans, avec son cortège de pestes et de famines, précipitent la crise générale de l'Église, déchirée par le grand schisme d'Occident (1378-1417) entre le pape d'Avignon et celui de Rome, et accélèrent la mainmise de la monarchie sur l'Église gallicane : par la pragmatique sanction de Bourges (1438), Charles VII s'assure des nominations aux évêchés et aux principales abbayes ; ce dispositif est confirmé par le concordat de Bologne, conclu en 1516 entre François Ier et Jules II. Dans le même temps, une exigence spirituelle, nourrie de la ferveur inquiète des fidèles et de ferments de réformes (béguines, Devotio moderna, humanisme), ravive les modèles « ecclésiologiques » de l'âge apostolique, et remet en cause les privilèges spirituels et matériels des clercs.

À l'aube du XVIe siècle, les Réformes de Luther et de Calvin, en fondant la vie religieuse sur la foi seule et sur la seule Écriture (sola fide, sola scriptura), et en proclamant le principe du sacerdoce universel des fidèles, modifient radicalement le statut du clergé. La Confession de foi de La Rochelle (1571), adoptée sous l'impulsion de Théodore de Bèze, établit la discipline ecclésiastique sur la base des communautés locales, réunies en colloques et en synodes, organise l'élection des pasteurs et des diacres, et remet l'autorité, pour l'essentiel, à des consistoires dominés par les laïcs. Au contraire, le concile de Trente (1545-1563), dont les décrets sont reçus par l'assemblée du clergé de France aux états généraux de 1615, réaffirme les fondements de l'ecclésiologie médiévale : l'Église, instituée par Jésus-Christ, et confiée à l'autorité de Pierre et de ses successeurs, est dépositaire de la foi ; seule gardienne du sens de l'Écriture, elle conserve la tradition héritée des Apôtres ; la distinction entre les clercs et les fidèles, marquée par le sacrement de l'ordre, trouve sa justification ultime dans la présence réelle du Christ dans l'hostie consacrée par le prêtre, et dans la théologie sacramentelle ; la structure hiérarchique de l'Église, les formes diverses de la vie régulière, sont légitimées. La fracture intervenue au milieu du XVIe siècle entre tradition catholique et Réforme protestante oppose deux formes d'Église et de clergé.

De la Réforme catholique à la Révolution

La Réforme catholique des XVIIe et XVIIIe siècles marque une mutation considérable du clergé français. La création des séminaires, ordonnée lors de la 23e session du concile, constitue un tournant dans sa formation intellectuelle : sous l'impulsion de Pierre de Bérulle, d'Adrien Bourdoise, de Jean-Jacques Olier, de Vincent de Paul, les séminaires parisiens de Saint-Magloire, des Bons-Enfants et de Saint-Sulpice sont fondés en 1642, et suivis, en 1644, de Saint-Nicolas-du-Chardonnet ; 36 séminaires diocésains sont créés entre 1642 et 1660, 53, de 1660 à 1680, une quarantaine encore, après cette date, dans les 130 diocèses français ; ils accueillent un clergé moins nombreux et plus instruit, principalement recruté dans les classes urbaines aisées. Premier ordre du royaume, le clergé se gouverne seul, via une assemblée générale qui vote un « don gratuit » au bénéfice de la fiscalité royale. Cependant, l'inégalité des fortunes demeure extrême parmi les quelque 90 000 prêtres séculiers (10 000 chanoines, 60 000 curés et vicaires, 18 000 bénéficiers) que compte la France à la veille de la Révolution. C'est pourquoi le système de la « portion congrue » - fixée, en 1788, à 700 livres pour les curés, et à 350 livres pour les vicaires - établit une péréquation minimale des revenus du clergé paroissial.

La vie régulière est marquée, à l'aube de la Réforme catholique, par la création de nouvelles congrégations - Jésuites, Minimes, Capucins, Oratoriens, Doctrinaires, Eudistes, Montfortains, Frères des Écoles chrétiennes ; Ursulines, Visitandines, Filles de la Charité, Filles de la Sagesse - et par des tentatives réformatrices, telle celle entreprise par l'abbé de Rancé dans l'ordre cistercien, à la Trappe. À la fin du XVIIIe siècle, les ordres réguliers (26 000 religieux, 56 000 religieuses) traversent, toutefois, une crise majeure, liée à l'affaiblissement de certains ordres anciens, frappés par la « commission des réguliers », à une chute des effectifs, aux attaques des Lumières et du jansénisme parlementaire, qui aboutissent, en 1764, à la suppression de la Compagnie de Jésus, et à une mutation des mentalités manifeste dans la négation de l'utilité de la vie contemplative et de la prière.