Fourier (Charles), (suite)
C'est à une œuvre philosophique baroque, illuminée, pleine de néologismes étranges, que Charles Fourier doit sa célébrité. Son premier ouvrage, paru en 1808 sans nom d'auteur, Théorie des quatre mouvements et des destinées générales, développe une théorie totale et unitaire du monde, embrassant à la fois la nature et les sociétés humaines. Livres et articles concernant les sujets les plus divers se multiplient ensuite.
Les observations de Fourier le conduisent à ce constat : dans la société règne le désordre absolu. Ce « monde à l'envers » ne peut être maintenu que par la force d'un État contrôlé par une aristocratie mercantile et financière armée d'une morale oppressive qui refoule les passions. Mais cet état de civilisation doit être bientôt dépassé par un nouveau stade historique : « l'industrie sociétaire, véridique et attrayante », société communautaire dont Fourier règle le fonctionnement jusque dans les moindres détails. Dans ce phalanstère, composé de 1 620 personnes, le travail sera « attrayant », chacun devant œuvrer selon ses passions. La distinction entre les sexes et les races sera abolie mais les hiérarchies subsisteront : riches et pauvres ne disparaîtront pas.
L'école de Fourier - l'École sociétaire - n'exerce guère d'influence du vivant de son fondateur, et elle entreprend peu de réalisations, se développant surtout entre 1830 et 1848. Quelques associations conçues sur le modèle du phalanstère voient néanmoins le jour : l'Union industrielle du Sahy, au Brésil (1841-1845), l'Union agricole de Saint-Denis-du-Sig, en Algérie (1846), et, surtout, la Société de colonisation, créée au Texas par deux des principaux disciples de Fourier, dont Victor Considérant, et le familistère de Guise, installé dans les Vosges sur l'initiative de Jean-Baptiste Godin, fabricant des poêles du même nom. Charles Fourier est également le philosophe fétiche de Sigmund Freud et de l'écrivain surréaliste André Breton : l'un et l'autre ont reconnu en lui un grand libérateur des passions.