Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
L

Libération, (suite)

Le 12 septembre 1944, à Montbard, les troupes engagées dans les deux débarquements se rejoignent. À cette date, les trois quarts du territoire sont libérés. Au nord, les Anglais sont à Anvers et la Ire armée américaine, à Liège, après avoir libéré la Picardie, le Nord et la Champagne. À l'est, la IIIe armée de Patton fait mouvement vers la Lorraine (Nancy est libérée le 15 septembre), tandis que la Ire armée française et la VIIe armée américaine délivrent la Franche-Comté. Commence alors la difficile campagne d'Alsace. À la suite d'une audacieuse manœuvre, la division Leclerc libère Strasbourg le 23 novembre, respectant ainsi le serment fait à Koufra au début de 1941. Mais la contre-offensive allemande des Ardennes (début décembre) incite Eisenhower à demander aux Français d'évacuer Strasbourg. Fermement soutenu par de Gaulle, Leclerc refuse d'obtempérer et tient la capitale alsacienne jusqu'au rétablissement de la situation. Au début de 1945, la France est entièrement libérée.

La restauration de l'État.

• La Libération soulève rapidement la question de la prise du pouvoir. La menace représentée par l'AMGOT est assez facilement conjurée par le GPRF. Du reste, la libération (Sud-Ouest, Centre) ou le contrôle (Bretagne) de régions entières par la Résistance rend impossible la mise en place de l'administration alliée. Alors que le régime de Vichy s'écroule, la Résistance, encadrée par les officiers de liaison du GPRF, nomme les responsables (préfets, commissaires de la République) dont les listes ont été préparées dans la clandestinité. À Bayeux (juin), puis à Paris, de Gaulle fait reconnaître par sa présence son autorité.

Cependant, la légitimité du GPRF est concurrencée par celle de la Résistance. Cette dernière prétend imposer ses propres organes (comités départementaux et locaux de la Libération), et les rapports avec les préfets, surtout dans l'ex-zone sud (ainsi à Toulouse), sont parfois tendus. Tout au long de l'automne, par des voyages répétés en province, de Gaulle s'emploie à asseoir l'autorité de l'État et à marginaliser les organes de la Résistance. La question des forces militaires est encore plus délicate. De Gaulle dissout les organes de commandement des FFI et ordonne leur incorporation à l'armée régulière de de Lattre de Tassigny. Quant aux « milices patriotiques » que le PCF a créées au printemps 1944, le Général n'obtient leur désarmement qu'en échange d'un accord global avec le parti (amnistie de Thorez, qui avait été condamné par contumace pour désertion en 1939, et confirmation de la participation du PCF au gouvernement). Enfin, à l'insurrection succède l'épuration, qui, parfois, ne frappe pas que les miliciens et tourne aux règlements de comptes. On estime à 10 000 le nombre des victimes de l'épuration sauvage de l'été 1944. Ici encore, par l'instauration d'une Haute Cour de justice pour les crimes les plus graves et de cours de justice au plan local (140 000 dossiers étudiés), le GPRF s'emploie à restaurer l'autorité de l'État.

Libération-Nord,

un des plus grands mouvements de résistance de la zone nord, créé par Christian Pineau en novembre 1941, et en activité jusqu'à la libération de Paris en août 1944.

Le mouvement se constitue autour de l'équipe qui a signé, le 15 novembre 1940, le « Manifeste des Douze », formée de syndicalistes réunis en un « Comité d'études économiques et syndicales ». Parmi les signataires de ce manifeste figurent neuf confédérés (Capocci, Chevalme, Gazier, Jaccoud, Lacoste, Neumeyer, Pineau, Saillant et Vandeputte) et trois syndicalistes chrétiens (Bouladoux, Tessier et Zirnheld). Les travaux de ce comité sont régulièrement publiés dans un bulletin dont l'activité légale sert de couverture au journal clandestin Libération-Nord, qui paraît le 1er décembre 1940. Les premiers numéros du journal sont rédigés et fabriqués par Christian Pineau, qui utilise comme principale source d'information les renseignements fournis par la BBC. Le mouvement Libération-Nord, dont la naissance officielle est annoncée dans le numéro du journal daté du 30 novembre 1941, entend être l'expression dans la Résistance de l'union des tendances non communistes de la CGT, de la CFTC et de la SFIO, clandestines. Les structures horizontales et verticales de l'organisation syndicale permettent un recrutement de militants à la fois rapide et important. Depuis le retour de Christian Pineau de son premier voyage à Londres, Libération-Nord est, dès le printemps 1942, sous influence socialiste, avec Henri Ribière à sa tête, la direction du journal étant confiée à Jean Texcier. Au début de l'année 1943, le mouvement commence à organiser des groupes armés, sous l'impulsion de Jean Cavaillès et sous la direction du colonel Zarapoff. Représenté au Conseil national de la Résistance (CNR), il refuse pourtant d'adhérer aux Mouvements unis de Résistance (MUR), en décembre 1943.

Libération-Sud,

mouvement de résistance (1940-1944) créé à Clermont-Ferrand.

D'abord formé par l'équipe qui publie clandestinement la Dernière Colonne (décembre 1940-mars 1941), autour d'Emmanuel d'Astier de la Vigerie, de Lucie et Raymond Aubrac, auxquels se joignent des personnalités telles que Pascal Copeau, Pierre Hervé, Maurice Kriegel, Alfred Malleret ou Serge Ravanel, Libération-Sud devient l'un des plus puissants mouvements de résistance de la zone sud. Le journal Libération, édition de zone sud est à l'origine du mouvement. Le premier numéro, daté de juillet 1941, est tiré à 10 000 exemplaires. Jules Meurillon, chargé du service de propagande-diffusion à partir de l'automne 1942, lui donne son essor (200 000 exemplaires en août 1944). En juin 1942, Libération-Sud se présente sous la forme d'« un mouvement de gauche à forte dominante ouvrière, socialiste, maçonnique et chrétienne. Il emprunte aux différentes organisations qui expriment ces courants les plus valeureux de leurs cadres et utilise leurs structures » (Laurent Douzou, la Désobéissance). En janvier 1943, Combat, Franc-Tireur et Libération-Sud annoncent leur fusion, et forment les Mouvements unis de Résistance (MUR) : seule la propagande reste du ressort de chacun des mouvements. Au début de l'année 1944, les MUR constituent avec trois mouvements de la zone nord (Défense de la France, Lorraine, Résistance) le Mouvement de libération nationale (MLN). Depuis l'été 1943 se propage la rumeur - nuancée par l'historiographie récente - que le centre de Libération-Sud est noyauté par des militants communistes.