Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Mercœur (Philippe Emmanuel de Lorraine, duc de),

prince lorrain et gouverneur de Bretagne (Nomény, Meurthe-et-Moselle, 1558 - Nuremberg, Allemagne, 1602).

Fils de Nicolas de Vaudémont, cadet de la maison de Lorraine, et frère de Louise de Lorraine, reine de France par son mariage avec Henri III, le duc de Mercœur est investi en 1582 du gouvernement de la Bretagne. Cousin des Guises, il adhère à la Ligue nobiliaire de 1584, mais ne participe que modérément aux affrontements des années 1585-1587. Après l'assassinat d'Henri de Guise, il apparaît comme l'un des principaux chefs de la Ligue, entraînant derrière lui une bonne partie de la noblesse bretonne. Lié à Philippe II d'Espagne, qui lui envoie des subsides et des hommes, il l'emporte sur les troupes royales à Craon (mai 1592). En fait, au-delà de son engagement au service de la cause catholique, Mercœur nourrit l'ambition de se constituer un fief indépendant en Bretagne. Mais il n'est pas suivi dans ses visées séparatistes par les états de Bretagne, qui restent fidèles à la monarchie. Dès 1592, il noue des contacts avec des émissaires d'Henri IV. Lorsque celui-ci marche sur la Bretagne au début de 1598, Mercœur monnaye son ralliement : le 20 mars, à Angers, il renonce au gouvernement de Bretagne contre la somme de 4 295 000 livres et le mariage de sa fille unique avec César de Vendôme, fils naturel du roi. Son ralliement, qui précède de quelques semaines la promulgation de l'édit de Nantes, marque la fin des guerres de Religion. Mercœur termine sa vie au service de l'empereur Rodolphe II dans la « longue guerre turque » et meurt au retour d'une expédition en Hongrie.

Mercure de France,

périodique littéraire, mensuel puis hebdomadaire, fondé en 1672 sous le titre de Mercure galant.

Véritable revue culturelle et modèle de référence sous l'Ancien Régime, dont il est l'un des journaux les plus anciens et les plus importants, le Mercure joue un rôle de premier plan dans le monde littéraire. Cependant, s'il soutient avec constance les Modernes contre les Anciens et accueille tous les grands écrivains de l'époque - il est le témoin passionnant de la transition entre le temps de Racine et celui de Voltaire -, il n'en demeure pas moins un journal à la fois officiel et fantaisiste, conduit souvent à la louange forcée et proposant un mélange disparate de mondanités et de galanteries. Après la mort de son fondateur, Donneau de Visé, en 1710, il passe de main en main et change plusieurs fois de titre. En adoptant son titre définitif (1724), il s'ouvre à la « philosophie », modernise son contenu et devient un grand mensuel d'information générale sous l'influence de l'abbé Raynal, de Marmontel, de La Harpe, et surtout du libraire Panckoucke, qui en achète le privilège (1778-1794) et le réforme en profondeur. Hebdomadaire dès 1779, divisé en deux parties distinctes, littéraire et politique, le Mercure prend sous la Révolution le parti des monarchiens puis des feuillants. Il survit cependant à la Terreur, change maintes fois de propriétaire et connaît plusieurs interruptions avant d'être relancé en 1800. Le Mercure n'a plus toutefois le lustre d'antan et ce chantre de l'opposition royaliste sous l'Empire - notamment sous les plumes de Chateaubriand ou de Bonald -, mis sous contrôle par la censure napoléonienne, périclite peu à peu, ressuscite plusieurs fois, avant de disparaître en 1832.

Un ultime avatar du Mercure naît en 1890 sous la direction d'Alfred Vallette. Cette version, strictement littéraire, qui accueille successivement Mallarmé, Jarry ou Duhamel, perd de son éclat dans l'entre-deux-guerres et disparaît en 1965.

Mère Angélique (Jacqueline Arnauld, dite),

religieuse, réformatrice de Port-Royal (Paris 1591 - id. 1661).

Abbesse commendataire de Port-Royal alors qu'elle n'a que 11 ans, la sœur du Grand Arnauld incarne d'abord les abus dont souffrent alors les ordres religieux. Sa vocation s'affirme lorsque, le 25 mars 1608, elle entend la voix de Dieu, qui lui ordonne de se réformer. Elle instaure donc un retour à la clôture et à l'austérité, dans l'esprit du concile de Trente. Cette mutation est symbolisée par la « journée du guichet », le 25 septembre 1609 : Mère Angélique interdit alors l'entrée à ses parents, à qui elle n'accepte de parler qu'à travers un guichet, mettant fin aux intrusions « mondaines » dans l'abbaye.

Liée à François de Sales et Jeanne de Chantal, elle fait de Port-Royal un lieu spirituel où la mortification des sens et la pratique des bonnes œuvres préservent des dangers du mysticisme. En 1625, l'abbaye de Port-Royal est installée à Paris. En 1630, ayant obtenu l'autorisation de mettre la charge d'abbesse en élection, Mère Angélique rentre dans le rang pendant trois ans pour devenir simple moniale. En 1633, l'évêque de Langres, Mgr Zamet, la choisit comme supérieure de l'Institut du Saint-Sacrement, dévoué à l'Adoration perpétuelle, pratique qui connaît alors son essor. En 1636, Mère Angélique revient à Port-Royal, qu'elle contribue, sous l'influence de son frère et de l'abbé de Saint-Cyran, à transformer en bastion janséniste. À nouveau abbesse de 1643 à 1654, elle meurt alors que le roi vient d'interdire au couvent de recevoir des novices. Au milieu des persécutions, son agonie, admirablement décrite par Racine (Abrégé de l'histoire de Port-Royal, 1698), en fait un exemple d'humilité et de soumission à Dieu.

Merlin de Douai (Philippe Antoine, comte Merlin, dit),

juriste et homme politique (Arleux, Nord, 1754 - Paris 1838).

Il est avocat au parlement de Flandre et expert réputé avant la Révolution. On fait appel à son autorité juridique dès son élection comme député aux états généraux de 1789. Il est membre du Comité des droits féodaux qui doit statuer sur les décrets des 4 et 10 août. En 1790, il intervient pour s'opposer à l'indemnisation demandée par les princes allemands en Alsace. Son argumentation repose sur le principe fondamental du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes : « Le peuple alsacien s'est uni au peuple français, parce qu'il l'a voulu ; c'est donc sa volonté seule, et non pas le traité de Münster qui a légitimé l'union, et comme il n'a mis à cette volonté aucune condition relative aux fiefs régaliens, nul ne peut prétendre d'indemnité. »