Fédérés (mur des),
mur clôturant au sud-est le cimetière du Père-Lachaise, au pied duquel furent fusillés, le 27 mai 1871, les survivants d'une des ultimes batailles de la Commune.
Le 27 mai 1871, la Commune de Paris agonise. Les versaillais attaquent le cimetière du Père-Lachaise, l'un des derniers points d'appui de celle-ci, et s'en rendent maîtres après de durs combats. Exaspérés par la résistance rencontrée, ils fusillent immédiatement les derniers survivants. Malgré l'existence d'autres nécropoles et de combats ultérieurs le 28 mai, cet épisode a donné naissance à « un lieu de mémoire » privilégié des militants de la Commune, analysé par Madeleine Rebérioux dans les Lieux de mémoire (tome I, la République).
Le mur des Fédérés est devenu emblématique grâce à des poèmes, en particulier ceux d'Eugène Pottier, auteur des paroles de l'Internationale, qui institua le rite du pèlerinage annuel, grâce aussi aux représentations telles que le Triomphe de l'Ordre (1880), de Pichio. Lorsque les premières manifestations du souvenir s'organisent en 1880, au lendemain de l'amnistie, la presse militante propose de se réunir près de la fosse commune où sont enterrés les fusillés du Père-Lachaise et d'autres victimes de la répression. La verticalité du mur, image de la lutte, est désormais associée à la fosse commune, image de la mort. Les manifestations de 1880 et de 1885 sont sévèrement réprimées. Mais, dans l'intervalle, la police républicaine tolère des rassemblements pacifiques au cimetière, avec prises de parole dès 1882 et port de drapeaux rouges - qui sont interdits ailleurs. Après 1893 et la nomination du préfet de police Louis Lépine, des mesures restrictives sont prises, qui ne seront levées qu'en 1908 : interdiction des prises de parole, fractionnement des cortèges. Ce durcissement est sans doute imputable à la crainte qu'inspirent les socialistes après leur percée aux élections législatives d'août 1893 et à un glissement vers la droite de la majorité gouvernementale.
Le mur des Fédérés joue à l'origine un rôle de réconciliation entre les fractions rivales du socialisme français. Mais, bientôt, il exacerbe les oppositions, par exemple entre socialistes nationalistes fidèles à Rochefort, l'ancien communard passé dans le camp de la droite nationaliste, et militants de la IIe Internationale. À partir de 1908, c'est la SFIO qui prend le contrôle de la manifestation. À l'heure où les rangs des anciens combattants de la Commune s'éclaircissent, la fonction politique du pèlerinage l'emporte désormais sur la manifestation de deuil.
Après la scission de Tours (1920), le Parti communiste prend le relais de la SFIO, aisément supplantée grâce à un discours plus révolutionnaire et à des mots d'ordre plus concrets. La légitimité de la mémoire communiste est encore renforcée par la Résistance, et le souvenir des martyrs des camps, matérialisé par des monuments voisins du mur, prolonge celui des morts anonymes de la « semaine sanglante ». Mais le mur est aussi, à l'occasion, le lieu de rassemblement unitaires impressionnants, au moment du Front Populaire ou à la Libération.
La déprolétarisation de Paris et la pratique du week-end, tout comme l'éclatement des forces politiques et syndicales, ont considérablement affaibli la capacité mobilisatrice du mur à partir des années cinquante, comme l'a illustré la célébration du centenaire de la Commune, organisée dans la dispersion. Le mur des Fédérés a été classé monument historique en 1983.
fédérés (peuples),
peuples barbares ayant passé un traité (foedus) avec les autorités romaines dans le cadre de la défense de l'Empire.
Au IVe siècle, dans le contexte de la restructuration militaire mise en œuvre après les invasions du IIIe siècle, Rome permet à quelques tribus barbares de s'installer à l'intérieur des frontières (limes) de l'Empire. Sous le haut commandement d'officiers romains, ces tribus doivent lutter contre les intrusions d'autres Barbares. En échange, elles reçoivent une solde, des subsides, des terres prélevées sur le fisc (domaine impérial), et peuvent être régies par leurs propres lois. Les Francs Rhénans sont ainsi cantonnés dans la moyenne vallée du Rhin, et les Francs Saliens, dans la province de Belgique, entre la Somme et le Rhin.
Au Ve siècle, l'effondrement de l'Empire entraîne un nouvel essor du système des fédérés, destiné à perpétuer, du moins théoriquement, la reconnaissance de l'autorité romaine en Occident, et notamment en Gaule. Cependant, ce sont des peuples entiers qui s'installent désormais à l'intérieur des terres : en 418, les Wisigoths obtiennent le statut de fédérés et doivent combattre les bagaudes en Aquitaine. En 443, les Burgondes sont autorisés à demeurer dans le Jura, en Genevois et en Lyonnais. La mort du dernier empereur d'Occident, en 476, achève de ruiner la fiction du maintien de l'autorité romaine : les peuples fédérés se transforment alors en royaumes romano-barbares.
fédérés de 1792,
gardes nationaux de province, qui participent à la prise des Tuileries le 10 août 1792.
Le 8 juin 1792, dans un contexte de défaites militaires françaises et de radicalisation politique, la Législative, « considérant qu'il est avantageux de resserrer les liens de fraternité qui unissent les Gardes nationales de tous les autres départements avec celle de Paris », décrète que 20 000 gardes nationaux se réuniront à Paris le 14 juillet. Cette force révolutionnaire est destinée à protéger la capitale. Mais le roi met son veto à ce décret et persiste dans son refus malgré la journée du 20 juin. Le 2 juillet, l'Assemblée passe outre et autorise les fédérés à se rendre à Paris pour y célébrer le 14 Juillet. Dans une atmosphère exaltée de mobilisation nationale, les fédérés affluent vers la capitale. Sur leur chemin, les Marseillais, qui, avec les Bretons, forment les plus gros bataillons, popularisent le Chant de guerre pour l'armée du Rhin, auquel on donne alors le nom de « Marseillaise ». Le 17 juillet, les fédérés arrivés à Paris (les Bretons et Marseillais n'y entreront que les 25 et 30 juillet) présentent à l'Assemblée la première pétition, rédigée par Robespierre, demandant la déchéance du roi. Puis, unis aux sections et à la Garde nationale parisiennes, les fédérés, notamment brestois et marseillais, jouent un rôle prépondérant dans la préparation et le déroulement de l'insurrection du 10 août, lui donnant symboliquement son caractère « national ».