levée en masse, (suite)
Le décret, plus politique que militaire, d'août 1793.
• Devant la persistance du péril extérieur au printemps 1793, l'idée d'une levée en masse s'impose dans les milieux populaires. Il ne s'agit certes pas de provoquer un départ de toute la population vers les frontières mais de proclamer la nécessité de l'unité de tous pour gagner la guerre. Les sans-culottes veulent en finir avec les passe-droits, les inégalités et les exemptions. Selon l'historienne Annie Crépin, la levée en masse évoque non seulement le nombre mais surtout « la communauté de pensée de ceux qui allaient partir » : c'est « une insurrection du peuple qui se porte en avant de l'armée dans un effort subit et momentané ». Cette exigence devient de plus en plus présente dans les revendications des sans-culottes à l'été 1793 ; elle est reprise officiellement par la Commune de Paris, le 4 août. Le Comité de salut public est, quant à lui, plutôt réticent : on craint qu'une telle mesure n'ajoute à la confusion. Par ailleurs, la levée en masse pose autant de problèmes qu'elle n'en résout. Comment acheminer les requis ? Comment les équiper ? Malgré ces questions qui restent en suspens, un décret est adopté, le 23 août. Sa formulation atteste son caractère avant tout politique : les hommes, les femmes, les enfants, les vieillards, sont placés en état de « réquisition permanente pour le service des armées », mais seuls les « jeunes gens iront au combat » (en fait, les célibataires de 18 à 25 ans). Le remplacement est aboli, et les seules exemptions concernent les ouvriers de l'armement.
Des problèmes subsistent quant à l'application du décret, en particulier dans les campagnes, car le paysan pauvre dont les fils sont réquisitionnés ne peut pas, comme le riche, les remplacer par des manouvriers. Bien évidemment, les abus et les exemptions médicales frauduleuses ne manquent pas, mais les sociétés populaires et les représentants en mission veillent. Les militants révolutionnaires ne se contentent pas de réprimer l'insoumission, les troubles ou les abus : ils « organisent » l'émulation patriotique par des fêtes civiques et par le rappel des conquêtes révolutionnaires qu'il s'agit de défendre.
Si ses objectifs ne sont pas complètement atteints, la levée en masse permet tout de même d'envoyer environ 300 000 hommes aux armées. Elle suscite des résistances, surtout dans les campagnes, mais d'une ampleur bien moins grande que la levée de mars 1793.