Algérie, (suite)
Deux catégories d'Algériens.
• Le décret Crémieux d'octobre 1870 a donné la citoyenneté française aux juifs d'Algérie, malgré un mouvement antisémite qui exige violemment son abrogation en 1898, et qui finira par l'obtenir du régime de Vichy en octobre 1940. Quant à la très grande majorité de la population musulmane, elle reste en dehors de la « cité française ». Depuis le 14 juillet 1865, l'« indigène » musulman algérien est de nationalité française, mais il reste régi par la loi coranique (ou les coutumes berbères) en matière de statut personnel, et demeure assujetti à un régime disciplinaire d'exception (appelé « Code de l'indigénat » de 1881 à 1927). Il peut pourtant être admis individuellement à la citoyenneté française, à condition d'en être jugé digne et de renoncer à son statut personnel pour se soumettre au Code civil (ce qui est considéré comme une apostasie par les musulmans). Cette procédure, qualifiée à tort de « naturalisation », ne concernera pas plus de dix mille personnes.
Une autre solution est envisagée, depuis Napoléon III, par les « arabophiles » : la citoyenneté dans le statut musulman. En 1912, les intellectuels « Jeunes-Algériens »demandent que les « indigènes » soient suffisamment représentés dans les assemblées locales et au Parlement français. Après la Grande Guerre, la loi du 4 février 1919 définit des corps électoraux relativement larges, qui élisent des représentants musulmans minoritaires dans les conseils municipaux et généraux et les délégations financières, mais pas au Parlement. En 1931, l'ancien gouverneur général Maurice Viollette propose d'admettre dans le collège des citoyens français, sans renonciation à leur statut personnel, des individus détenteurs de décorations, de diplômes, ou qui se sont distingués dans l'exercice de fonctions politiques, administratives, économiques. Repris en décembre 1936 par le gouvernement du Front populaire, le projet Blum-Viollette suscite une telle opposition chez les élus français d'Algérie qu'il n'est ni discuté par le Parlement ni appliqué par décret. En fait, depuis juin 1936, il est déjà dépassé par la charte revendicative du Congrès musulman d'Alger, qui réclame la « citoyenneté dans le statut » pour tous les Algériens, dans le même collège que les citoyens français soumis au Code civil et dans une Algérie intégrée à la France. En août de la même année, à Alger, Messali Hadj, leader de l'Étoile nord-africaine, exige une Assemblée constituante algérienne souveraine élue au suffrage universel.
La montée du nationalisme.
• Le nationalisme algérien est apparu tardivement, d'abord en France avec l'Étoile nord-africaine, association de travailleurs immigrés créée sur l'initiative des communistes en 1926, puis en Algérie avec l'Association des oulémas (savants religieux), plus modérée, en 1931. À partir de 1936, ces deux courants posent publiquement la question nationale. Le Front populaire réagit en interdisant l'Etoile, puis son successeur, le Parti du peuple algérien. Le régime de Vichy substitue à l'idéal républicain d'assimilation son antisémitisme et un paternalisme autoritaire qu'il croit pouvoir faire accepter à la population en rabaissant le statut des juifs par rapport à celui des musulmans. Mais, après le débarquement anglo-américain du 8 novembre 1942, les anciens élus réunis par Ferhat Abbas adoptent la revendication d'indépendance dans un Manifeste du peuple algérien (février 1943). Le Comité français de libération nationale, présidé par le général de Gaulle, rejette le Manifeste et relance la politique d'assimilation par un ensemble de réformes politiques et sociales tendant à réaliser rapidement l'égalité de droit et de fait entre tous les habitants de l'Algérie. L'ordonnance du 7 mars 1944 consacre le principe de la citoyenneté française dans le statut musulman, met en œuvre le projet Blum-Viollette en faveur de 65 000 membres de l'élite, admet tous les autres musulmans dans un second collège pour élire 40 % des membres des assemblées locales. Ces réformes, et les mesures économiques et sociales qui les accompagnent, ne suffisent cependant pas à prévenir la révolte nationaliste qui éclate à Sétif et à Guelma le 8 mai 1945, et qui sera impitoyablement réprimée. De même, les débats aux deux Assemblées constituantes et le statut de l'Algérie voté le 20 septembre 1947 n'ajoutent guère aux réformes de 1944 ; le plan visant au progrès économique et social ne réussit pas à marginaliser les nationalistes, qui préparent l'insurrection du 1er novembre 1954.